La prison est certes une peine. Mais le prisonnier reste un frère. À la privation de liberté ne devrait pas s’ajouter l’irrespect, la promiscuité, la violence… rappelle Werner Burki, qui fut aumônier général des prisons dans le cadre de la Fédération protestante de France. Il est actuellement pasteur à l’Oratoire du Louvre à Paris.
La prison est un sujet de mode. De temps à autre, la prison fait événement. Qu’il s’agisse de la manifestation d’une violence extrême, d’une évasion spectaculaire, d’un témoignage bouleversant ou d’un rapport accablant qui condamne notre pays sur le traitement qu’elle réserve à ceux qui font l’expérience de la privation de liberté, la presse parle de la peine de prison. Chacun y va alors de son étonnement et exprime des sentiments d’exaspération, de révolte et parfois de violence contre des êtres de l’ombre qui n’ont le plus souvent pour identité qu’un simple numéro. Mais bien que ces êtres, sauf cas exceptionnel, soient ignorés pour eux-mêmes, l’opinion publique, s’irrite, à juste titre que la prison, en France, soit une telle honte pour la République !
La privation de liberté est une véritable peine : la prison est la reine des peines. C’est aussi le règne de l’ombre. Métaphoriquement, les détenus sont mis à l’ombre, ombre qui n’est jamais très éloignée de la mort… La prison sent mauvais. Elle est douteuse, fait douter et de soi et des autres. Elle est le lieu constant de la suspicion et de l’indistinct. Comment faire pour distinguer le chien du loup alors que l’on vit dans l’atmosphère entre chien et loup ? Si les barreaux d’une échelle servent à gravir une hauteur, les barreaux dans une prison servent de clôture.
Depuis des années, la prison, dépendant du Garde des Sceaux et placée sous la responsabilité d’un directeur de l’administration pénitentiaire, cherche à devenir une administration comme les autres. Mais peut-elle y parvenir quand elle garde des hommes et des femmes, des adolescents, des enfants parfois, qui sont tous privés de la liberté d’aller et de venir ? Comment admettre que des personnes placées sous le contrôle de la justice soient regardées, non comme des maudits de la terre, mais comme des « usagers » de la prison ?
Dans le mot « pénitentiaire », se trouve la notion de « peine », terme qui évoque le « tourment du martyre ». La France a récemment été condamnée, non à cause de l’application des sanctions imposées par les juges, mais par ce qui met la personne privée de liberté en situation victimaire.
Nous pourrions citer de nombreuses situations contribuant à nier les êtres, qu’il s’agisse de relation d’irrespect, des conditions d’hygiène approximative, de promiscuité insupportable, de violence subie ou commise, de l’absence de moyens pour rester heureux, c’est-à-dire vivant.
Rien pourtant n’ira jamais bien dans les prisons. La raison de cet échec est simple. À côté de la maladie et de la mort, la privation de liberté est le plus grand des maux. Au fond de nous-mêmes, lorsque nous pensons « prison », notre imagination se donne libre cours pour que le mal commis soit éradiqué, c’est-à-dire extirpé complètement et, pourquoi pas, par le moyen d’une souffrance supplémentaire.
La présence de personnes supposées annoncer la bonne nouvelle est indispensable aux yeux des Églises, elle sonne juste quand les personnes visitées sont regardées comme des frères et des sœurs. La fraternité humaine est comme la terre de Canaan, elle est promise. C’est donc sur la route éclairée par la grâce qu’il faut marcher, y compris dans la vallée de l’ombre de la mort. Des amis aumôniers opiniâtres viennent d’obtenir que les prisons offrent un espace réservé au jardinage. Une belle utopie qui prend forme en quelques endroits. Les pauvrettes prisons françaises ouvrent, par cette autorisation expérimentale, un coin de jardin. En persan, le jardin, paraît-il, se dit paradis. De quoi rêver !
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