La beauté sauvera le monde,

fait dire Dostoïevski au prince Michtine dans L’idiot. L’auteur russe le pensait pour plus tard, nous le croyons pour maintenant. La beauté sauve le monde car elle console les coeurs brisés et apaise les âmes meurtries. Elle nous libère du médiocre et du fade, nous déleste de ce qui pèse, fait vibrer en nous la possibilité de nouvelles harmonies avec le réel. La beauté brise en effet cette solitude qui toujours isole un peu plus. Elle nous inclut dans un monde insoupçonné qui, devenu soudain plus profond et plus vaste que nous le pensions, regorge de possibilités nouvelles : des émotions, des idées, des rêves, des visions… Et c’est la splendeur du monde qui nous est révélée ! La beauté de la nature radieuse et vivifiante, intrépide et libre, simple et luxuriante, cette beauté qui l’emporte sur la monstruosité dont cette même nature est capable, offre une rédemption à cette terre, la nôtre, théâtre de tant de tragédies. Et c’est le génie créateur qui nous est livré ! Rien ne saurait le contenir ni le domestiquer. Il se moque de toutes règles comme de toutes normes, il se rit des convenances comme du bon goût. Il éclate et nous livre rien de moins que le sublime dont l’humanité est capable. L’oeuvre d’un seul artiste devient l’oeuvre de tous ; c’est l’humanité entière qui s’en est rendue capable. Tant de beauté sauve le monde car elle nous permet de le voir autrement, comme étant porté par une puissance de créativité qui le laisse sans repos et qui toujours l’enrichit, le recrée, le transcende. Certains l’appellent Dieu, cette puissance. Non pas que Dieu soit la beauté. Ce serait réducteur de le croire. Dieu n’est pas la beauté et la beauté n’est pas Dieu. Dieu anticipe sur elle. Il nous y aimante comme le Christ vers l’amour. Dieu oeuvre à l’embellissement du monde car oui, la beauté sauve le monde. Elle le sauve de l’oubli et de l’ennui, de la laideur et de la froideur, et de cette désespérance qui nous empêche terriblement de vivre.

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