Une fois n’est pas coutume : il nous a paru intéressant de publier avec ce cahier un texte philosophique. Daniel Frey est maître de conférences en philosophie de la religion, à la Faculté de théologie protestante de Strasbourg. Il nous propose ici le contenu de son intervention à l’ « université d’hiver » du protestantisme libéral à Dole en janvier 2007, sur la transcendance.
Qui est Dieu, ou qu’est-ce que Dieu ? Comment parler de Dieu ou de la transcendance ?
Aujourd’hui, dans nos pays occidentaux, le Dieu dont les chrétiens parlent depuis 2000 ans est en crise. La confrontation des images de Dieu, véhiculées par la tradition, avec la raison et avec la connaissance scientifique, en est sans doute responsable.
Le Dieu créateur a été mis à mal lorsque l’avancée des théories scientifiques a permis d’expliquer, sans faire appel à lui, les débuts de l’univers (à l’exception – importante – de l’instant initial…) ainsi que l’évolution. Les créationnistes et autres tenants du « dessein intelligent » mènent un combat d’arrière-garde en prenant au pied de la lettre le texte biblique, pour préserver ce Dieu « barbu », extérieur au monde et le régissant de loin !
Mais des théologiens modernes, conscients de l’inadéquation du discours théologique, l’ont repensé. Ainsi par exemple John Shelby Spong, pour qui Dieu « n’est pas un être supérieur à tous les autres. C’est le fondement de l’Être lui-même. » (E&l n° 182), ou les théologiens du Process qui proposent un Dieu à la fois puissance de créativité et dépendant du reste de l’univers, un Dieu qui change et bouge en fonction des événements : « Cette approche permet de souligner l’unité de Dieu et du monde tout en les maintenant à distance. » (Raphaël Picon, E&l n° 201).
Le témoignage biblique a été heureusement réinterprété avec l’aide des scientifiques (historiens, archéologues, physiciens…) pour arriver à des représentations de Dieu plus conformes à la pensée moderne. En outre, le déterminisme scientifique, la notion de causalité, sont eux aussi remis en question, et la science sait bien qu’elle ne peut répondre qu’à la question « comment » et non à la question « pourquoi ». La description scientifique n’épuise pas la réalité. Le Dieu biblique conserve encore aujourd’hui un caractère transcendant même s’il y a une évolution du sens de ce terme.
Il reste aux théologiens à faire savoir qu’il existe sur Dieu un discours crédible, acceptable par l’homme moderne, intégrant les connaissances scientifiques, tout en sachant que « les propositions auxquelles on aboutit ne sont que des hypothèses qu’on doit réformer ou reformuler » (A. Gounelle, Parler de Dieu, éd. van Dieren).
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