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Étienne Giran (1871-1944)

Étienne Giran n’a pas laissé beaucoup de traces dans la mémoire protestante. Plutôt que de le « retrouver », selon le titre de cette rubrique, il serait plus exact de parler de le « découvrir ». Il s’agit d’une personnalité remarquable, injustement oubliée.

Étienne Giran est né à Vauvert (Gard) en 1871. Après des études en théologie à Genève et quelques suffragances en France, il est nommé en 1900 pasteur de l’Église wallonne (francophone) d’Amsterdam. Il exprime avec vigueur et enthousiasme de fortes convictions libérales dans des conférences et des écrits qui le font remarquer. En 1915, avec une grande ardeur patriotique, il s’engage et, après avoir été un courageux combattant de première ligne, il est utilisé par l’Armée comme conférencier pour la lutte contre le défaitisme. Il publie quelques récits de guerre et des brochures de propagande anti-allemande.

  En 1920, Giran quitte le ministère pastoral et devient correspondant en France d’un journal hollandais. Secrétaire général de l’Union de libres penseurs et de libres croyants, il organise, dans ce cadre, des conférences de haute tenue avec d’éminents intervenants de tous bords. En 1936-1938, il prend vigoureusement parti contre la création de l’Église Réformée de France par la fusion de diverses Églises protestantes. Il redoute que les libéraux y soient étouffés et laminés ; il souhaite qu’ils restent indépendants. Il participe à un journal libéral L’Esprit et la Vie qui combat « l’unité », alors qu’Évangile et Liberté lui est, au contraire, favorable.

  En 1940, malgré son âge, il s’engage activement dans la Résistance. Emprisonné une première fois en 1942- 1943, il est arrêté à nouveau en 1944, avec son fils. Il est lié au réseau dirigé par Michel Hollard (le gendre d’Élie Gounelle) qui a repéré et communiqué aux anglais les sites de lancement des fusées V1 et V2 destinées à détruire Londres. Il est déporté à Buchenwald où il meurt le 14 septembre 1944. Son fils mourra aussi en déportation.

  Il serait trop long d’énumérer et d’analyser ici ses nombreux écrits. J’en retiens seulement deux :

  – un livre sur Castellion (Sébastien Castellion et la Réforme calviniste), publié en 1914, où il distingue et oppose deux réformes : l’une, dirigée par Calvin, qui est dogmatique, autoritaire, intransigeante et bornée ; l’autre, dont Castellion est la figure de proue, ouverte, généreuse, libérale et intelligente. Giran plaide pour que le protestantisme moderne s’inscrive dans le sillage de Castellion et non dans celui de Calvin.

  – un ouvrage très original, en deux volumes, intitulé Le jardin plein de sources qui est une sorte de roman historique sur la vie de Jésus et sur les temps apostoliques. C’est une fiction, mais qui se veut « vraisemblable » ; de fait, elle s’appuie sur un travail exégétique et historique approfondi. Giran y décrit la tension, d’abord fraternelle, ensuite plus dure, entre, d’une part, une spiritualité attachée au message que Jésus exprime par ses paroles et son comportement et, d’autre part, une religion assez superstitieuse, friande de miracles, qui voit en Jésus un être surnaturel. Il y a, certes, dans cet ouvrage beaucoup d’anachronismes (les apôtres y pensent et raisonnent souvent comme des modernes), mais il exprime assez simplement ce que peut être une compréhension démythologisée de la Bible, en un sens presque bultmannien, c’est-à-dire centrée sur la signification existentielle des récits et non sur leur réalité objective.

  Deux livres de Giran ont été réédités par Théolib (www.theolib.com). Il faut rendre hommage au travail éditorial considérable de P.-Y. Ruff (La Saulnerie de Bas, 50750 Saint Martin de Bonfossé) qui publie des classiques, devenus introuvables, du protestantisme libéral des deux siècles qui nous précèdent. Il y a là une entreprise très intéressante qui mérite d’être connue et soutenue.

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À propos André Gounelle

est pasteur, professeur honoraire de l’Institut Protestant de Théologie (Montpellier), auteur de nombreux livres, collaborateur depuis 50 ans d’Évangile et liberté.

2 commentaires

  1. free.alline@gmail.com'
    Mission linguistique Francophone

    Merci pour cet article.
    Juste une erreur à rectifier : « Il est déporté à Buchenwald où il meurt le 14 septembre 1944. Son fils mourra aussi en déportation. »

    Non, son fils Olivier a été fusillé à Angers, où la place de son exécution porte son nom.

    Ainsi mort à 23 ans, pour avoir organisé la fuite en Suisse de gens (juifs et goys ensemble) recherchés par l’armée allemande.

    Cordialement,

    F.A.

  2. free.allinne@free.fr'

    Merci pour cet article.
    Juste une erreur à rectifier : « Il est déporté à Buchenwald où il meurt le 14 septembre 1944. Son fils mourra aussi en déportation. »

    Non, son fils Olivier a été fusillé à Angers, où la place de son exécution porte son nom.

    Ainsi mort à 23 ans, pour avoir organisé la fuite en Suisse de gens (juifs et goys ensemble) recherchés par l’armée allemande.

    Cordialement,

    F.A.

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