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Emmanuel Mounier

Le fondateur et directeur de la revue Esprit a largement participé au développement du « personnalisme communautaire ». Chrétien engagé, Emmanuel Mounier a laissé une oeuvre importante, et le souvenir d’une personnalité rayonnante.

  Mounier naît à Grenoble le 1er avril 1905. Il est le fils d’un pharmacien, petit-fils de quatre grands-parents paysans dauphinois. Il passe en 1927 sa licence de philosophie à Grenoble, en 1928 à Paris réussit l’agrégation. En 1928-1929, il enseigne la philosophie au lycée de Saint-Omer et recherche un sujet de thèse autour des thèmes de la mystique et de la personnalité. En 1930, abandonnant l’idée de rédiger une thèse, il publie La Pensée de Charles Péguy. Le 1er octobre 1932, sort le premier numéro de la revue Esprit, dans lequel se trouve d’ailleurs un article de N. Berdiaeff. L’année 1935, Mounier publie Révolution personnaliste et communautaire. En novembre 1941, Mounier entre dans la Résistance. En 1942, il est arrêté à Lyon et placé en internement administratif à Vals en Ardèche. Libéré en 1943, il s’installe à Dieulefit et écrit Le Traité du caractère et L’Affrontement chrétien. Dès décembre 1944, Esprit reparaît à Paris. En 1947, il publie Introduction aux existentialismes et L’Éveil de l’Afrique noire. Le 22 mars 1950, Emmanuel Mounier meurt à 45 ans d’un infarctus à Dieulefit.

  Fin 1928, en retrouvant Bergson, Mounier vécut une rencontre majeure qui fixa ses sentiments à l’égard de l’université et approfondit sa foi. Il rencontra aussi Péguy en qui les juifs de son temps reconnaissaient un prophète chrétien. Péguy dont l’oeuvre lie et délie la politique et la mystique, pourchasse l’injustice et le règne de l’argent, déploie un christianisme anticlérical et antibourgeois, rapproche le juif et le chrétien, célèbre la France de Jeanne d’Arc et la pensée gr ecque.

  Peut-être est-ce pour cela que Mounier reste inclassable. Pour beaucoup, il est le philosophe du personnalisme communautaire. Mais le philosophe Paul Ricoeur écrit : « Le personnalisme peut être considéré de deux manières : soit comme un courant porté vers une action civilisatrice (et en ce sens c’est plus qu’une philosophie), soit comme une réflexion autour du thème de la personne et à partir de là d’autres thèmes, sans atteindre la rigueur des philosophies universitaires. Dans ce cas, il est moins qu’une philosophie. » Une des clefs de Mounier réside dans le texte Personnalisme et christianisme. Celui-ci contient la pensée théologique de Mounier : « Changez le coeur de votre coeur et émergera alors en vous la vie personnelle, votre vocation, ainsi le flux qui traverse votre âme apparaîtra dans le monde par votre engagement. Pour cela, il faut abandonner votre moi pour rencontrer celui qui est plus intime à moi que moi-même et retrouver le but de la vie : l’autre. » C’est pour cela que « la vérité de la théologie c’est l’engagement que cette théologie permet » (A. Rouet).

  Pourtant, le théologien Claude Geffré constate qu’une des limites du christianisme historique est son incapacité à vraiment aider les hommes au quotidien. Nous confondons souvent parler et agir. Michel Henry nous dira lui que le langage est incapable de donner un accès à la réalité (en raison du mensonge) car le langage n’est possible que s’il laisse voir ce dont il parle. L’ambition de la théologie est de montrer le Royaume à voir, plutôt que d’accumuler des connaissances et des discours. C’est pour cela que Mounier écrivait : « Créer des faits, c’est cela la Foi. » Mais il écrivait aussi : « Nous ne nous engageons jamais que dans des combats discutables sur des causes imparfaites. »

  L’oubli de soi et le sentiment de la vocation intérieure chers à Mounier atténuent l’emprise des idéologies et rapprochent Mounier catholique de la Réforme, et Mounier existentialiste d’une Réforme non dogmatique. Mais Mounier est surtout un chrétien engagé, figure essentielle du christianisme social.

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À propos François Faure

est docteur en théologie et animateur de Réseau CEP, une association dont le but est de relier la finance, l’économie et la société pour participer à la construction d’un bien commun pour vivre ensemble dans un monde plus juste.

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