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Charles Secrétan, un philosophe suisse engagé

Secrétan (1815-1895)*, philosophe moraliste et théologien suisse, est à l’origine d’un mouvement de réflexion sur la religion. Il s’opposait à la fois à l’autorité dogmatique et au rationalisme libéral.

Issu d’une famille lausannoise d’avocats et de magistrats, Charles Secrétan, âme tourmentée, fréquente les poètes, et trouve en Alexandre Vinet son directeur spirituel. À Belles-Lettres, puis à Zofingue, sociétés d’étudiants cultivant l’amitié et la politique, il apprend « à sanctifier la vie entière sans la mutiler ». Influencé par le Réveil religieux de son siècle, il oriente sa recherche de la vérité du christianisme historique d’abord vers la philosophie.

 Marqué par Kant et Schelling, entre autres, il développe dans cet ouvrage, mais à partir de la notion chrétienne de la chute, l’idée d’un Dieu « absolue liberté » qui veut la « restauration » de la créature, la rend libre de retourner à Lui. La liberté est toujours un don de la grâce. Mais « l’être libre du fait de Dieu n’est encore libre qu’à demi. Il faut qu’il accepte cette liberté… »

« Révolutionner contre la liberté par la contrainte et la violence ou réformer librement pour la liberté, il n’y a choix qu’entre ces deux partis. »

 Dans Le Principe de la morale (1883), il développe les notions du sentiment de l’obligation, du devoir : « … Il y a d’abord le je dois, le devoir vide et pur… Je dois, c’est le je veux, mais avec le frisson du mystère ; c’est le je veux par opposition à je désire ; c’est le je veux de la liberté… » La liberté cependant n’est rien sans la solidarité : « La solidarité règne partout. Nous la subissons dans le mal, nous la poursuivons dans le bien. »

 Dans Les Études sociales, publiées par Évangile & liberté autour de 1880, Secrétan, connaisseur de soncontemporain Karl Marx, en apprécie les analyses mais en récuse l’athéisme. Il perçoit la menace du collectivisme dans le socialisme naissant : « L’égalité est contre nature, niveler, c’est mutiler, niveler, c’est écraser. » Préoccupé du sort des ouvriers, il redoute la guerre sociale : « La condition de la réforme sociale, c’est la confiance réciproque des classes appelées à réviser leurs accords. »

 En publiant le Droit de la Femme (1886), Secrétan non seulement appuie le mouvement abolitionniste mais encore pose la question des droits et des devoirs civiques, et de la promotion professionnelle de la femme : « Où la femme est restée muette, on n’a jamais entendu la voix de l’humanité. »

 À la suite d’Alexandre Vinet, en 1845, Secrétan est partisan de la séparation des Églises et de l’État ; il veut une Église qui « pareille à l’amour dont elle est le produit et l’organe, n’appuie que sur l’éther de la liberté ». Il dit de Rome, de la Réforme et de la philosophie : « ce sont ses vases, s’ils se brisent la vérité qu’ils renferment en sortira. »

 La relecture des Discours laïques, 1877, La civilisation et la croyance, 1887, Les Droits de l’Humanité, 1890, Mon utopie, 1892, nous rendraient un homme dont la piété et l’intelligence ont illuminé son époque et donnent un regard prophétique sur la nôtre.*

  • * Études à Lausanne, Bâle, Munich ; professeur de philosophie à Neuchâtel, puis à Lausanne, fondateur de la Revue suisse, collaborateur du Courrier suisse, de la Gazette de Lausanne, chargé d’un cours libre de Droit naturel à Lausanne, correspondant et conférencier en Suisse et en France.

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