Étrange paradoxe de l’information à notre époque. Nous sommes en surchauffe de communication, au point que certains parlent « d’infobésité ». Certains passent plus de temps à « communiquer », c’est-à-dire à raconter ce qu’ils font ou pensent (un bien grand mot, parfois…) qu’à faire des choses réelles ou à penser. Nous devrions alors être informés de tout, être mûrs dans nos convictions. Pour m’en assurer, j’ai posé quelques questions à des adolescents sur l’information très récente, de manière très générale. Visiblement, les catastrophes (la tornade meurtrière aux USA) avaient retenu leur attention. Visiblement aussi, les dernières péripéties du combat que se livrent deux rappeurs français aux cerveaux de moineaux ! Mais sur l’essentiel, le vide, le néant… et dans un ou deux ans, ils ont le droit de vote ! Pourtant, ils me disent être « informés ». L’information a changé de visage : désormais JE m’informe, JE choisis l’information qui m’intéresse, quand JE veux, où JE veux. Lagardère disait que si on ne venait pas à lui, il viendrait à nous. Il était chevalier, pas journaliste… Nous ne recevons plus l’information, nous la cherchons. Comment alors se construire une perception du réel fondée sur autre chose qu’une pure subjectivité ?
Il en va sans doute de même avec la religion ou la théologie : chacun cherche ce qui lui « plaît », un placebo ou une aspirine du bien-être ou du bien-pensant. Il est tellement plus facile de se construire une conviction spirituelle sans se poser de question, ou plutôt sans se laisser interroger par le texte, par l’Autre, par l’Inattendu, par le Différent. L’esprit critique, que nous revendiquons dans notre journal, fonctionne dans les deux sens. Nous refusons les dogmes faciles qui réduisent le texte biblique à un catéchisme de perroquet. Mais nous refusons aussi l’idée selon laquelle « JE pense, donc J’ai raison ». Un de mes cousins, fort peu libéral, me disait : « Un libéral, c’est quelqu’un qui pense a priori que son adversaire a raison… » C’est presque vrai : l’autre, quel qu’il soit, a PEUT-ÊTRE raison. Si je ne vais pas à la différence, la différence viendra à moi !
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