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L’ambiguïté en temps de Corona 

 Le dimanche des Rameaux, nous célébrons l’entrée de Jésus dans la ville de Jérusalem. C’est une entrée caractérisée par l’ambiguïté, une ambiguïté exprimée dans un chant Néerlandais bien connu et souvent chanté ce dimanche : « Aujourd’hui, Hosanna ! Demain, crucifions- le ! »

 

C’est le jour du bouleversement. Par le passé, deux célébrations avaient lieu ce dimanche-là. Un service tôt le matin, pour commémorer l’entrée solennelle de Jésus à Jérusalem et le service principal, durant lequel l’histoire de la passion selon Matthieu était lue.

Car très rapidement, les gens se retournèrent contre Jésus. Aujourd’hui, ça commence avec ‘’hosanna au fils de David’ et ça se termine demain avec ‘crucifiez -le !’ 

 

Chaque fois que j’entends cette histoire des Rameaux, ce changement soudain me touche. Et pour moi, cela n’est pas seulement un évènement historique, ce bouleversement radical. La question que me pose cette histoire n’est pas : comment cela a-t-il pu arriver il y a deux mille ans ? Mais : comment se fait-il que cette histoire ne nous soit pas étrangère à vous et à moi ? Car chez nous aussi, les pensées et les sentiments peuvent aller dans toutes les directions. Nous aussi pouvons être très ambigus, voire imprévisibles, pour nous-mêmes et pour les autres. 

 

L’ambiguïté. Nous sommes maintenant en quarantaine depuis plus de trois semaines. Comment passez vous cette période si étrange et insaisissable ?

 

Mes réponses personnelles à ces questions sont pleines d’ambiguïté. D’un côté nous passons un temps assez agréable, avec ma famille à la maison. Le matin, nous faisons notre travail et nos devoirs scolaires ensemble. L’après-midi, nous jouons au football et sortons dans les bois. J’ai enfin le temps d’apprécier la nature : les tulipes qui émergent du sol, le merle amoureux qui me réveille à cinq heures du matin. La fête des Rameaux est présente entre nous, l’Hosanna dans la cordialité que les gens partagent à distance, sous forme de fleurs, de cartes pour la grand-mère et d’applaudissements massifs pour les infirmières et les médecins. L’amour en temps de Corona !

 

Mais l’histoire ne s’arrête pas là : celle des Rameaux, mais aussi de ces temps de Corona. Parce que ce ne sont pas des vacances sans soucis. Alors que le soleil brille à l’extérieur et que la nature éclate sans gène dans les couleurs du printemps, une brume grise plane sur nous et sur nos esprits. Les Unités de Soins Intensifs se remplissent très rapidement. Cela nous angoisse. Y aura-t-il encore de la place pour moi, si nécessaire ? Est-ce que j’accepte de finir aux Soins Intensifs ?

 

Et nous sommes aussi bien ambigus envers nos hommes et femmes politiques qu’avec les experts ! Aujourd’hui, c’est l’hosanna pour notre premier ministre Rutte, pour le RIVM, pour tous ceux qui doivent prendre des décisions cruciales. Mais un peu plus tard c’est (surtout sur les réseaux sociaux) : crucifiez-les ! Les Pays-Bas, on dit que c’est un pays avec 17 millions d’entraîneurs nationaux de footballs, 10 millions de théologiens. Mais aussi, 12 millions de virologues ! Et cela ne fait que renforcer l’ambiguïté. Car qui pouvons-nous encore croire ? Sur quels faits pouvons-nous baser notre optimisme ou pessimisme ?

 

Nous entrons aujourd’hui dans la semaine sainte.  Beaucoup d’entre nous sont généralement inspirés durant cette semaine, par les Passions composées par Jean Sebastian Bach. Cette année, il n’y aura pas de concerts dans les églises ou au Concertgebouw. Heureusement, nous avons encore les enregistrements. La Passion selon Saint Matthieu se termine par une dissonance. Un ton majeur clôture une chorale en mineur. Ce ton de clôture montre la voie à suivre. Pour reprendre les mots de Johannes Uytenbogaert, le fondateur de l’Église remontrante : Le Vendredi Saint doit aller de l’avant, mais Pâques suivra.

 

Nous vivons et croyons d’un certain point de vue que quelque chose va s’ouvrir, et nous offrir ainsi une nouvelle perspective inattendue. L’ambiguïté de la vie n’a pas encore disparue, mais au milieu d’elle, se forme une perspective qui donne vie, de l’espace et du courage. Ce sera de nouveau Pâques, de toute façon.

 

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À propos Joost Röselaers

est pasteur remontrant (un courant protestant libéral inspiré par Arminius et fondé en 1619) à Amsterdam.

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