Ce n’est pas tant un texte écrit sous l’emprise du dictionnaire des rimes (soyons honnête, les verbes du 1er groupe sont correctement conjugués), une partition qui contourne avec prudence toute invention, la gabegie d’une production brassant vide et vent qui fâchent et donnent envie dès l’entracte de déposer plainte au commissariat du 8e arrondissement. Non. Ni les maladresses assez coupables qui, probablement au titre des degrés les plus souterrains de l’humour, font courir une misogynie folâtre au côté d’une caricature des artistes et des intellectuels menée avec la légèreté d’un prime time de TF1. Ni même, car on veut croire à l’intégrité de Ribes, la représentation d’une révolution arabe attifée de djellabas hallucinogènes (là, vraiment, on n’ose plus trop regarder la scène). On s’énerverait enfin vainement contre la campagne de promotion de ce produit salué par la presse avec des dithyrambes soviétiques comme le brûlot impertinent et prophétique d’une fin de règne présidentiel. Tout cela, après tout, puisqu’il est dit qu’il faut qu’on s’amuse au Rond-Point…
Non ce qui déçoit et afflige, ce n’est donc pas ce rire qui ne trouve jamais son éclat mais l’enflure qui le caractérise dans sa laborieuse exposition. Jean-Michel Ribes revendique avec une exclusive assez outrageante à l’égard de ses confrères, qu’ils soient auteur, metteur en scène ou directeur de salle, la paternité d’un théâtre d’opposition, l’invention d’un rire de résistance. De son Vercors qu’il croit hilarant, il est le rire comme d’autres furent la France libre. Habile habillage qui offre à la rigolade d’être le sauf-conduit de l’ineptie. Entre l’ambition d’une polémique effrontée et saboteuse contre le pouvoir et ce pastiche attardé d’opéra bouffe inoffensif, Ribes le passeur a raté la ligne de démarcation.
René l’énervé de Jean-Michel Ribes, mise en scène de l’auteur, Théâtre du Rond-Point, jusqu’au 29 octobre, www.theatredurondpoint.fr
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