La dépression est une maladie redoutable aussi bien par sa nature insaisissable que par ses manifestations. Ses signes courants sont connus : fatigue extrême, démotivation totale, doute permanent sur soi, sur l’entourage immédiat, sentiment profond d’incomplétude, d’imperfection généralisée… Quand on est passé par cette épreuve ou que l’on a accompagné un proche qui en souffrait, on comprend pourquoi le terme de « mal-être » désigne mieux cette maladie. Un mal sournois qui est atteinte à l’être.
Il faut souligner que « déprimer » c’est être coupé de ce qui est « premier », de ce sans quoi il n’y a ni le second ni le secondaire. Pour celui ou celle qui dé-prime rien ne vient en « premier », en priorité, rien qui soit en tête de quoi que ce soit. Sinon l’envahissement du mal-être lui-même et la paralysie qu’il engendre. Un mal sournois qui n’atteint pas uniquement les personnes, mais peutêtre aussi les civilisations.
Peut-on parler de civilisation « déprimée » ? Ne cherchons pas loin : le malaise que l’on ressent en France ne trahit-il pas un « mal-être » réel ? La crise, la mondialisation, l’écologie, les « autres »… encombrants, menaçants : voilà qui alimente un doute pernicieux proche d’une « dépression » collective. Le débat à la fois pompeux et ronflant sur l’« identité française » n’en est qu’un symptôme. Quand dans la société civile les voix se lèvent pour rappeler que ce n’est pas cela qui prime, le discours dominant alimente le « débat » sur des bases étriquées.
L’annonce publique d’une espérance pourrait être ici salutaire, car démystificatrice. L’Église réformée de France pourtant reste presque aphone ! Elle qui avait mené, voici quinze ans, une forte campagne sur l’accueil des étrangers. Elle qui vient de célébrer le 500e anniversaire de J. Calvin, un réfugié migrant. Aider toute personne, toute société, à ne pas « dé-primer » ce qui en elle est essentiel, n’est-ce pas aussi cela évangéliser ? Nul n’a le droit de se complaire dans le doute de soi-même ni d’insulter l’avenir.
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