Le titre de l’ouvrage pose déjà question. Preuve, s’il en fallait, que même dans un titre on peut maintenir une ambiguïté ; s’agit-il, en effet, d’un constat ? Le sujet est-il celui d’une religion crucifiée comme bafouée et/ou s’agit-il du nom même de cette religion qui se confesse clouée au pilori ? Le terme « crucifiée » remplacerait donc le terme de « chrétienne ». Le sous-titre de l’introduction « Jésus est mort pour nous libérer de nousmême et de la religion » clarifie donc les intentions et la dialectique de l’auteur.
Ce livre en deux parties, l’une sur « l’interprétation sacrificielle en débat » et l’autre sur les « signification et interprétations de la mort de Jésus dans le nouveau testament », propose de revoir en profondeur les fondements de notre foi chrétienne, la croix, la résurrection, au fil du temps et des multiples interprétations théologiques qui ont tracé le chemin de nos croyances jusqu’à aujourd’hui.
En première partie, François Vouga remonte l’histoire exposant les conceptions contextualisées d’Anselme de Canterbury, de Martin Luther, de Jean Calvin – pour ne citer que ceux qui, se prononçant sur ce débat, ont influencé l’histoire du christianisme et les fondements de notre catéchisme jusqu’à aujourd’hui. Ces théologies, loin de se contredire ou de s’opposer, s’échafaudent en appui les unes sur les autres jusqu’au commentaire et analyse du Golgotha oratorio de Franck Martin (1890-1974) « Christ est mort pour nous – lumière essentielle et souveraine ». F. Vouga fait ici un descriptif de la genèse de cette oeuvre et commente les choix de son auteur dans sa composition liturgique.
La seconde partie de l’ouvrage propose de se recentrer sur la question des « Significations et interprétations de la mort de Jésus dans le Nouveau Testament – un bouquet ». En celles-ci, F. Vouga distingue quatre modèles ou schémas de pensée de la mort de Jésus, de son appréhension. Puis, en une analyse très technique des épîtres de Paul appropriées, il explique la fameuse notion de « mort pour nos péchés ». En Matthieu et Jean cette signification comme « manifestation de la vérité », vérité à comprendre chez Matthieu comme révélation de la perfection divine et chez Jean comme glorification du Père.
Suit un exposé au travers de l’Épître aux Hébreux, la première Lettre de Pierre et l’Apocalypse sur la symbolique du sang – versé par le Christ.
Puis en Marc, c’est la notion de gratuité de l’offrande révélant le salut de l’âme qui est présentée en exergue. Chacun de ces chapitres est conclu par une série d’hypothèses où F. Vouga ouvre ou élimine des pistes de réflexions sur les données précédemment analysées, sortes de notes brutes qu’il se ferait à lui-même en guise de conclusion sur le chapitre. Elles contribuent au dialogue entre l’auteur et le lecteur.
En dernière partie, l’auteur résume en quelques pages les différentes interprétations qui ont composé cet essai, le recentrant d’une manière toute libérale sur le sens de « la mort de Jésus comme révélation de Dieu et de nous-mêmes », et bouclant avec son exposé introductif sur les fondements de l’Église, en proposant « la mort de Jésus comme fondement de la sécularisation » et finalement « la mort de Jésus comme révélation d’un Dieu laïque fondant une Église laïque ».
Un livre magistral et rigoureux qui est déjà une référence.
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