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La Porte

Madeleine Félix nous fait partager sa découverte d’un livre de Magda Szabo (1917-2007), Prix Femina étranger 2003. Dans cette confession la narratrice retrace sa relation avec sa servante, personnage lumineux, générosité incarnée, au caractère difficile et singulier.

J’ai découvert avec beaucoup de retard le livre de Magda Szabo, La Porte, et comme tous ceux qui l’ont lu, j’ai envie d’en parler. Quel livre magnifique dans lequel le lecteur « protestant libéral » (et pas seulement) peut tellement bien se retrouver ! Même s’il est paru avec le sous-titre « roman », l’on comprend bien que c’est en même temps un morceau de la vie de l’auteure, elle-même protestante.

Ce livre nous révèle deux figures de femmes à la fois si opposées et si complémentaires : celle qui écrit et celle qui agit, celle qui confesse Dieu d’une manière assez traditionnelle (qui a su dans sa propre vie « résister » à toutes les pressions du régime communiste de la Hongrie des années 50) et celle qui ne met jamais les pieds au temple, mais a le souci constant de ses prochains, celle qui sait avec sa raison et celle qui connaît avec son cœur. Toutes les deux très intelligentes, l’une, Emerence est la servante de l’autre et c’est pourtant elle qui paraît décider et choisir (elle ne s’engage chez les « maîtres » qu’après réflexion, demande de références et essai) et c’est aussi l’héroïne principale du livre.

L’une et l’autre, pour des raisons fort différentes, n’ont pas d’enfant et vont s’inventer d’autres liens affectifs, les gens du quartier, un chien qui va également les unir et les opposer, jouant un rôle très important comme le « chien de caractère » de Sandor Marai, un autre grand écrivain hongrois.

Comme dans tout roman de qualité, tous les grands sujets sont abordés sous les deux optiques divergentes de ces deux femmes. Nous en retiendrons quelques-uns.

Ce sont deux solitaires, mais de solitudes différentes : besoin de solitude de l’écrivain que l’aide ménagère ne comprend pas, intervenant dans la maison à n’importe quelle heure, alors qu’elle-même, ayant été fortement blessée et trompée n’a plus confiance en personne et vit dans une solitude totale dont la porte, fermée à tous, est le symbole.

La romancière considère sa vie professionnelle comme prioritaire alors qu’Emerence place la vie affective au-dessus de tout, et c’est une réelle question. Les plus âgés d’entre nous avaient été éduqués à considérer le travail comme sacré ; les générations plus jeunes semblent avoir inversé les priorités.

En face de la vie et de la mort, leur attitude est aussi très différente. L’une croit sauver la vie de l’autre en forçant sa porte, mais, lui enlevant son honneur, la pousse à se laisser mourir. La mort pour cette dernière est plus acceptable que la vie dans certaines conditions ; ainsi, inutile de forcer quelqu’un qui ne tient plus à la vie.

Emerence, assez logique avec elle-même dans les divers événements de son existence que la romancière découvre peu à peu à la manière d’un puzzle, ne l’est guère dans le domaine suivant : elle ne croit pas en l’au-delà, mais malgré tout a économisé toute sa vie pour qu’un magnifique tombeau soit élevé après sa mort pour recevoir son corps avec celui de ses parents.

  • Magda Szabo, La Porte, traduit du hongrois par Chantal Philippe, Edition Viviane Henry Hamy, décembre 2003.

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À propos Madeleine Félix

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