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Qu’est-ce qu’être protestant aujourd’hui ?

Compte-rendu de la rencontre du 18 novembre 2017 du cercle Montpelliérain « Evangile et liberté »

Robert Meyer introduit le sujet par la question : Quels sont les principaux défauts et
qualités des protestants dans l’opinion publique ?

Les sociologues mentionnent le sérieux des protestants, le travail bien fait. Ils sont en
général plus diplômés et plus riches que la moyenne des français.
Les protestants sont pris ici dans un sens large, pas seulement les membres de l’Eglise
protestante, mais aussi leurs descendants et les sympathisants.

Il se propose de citer les « locomotives visibles du protestantisme » dans les
domaines de la politique, de l’économie et de la théologie, éventuellement de
l’écologie, du social et des sciences – il y a p.ex. davantage de prix Nobel parmi les
protestants.

1. Dans le domaine politique, on peut se demander comment les états sont gouvernés.
La démocratie américaine reflète le système synodal protestant : les représentants du
peuple sont élus au suffrage universel.
2. En économie, il s’agit d’observer les rapports entre l’esprit d’entreprise qui tend vers
le capitalisme et les lois sociales.
3. Le présentateur insiste sur la lecture personnelle de la Bible qui change la
théologie de fond en comble et sur la lecture historico-critique.
Christian Amphoux propose de parler : 1. de la théologie qui est à la base de la
Réforme ; 2. de l’instruction ; 3. des rapports scientifiques, artistiques et
économiques du protestantisme au monde.
1. Théologie
Question : Pourquoi y a-t-il des femmes pasteurs et pas de femmes prêtres ? Il y a des
femmes rabbins, dans le judaïsme libéral, une femme imam, au Danemark. Est-ce lié
à la théologie ou au développement de la société ? La société n’admet ou ne pratique toujours pas l’égalité hommes/femmes, l’église
protestante a mis très longtemps à admettre les femmes au ministère pastoral.- Jusque
dans les années soixante elle exigeait le célibat des femmes-pasteurs.
Joëlle Nicolas fait remarquer que la notion de sacré est différente chez les protestants
et que les idées de laïcité et de liberté de conscience facilitent l’ouverture au nouvelles
idées, remarques confirmées par André Gounelle et Christian Amphoux. Les
protestants n’ont pas de directeur de conscience et ne ressentent pas le besoin de faire
des oeuvres, ils ne veulent pas « faire leur salut ». Le « salut gratuit est une
affirmation rare dans les religions » (Joëlle Nicolas). « Mais la grâce reçue nous
engage » (André Gounelle).

On a beaucoup reproché au protestantisme d’avoir favorisé l’apartheid. A. Gounelle
dit que c’est vrai aux USA et en Afrique du Sud, mais qu’il faut toutefois rappeler que
si la pratique de l’apartheid a été abominable, sa théorie n’affirme pas la supériorité
des blancs sur les noirs, mais leur différence ; elle refuse tout mélange et veut mettre
en place un développement séparé (églises, écoles, universités, hôpitaux, transports,
distincts) sans qu’il y ait, en principe, infériorité. En Afrique du Sud, dans les années
50 une Église favorable à l’apartheid interdisait des paroisses bicolores, mais versait
le même salaire aux pasteurs blancs et aux pasteurs noirs, alors que des Églises
anti-apartheid, qui avaient des paroisses bicolores, payaient beaucoup plus les pasteurs
blancs (plus et mieux diplômés) que les noirs (dont les qualifications universitaires
étaient moindres).

D’autre part, l’idée que les « colorés » étaient par la volonté de Dieu autres que les
blancs a conduit les quelques rares missionnaires protestants qui au 16ème siècle sont
allés en Amérique du Sud, à strictement respecter les populations indigènes et leur
culture (ils étaient différents parce que Dieu l’avait voulu), alors que les catholiques
ont souvent considéré leurs différences comme des tares et les ont ou massacrées ou
asservies (voir le journal de Jean de Leiris et les études de F. Lestringant) .
Les différences entre catholiques et protestants ne se situent plus, aujourd’hui sur le
plan exégétique, – le paulinisme est admis en théologie catholique, ainsi que l’idée du
sacerdoce universel -, mais la remise en question de la doctrine à chaque génération
leur semble exclue. Et leur pastorale est différente. Les oppositions des protestants
fondamentalistes ne sont pas centrales. Ils peuvent d’ailleurs évoluer et s’ouvrir (Ch.
Amphoux).

2. Education
Au début du 19e siècle on reconnaît la confession protestante du signataire d’un acte
notarial par le fait qu’il y a une somme destinée à l’éducation d’un enfant, notamment
d’une fille (Ch. Amphoux). On construit souvent une école à côté d’un temple.
Dès le début du 16e siècle les Réformateurs insistent sur l’apprentissage de la lecture,
en suivant en cela la tradition juive. L’Eglise catholique craint un égarement des
fidèles par une lecture individuelle de la Bible. Les réformateurs, recommandent
d’ailleurs, eux aussi, une lecture communautaire à côté de la lecture individuelle.
En dehors de la lecture, l’interprétation des écritures est encouragée et contribue à
développer l’intelligence (Joëlle Nicolas).
Hubert Nicolas se demande si le sens social n’est pas plus développé chez les
protestants que chez les catholiques, mais, selon Ch . Amphoux on peut observer un
engagement aussi fort chez ces derniers.

3. Economie
André Gounelle précise la thèse défendue par Max Weber dans L’éthique protestante
et l’esprit du capitalisme (1904-1905) : ce que Weber appelle capitalisme est le
capitalisme entrepreneurial qui a pour caractéristique de réinvestir dans l’entreprise
les bénéfices de l’entreprise, et non pas de les dépenser dans des entreprises
fastueuses (construction de châteaux et de palais, p. ex.), ou religieuses (cathédrales,
monastères, etc.). Selon Weber, qui n’entend pas déterminer une causalité, mais
décrire une affinité, l’éthique protestante, qui condamne le luxe et fait grand cas du
travail, converge avec l’esprit du capitalisme Ce capitalisme entrepreneurial n’a pas
grand chose de commun avec le capitalisme financier qui se développe au 20ème siècle
et domine aujourd’hui qui donne la priorité au capital et à son accroissement, où
l’argent est devenu valeur et but en soi.
L’esprit protestant est plutôt capitaliste : On réinvestit dans l’industrie, crée des places
de travail au lieu de construire des cathédrales. Le prêt à intérêt est permis, tandis
qu’il est déconseillé aux catholiques. Les paraboles des talents et celle des brebis et
des boucs influencent les protestants, la société de l’argent n’est pas tabou.
On évoque la personnalité de Georges Casalis (auquel le n° de décembre d’Évangile
et Liberté consacre un article bien qu’il ne soit en rien un libéral). A. Gounelle
rappelle que Casalis a eu Wilfred Monod pour professeur et l’a beaucoup contesté,
mais il en a reçu et retenu l’idée d’une « théologie inductive », qui part de la vie et
non des doctrines.

Rédigé par Hildegard Roux

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