Dans les débats sur la place de l’Islam dans notre pays, on soulève toujours le problème de la formation des imams. On souhaite, à juste titre, qu’ils connaissent les règles et les lois qui régissent notre société. Il serait aussi bon qu’ils sachent distinguer entre ce qui dans les croyances, pratiques et coutumes musulmanes est central ou essentiel et ce qui y relève de l’accessoire ou du circonstanciel.
Ce souhait ne se limite pas à l’Islam. Ne devrait-on pas exiger de tous ceux qui portent dans une communauté religieuse la responsabilité de la prédication et de l’enseignement une formation de type universitaire ? Je trouve assez insuffisante celle donnée par les Grands Séminaires ; les curés de paroisse gagneraient à passer par une Faculté de Théologie. Il en va de même des pasteurs d’Églises dites « évangéliques » chez qui la piété remplace trop souvent la connaissance et la réflexion.
Certes, avoir un bon niveau de connaissance n’empêche nullement de dérailler. Certes, on peut être un excellent prédicateur sans savoir un mot d’hébreu ni de grec. Il n’en demeure pas moins que contre les aberrations qui menacent constamment le religieux, de solides études sont un garde-fou plutôt efficace (ce n’est pas le seul). Les Églises réformées et luthériennes ont eu bien raison de les imposer à tous leurs pasteurs. Cette exigence est bénéfique. Elle n’affaiblit ni la ferveur, ni la consécration, ni l’élan spirituel, mais contribue souvent heureusement à les éclairer.
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André Gounelle, sans l’expliciter, ordonne utilement ce billet autour d’un principe d’égalité qui est généralement absent du débat, réduit trop souvent à la formation des seuls imams au risque que l’exigence formulée soit vécue comme une stigmatisation supplémentaire de l’Islam. Mais toutes les religions n’ont pas et ne pourront pas rapidement avoir l’appareil de formation auquel il est fait référence.
Ne serait-il pas temps alors de faire un pas de plus, en développant dans les universités publiques françaises l’enseignement et la recherche des « outils » scientifiques nécessaires pour la connaissance du contexte dans lequel des textes dits « sacrés » ont été écrits ou ont évolué selon les langues dans lesquelles ils ont été traduits ? Imposer ensuite ce niveau d’étude aux futurs responsables de communautés religieuses n’aurait rien d’anormal dans le cadre de la laïcité comme dans celui de la vigilance déjà existante à l’égard des dérives sectaires. Le caractère « public » et « laïque » de ces enseignements « techniques » n’empièterait en rien sur le domaine d’études de ce qui est propre à chaque religion et qui continuerait de relever d’institutions ‘libres »,comme les séminaires catholiques ou notre IPT.
Cet élargissement des « frontières » actuelles de nos universités publiques, qui pourrait s’inspirer des acquis de l’expérience de l’Université de Strasbourg, participerait aussi à un certain rapprochement au sein de l’Union Européenne et répondrait au souci de mieux prendre en compte le « fait religieux » dans l’étude de nos sociétés.
Les imams, les curés de paroisse, les pasteurs d’Eglises évangéliques,… peu de ministres du culte semblent trouver grâce au jugement d’André Gounelle. Il aurait pu ajouter (sans doute les a-t-il oubliés) les prêtres orthodoxes, les mines bouddhistes, etc… Le problème c’est que j’ai aussi rencontré des pasteurs réformés formés à la Faculté Théologique de Strasbourg « chez qui la piété avait remplacé la connaissance et la réflexion ». Même des meilleures universités, il sort parfois des esprits un peu bizarres.