Un évêque repense le sens des Écritures
John Shelby Spong
Ed. Karthala
288 pages – 19 €
recension Gilles Castelnau
Les livres de John Spong que les éditions Karthala ont fait traduire et ont publié (avec succès) étaient la traduction en français d’ouvrages récents de l’évêque. Elles nous donnent cette fois un livre déjà ancien, paru aux États-Unis en 1991. C’est en effet une excellente initiative dans la mesure où John Spong commence véritablement avec ce livre son travail d’initiation populaire à la connaissance de la Bible, qu’il juge acquise dans ses ouvrages suivants.
Sauver la Bible du fondamentalisme prend en effet ses lecteurs au niveau zéro de l’approche historique et critique de la Bible. En bon évêque, préoccupé de la lecture de la Bible par les fidèles de son diocèse, John Spong a pris conscience que ceux-ci, qui fréquentaient pour certains régulièrement les cultes du dimanche, n’y avaient néanmoins acquis aucune notion de la manière dont la Bible a été rédigée par ses auteurs. Ils lisaient les récits bibliques au premier degré, comme les livres d’histoire qu’on leur donnait au collège. Ils croyaient qu’il fallait admettre à la lettre leur vérité historique, géographiques, cosmologique et ne se rendaient pas compte de l’effort spirituel que leurs auteurs avaient accompli pour exprimer leur prise de conscience de la présence de Dieu dans leur cœur. Ceux-ci devaient le faire évidemment avec les mots, les conceptions, les mythes, les connaissances « scientifiques » de la culture de leur époque, en rapport et en opposition avec les religions des peuples voisins.
En 1991, John Spong ne connaissait naturellement pas encore les récents développements de la science biblique : il enseigne dans ce livre des théories parfaitement modernes alors et obsolètes aujourd’hui. Ainsi dans ses pages 61ss, il décrit comme on le faisait alors, les quatre rédacteurs du Pentateuque : le Yahviste (10e siècle av. J-C, sous Salomon), l’Élohiste (8e siècle en Israël du Nord), le Deutéronomiste et l’auteur sacerdotal. Pierre Bordreuil, Thomas Römer, Israël Finkelstein, entre autres, nous ont fait comprendre que cette rédaction yahviste n’était pas possible au 10e siècle et devait être reportée avec le Deutonomiste pendant l’Exil à Babylone du 6e siècle et que l’Élohiste n’avait sans doute jamais existé. Il n’en demeure pas moins que les lecteurs ignorants de ces choses ne pourront manquer d’être intéressés par ces hypothèses tout à fait plausibles qui ouvrent à une lecture intelligentes de la Bible.
Dans ce but John Spong relit toute la Bible, du début à la fin, en faisant remarquer au passage les affirmations impossibles ou contradictoires qui émaillent le texte. Il ne s’agit évidemment en rien de discréditer l’ensemble comme le font un peu trop facilement les polémistes athées, mais de montrer que, loin d’avoir été dictés du ciel, ces textes ont été élaborés avec précision et passion par les saints auteurs désireux de partager leur expérience spirituelle avec leurs lecteurs (nous).
Spong survole ainsi la Loi, les Prophètes et les Écrits de l’Ancien Testament. Puis les Épîtres de Paul, les 4 Évangiles l’un après l’autre. Il ajoute un excursus sur « Noël et Pâques, absurdité littérale et vérité ultime » et une page sous le titre : « Qui est le Christ pour nous ».
Nul doute que les lecteurs intéressés par la Bible et qui sont pourtant demeurés loin de ces choses, liront ce livre avec surprise, soulagement et… enthousiasme.
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