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Le Dieu des besoins

Serge Soulié

On est toujours tenté de définir Dieu ou du moins de le comprendre à partir d’une réalité objective qui permettrait de le cerner. Il s’avère que de par sa nature, cette tentative est vouée à l’échec. En effet comment saisir celui que personne n’a jamais vu , qui n’ a d’autre existence que celle que chacun veut lui donner. Comment décrire l’indescriptible et donner corps à un infini inatteignable ni par les sens humains ni par la pensée. Au bout de cette recherche il ne peut y avoir qu’un mot : Dieu. Ce mot peut être traduit par d’autres mots tels : Eternel, Seigneur, Jehova ou encore Allah. Dans tous les cas, il ne reste qu’un mot.

Une telle méthode ne peut que favoriser des représentations de Dieu à partir des- quelles chacun construit ensuite ses propres convictions. Il devient alors impératif de chercher les mobiles qui conduisent à telle ou telle interprétation. La tache est délicate car l’ enquête impossible. En effet une telle recherche demanderait l’intervention de différentes sciences dans le domaine de la psychologie, de la sociologie, de l’économie et du contexte social et politique dans lequel nous vivons. Nous avons tous des raisons particulières qui bâtissent nos convictions. Il est quasiment impossible de cerner ces raisons, de les ordonner et de les articuler entre elles.

Nous voici donc condamnés à renoncer à une recherche qui nous conduirait à un Dieu objectif, identifiable et descriptible tant elle serait parasitée par les conditions de notre vécu. Il ne nous reste plus qu’à concentrer notre attention sur le Dieu dont nous avons besoin. Savoir si ce Dieu là existe n’a plus aucune pertinence si pour vivre, l’homme a besoin d’un Dieu. Peu importe alors l’existence ou l’inexistence de celui-ci, sa forme et ses contours, son caractère et ses possibilités. Attachons nous à ce besoin, cernons le, décrivons le afin que de lui puisse se révéler le Dieu qui y répondra et qui sera porteur de vie pour l’ homme. L’attention portée à ce besoin permettra d’ éliminer tout ce qui de ce Dieu ainsi révélé nuirait à l’homme et à son épanouissement.

Ce point de départ voulu qui favorise le besoin de l’homme au détriment de la recherche d’un Dieu qui existerait préalablement et hors de tout, conduira nécessairement à de multiples conceptions de Dieu dans la mesure ou les besoins des uns et des autres divergent selon le vécu de chacun. Ce vécu est très variable selon les pays, les classes sociales, les traditions et les croyances. Certes il est possible de trouver des universaux tel le besoin de boire, manger, se loger. Il y a aussi le besoin d’être reconnu, aimé et en sécurité. N’oublions pas le besoin d’une bonne santé sans souffrance. Tous ces besoins s’expriment de manière diverse et conduisent chacun à chercher le Dieu qui répondra le mieux à ce besoin selon des modalités précises souvent très différentes d’une personne à l autre selon la situation de chacun. Le Dieu d’Abraham d’Isaac, de Jacob était-il le même ou chacun avait-il son Dieu personnel comme semble le dire le texte ?

Comment pourrait-on reprocher à telle ou elle personne de se donner le Dieu dont elle a besoin pour vivre. Lui reprocherait-on d’aimer la nature, de se tourner vers elle pour y puiser la force dont elle a besoin ? Lui enlèverait-on l’oxygène qui lui permet de respirer ? Nous tomberions là dans une cruauté sans pareille. C’est ce qui se passe lorsque l’on veut dissuader une personne de croire en Dieu à sa façon. On la désoriente pour le moins, on l’étouffe pour le pire. Pour aller plus loin, osons même affirmer que ne pas lui montrer qu’il y a pour elle la possibilité de cette « construction d’un Dieu personnel » selon les besoins ressentis, c’est handicaper sa vie.

Certes, comme nous l’avons mentionné, dans toute conception de Dieu, il faut savoir écarter tout ce qui nuit à l’homme et à la société. La référence à un Dieu peut être néfaste pour l’individu comme pour une communauté ou encore pour une société lorsqu’elle devient théocratique et qu’elle impose le même Dieu à tous sans laisser à chacun la liberté d’aménager ses croyances et ses convictions. Nous ne pouvons pas négliger la mise en garde de Freud selon qui l’homme se donne un Dieu pour répondre à ses peurs et combler son angoisse. La religion serait une névrose collective. Toutes ces remarques invitent à un travail d’accompagnement de chacun afin que Le Dieu pensé et envisagé, devienne l’adjuvant de la vie, qu’il ouvre les portes de l’ amour reçu et donné par la création tout entière. Un Dieu qui soit pour l’homme à la fois un espace de vie et une force à intérioriser. L’homme sera alors, comme le dit le psaume 82, presque comme un Dieu.

Pour conclure, signalons que la démesure du besoin fait courir un risque à la conception de Dieu celle-ci s’articulant sur la nature du besoin. C’est pourquoi nous nous en tiendrons à la classification d’Epicure selon lequel il y a les besoins donnant les plaisirs naturels et nécessaires auxquels il convient de s’adonner, les besoins suscitant les plaisirs non naturels et non nécessaires et dont on doit user avec modération et enfin les besoins provocants des plaisirs non naturels et non nécessaires qui doivent être évités. Nous ne retiendrons que les besoins mentionnés dans les deux premières catégories. Alors, le Dieu révélé sera celui du bien et d’un juste équilibre des choses.

Si, toujours à la suite du philosophe grec, nous considérons que l’humain a spontanément une préconception du divin perçu comme un être incorruptible, bienheureux et bien veillant, le Dieu révélé à partir de l’écoute des besoins, sera en totale adéquation avec ce qui est utile et nécessaire à l’homme pour bien vivre. Nous pouvons dés lors renoncer à chercher à définir un Dieu objectif, existant hors de notre conception mais inatteignable par nos sens et notre intelligence pour mieux analyser nos besoins et leur présenter le Dieu qui peut leur répondre.

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À propos Gilles

a été pasteur à Amsterdam et en Région parisienne. Il s’est toujours intéressé à la présence de l’Évangile aux marges de l’Église. Il anime depuis 17 ans le site Internet Protestants dans la ville.

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