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Timbuktu

 

Les premières images du film montrent la poursuite d’une petite gazelle du désert. Nous ne voyons que l’animal courir tandis que des voix sous-titrées disent : « ne la tue pas, fatigue la seulement, laisse la courir, on va l’avoir bientôt, attend qu’elle se fatigue, ne la tue pas » –  voix  couvertes par des bruits de balles qui sifflent lourdement vers le sable lourd.

La lumière qui descend dans les rues de Tombouctou est belle elle évoque la tranquilité et la paix, les habits colorés, ses habitants élégants, peu à peu, les femmes en noires couvertes de la tête aux pieds deviennent comme autant de taches sombres au tableau.

Très peu de paroles et dialogues dans ce film mais celles qui y sont prononcées sont d’une profondeur vertigineuse. La ville de Tombouctou (Timbuktu), vit dans la tranquillité au bord du désert. Des hommes qui ne parlent même pas la langue des autochtones arpentent les rues mitraillettes sous l’aisselle, d’autres beuglent de nouvelles interdictions chaque jour dans un microphone. «  Les femmes doivent se couvrir le visage et les mains, les hommes doivent raccourcir leurs robes et pantalons, il est interdit de jouer de la musique, il est interdit de jouer au football ».

La plupart résistent, parfois mollement. Ici, un mufti argumente avec des hommes entrés dans la mosquée pendant la prière, restés chaussés et l’arme au poing. Une partie de football se joue là sans ballon et pourtant provoque la même ferveur… Jusqu’à ce que se pointe un 4X4 de djihadistes, les footballeurs se mettent alors à mimer des séries d’exercices corporels pour donner le change. La vie « normale » tente de résister mais il ne semble y avoir de place que pour l’absurde. Une jeune femme est fouettée violemment pour avoir chanté et ses cris de douleurs elle les transforme en chant langoureux… rythmé par les coups. D’autres enfreindront les interdits, seront lapidés le corps déjà enterré dans le sable.

Parmi ces micros histoires et ces témoignages, nous est présentée une famille de touaregs particulièrement heureuse et unie. Cette famille sera détruite à la fin de ce film. Les dernières images reprennent l’image de cette gazelle affolée qui court, en écho à  la petite fille de cette famille décimée. Le film se termine ainsi posant la question du devenir de cette fillette et du jeune garçon de son âge, son ami, qui court en pleurant. Avec ces enfants apeurés et perdus, c’est notre empathie envers nos frères et sœurs humains, quelle que soit leur religion, leurs cultures et leur situation géographique qui est sollicitée face à cette violence gratuite, cette inhumanité sordide de ces mercenaires fantoches et malfaisants. Les personnes qui sont sorties de la salle de cinéma avec moi semblaient toutes, comme je l’étais, en colère.

La fiche technique de ce film le présente comme une fiction… Mais il s’agit d’un film de témoignages, témoignages du gâchis que la haine générée par une « mauvaise foi », une perversion et alliénation de la religion, le mépris des autres et de soi-même auxquels il est fait référence conduisent. Nous savons que de tels événements dramatiques ont eu court au Mali récemment, et ont encore des échos dans tant de parties du monde… Ce film – qui était donné grand favori au dernier festival de Cannes – est un très grand film de résistance, un appel au secours solidaire.

 

Un film de Abderrahmane Sissako

Genre(s) : Fiction – Durée : 1 h 37 min

Sortie en France : 10/12/2014

 

Bande annonce :

 

Mise à jour du 19/12/2014 : Le film Timbuktu fait parti des nominés pour l’oscar du meilleur film étranger – source : http://www.hollywoodreporter.com/news/oscars-9-titles-advance-foreign-759496

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À propos Nathalie Leroy-Mandart

Footwear designer pour Adidas (Allemagne). Membre d'Evangile et liberté, membre de son Comité Administratif.

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