Jean-Paul Borel
Le numéro 236 de Evangile et Liberté , centré sur le couple « Dieu et l’humain », montre assez bien comment un agnostique peut dialoguer sereinement avec un croyant au sujet de deux éléments de la Trinité chrétienne : le Père et l’Esprit. Par contre, il est très discret s’agissant du Fils. Je vais imaginer un athée intelligent, donc qui sait, entre autres, qu’il est impossible de prouver l’existence ou la non existence de Dieu, le nommer Thomas (l’incrédule) et m’adresser à lui.
– Evidemment, Thomas, tu ne peux pas prendre au premier degré le credo de la tradition. Des notions comme « Jésus fils de Dieu », « immaculée conception », « résurrection », « vie éternelle », et bien d’autres, ne te parlent pas. Par contre, « Jésus fils de Joseph et Marie »…
– Oui, cet homme a certainement vécu au premier siècle de notre ère, mais il reste très mystérieux. Je vois en lui un défenseur des faibles, des malheureux, un juif croyant opposé à l’Église officielle.
– Donc, quelqu’un dont tu te sens proche, un humain semblable à toi ?
– Oh, je cherche à l’imiter, modestement. Si tu me dis qu’il était « fils de Dieu », cela signifie, dans ma vision du monde, que nous avons tous en nous ce même désir : aider les déshérités. Je sens clairement en moi cette faculté d’amour, pour autrui en général, pour des malheureux que je connais, et pour d’autres dont on me parle, les victimes d’un tremblement de terre, de l’exploitation économique, de la famine du Sahel, du sida… Mais voilà, je suis un homme imparfait, et je perçois aussi en moi l’éternel égoïsme. Alors, si tu me dis que Jésus était Dieu…
– Le Fils de Dieu.
– C’est la même chose. Être seulement amour, ne pas connaître la haine ou l’égoïsme, c’est réservé à… Je ne sais pas à qui ; ce n’est pas humain, ça ne fait pas partie de notre « humanité ». Et puis, tu vois, je n’ai pas besoin de la promesse d’une récompense pour faire tout ce que je peux, lutter contre l’égoïsme, le mien et celui des autres, des puissants surtout. Jésus de Nazareth, d’après ce que je sais de lui…
– Tu veux lutter contre les hauts dignitaires de l’Église ?
– La réforme de l’Église appartient aux croyants. Mais les Tartuffe se retrouvent dans tous les domaines. Je suis contre tous les hypocrites, ceux de la politique, de la démocratie, de la science, de l’art.
– La vie éternelle ?
– C’est une contradiction. Ce que nous appelons vie part de la naissance, croît, atteint la phase de reproduction, décline et aboutit à la mort.
– Pas de résurrection non plus, bien sûr.
– Le fils de Joseph et de Marie était un homme. Il est mort. Ni Dieu ni son Fils n’ont à ressusciter, parce qu’ils ne meurent pas.
– Et le jugement dernier ?
– C’est à moi qu’il incombe. Je viens de te dire que « je fais tout ce que je peux ». Ce n’est pas vrai. J’aurais pu et j’aurais dû faire beaucoup plus et surtout beaucoup mieux. Je le sais. Je me le pardonne, parce que je suis un homme, et je continue de lutter. Telle est la vie.
– C’est bien, Thomas. Continue
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