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Pensez le monde à créer avec la Torah

Pour écrire La Torah pour les nuls en 50 notions clés, Pauline Bèbe est partie du constat que le contenu de la Torah, malgré son rôle central dans la vie et la culture juives depuis l’Antiquité, est largement méconnu.

Cette période de confinement est propice à la lecture et à la réflexion sur ce que nous vivons comme le montre, de manière éloquente, les fortes hausses des ventes mondiales de La Peste d’Albert Camus.

Le mot Torah signifiant « montrer une voie, enseigner », il paraît judicieux dans ces temps troublés, pour tous ceux dont la foi s’appuie sur ces textes, de mieux les connaître, de mieux les comprendre et ainsi de mieux les interpréter, car la Torah « ne peut se lire sans être interprétée ».

Parmi les cinquante notions abordées par Pauline Bèbe, nous nous pencherons sur celles qui paraissent le plus utiles pour nous aider à traverser la période actuelle et imaginer les pistes d’un monde meilleur pour demain.

Après l’Égypte, le désert, lieu de libération, d’apprentissage et de révélation

La première des notions, la plus fondatrice pour le judaïsme et la plus représentative de la période de confinement que nous vivons, est celle du désert.
Le confinement, en effet, peut apparaître à ceux dont les activités habituelles sont interrompues ou fortement réduites, comme une sorte de désert. L’aridité de l’emploi du temps, les errances de ceux qui cherchent comment occuper des journées brutalement vidées de ce qui les remplit habituellement, l’évoque immanquablement.

Mais le désert, dont le mot en hébreu a la même racine que le mot parole, est une notion très riche de sens et fondatrice de la Torah.
Le désert, c’est tout d’abord la période de 40 ans qui suit la sortie d’Égypte et qui rompt avec le temps de l’esclavage. Le mot « Égypte » (mitsrayim en hébreu) est construit sur la racine tsar (étroit). La sortie d’Égypte est donc une sortie de l’étroitesse, un moment de libération.

De la même manière on peut interpréter la période que nous connaissons comme la sortie d’une période où nous étions esclaves de nos emplois du temps surchargés, vivant une existence étroite dont la direction et le sens nous échappaient largement. Nous nous comportions comme le héros de l’Etranger de Camus, nous laissant porter par une existence que nous ne maitrisions que très partiellement, ballottés par des évènements sur lesquels nous avions peu de prises, et au bout du compte indifférents à la direction suivie.
Dans le monde d’avant, nous étions confinés dans un rôle social, une image de nous-mêmes, un style de pensée, un mode de vie, des habitudes qui fermaient toutes les possibilités qui nous sont offertes par une vie véritablement libre et créatrice. Notre esprit était confiné avant même que notre corps ne le soit.

Mais la libération de l’esclavage et la sortie d’Égypte, n’ouvrent pas pour autant une période de bonheur sans nuage. Bien au contraire, la durée de l’errance dans ce milieu hostile implique souffrances et privations en tous genres telles que la faim, la soif et les attaques d’ennemis. Cette période difficile, où s’est forgé le caractère du peuple hébreu, fut aussi un temps d’apprentissage du partage indispensable, de l’union nécessaire avec la nature, de la valeur du silence.

Pour les Hébreux, cette période fut aussi et surtout un moment fondateur pour le judaïsme, celui de la révélation de la Torah sur le Mont Sinaï.

De la même manière, notre confinement peut être l’occasion d’une nouvelle lucidité sur les valeurs essentielles qui vont nous être utiles dans le monde qui vient, celui de l’urgence climatique : égalité, solidarité, respect de la nature, place accordée aux moments de ressourcement.
Souhaitons que lorsque nous aurons atteint le pic de l’épidémie, à l’image de Moïse sur le Mont Sinaï, nous ayons une révélation sur la direction que doivent prendre nos vies.

Après la libération, l’apprentissage douloureux de la vie au désert et la révélation de la Torah transformèrent cette période en une transition entre l’esclavage et la liberté. Pour les hébreux elle fut aussi le passage de l’idolâtrie au monothéisme.
De la même manière nous pouvons faire de cette période une transition vers une nouvelle terre plus libre et débarrassée de toutes formes d’idolâtries.

Ainsi le confinement comme le désert, lieu où l’on peut se perdre, deviendra le lieu où l’on s’est trouvé. Et selon le mot du philosophe Vladimir Jankélévitch, le « détour » que constitue cette crise nous aura révélé « le vrai chemin ».

Sept notions bibliques pour penser la Terre Promise

En route vers la Terre Promise du « monde d’après », examinons sept autres notions, tirées de La Torah pour les nuls en 50 notions clés de Pauline Bèbe, qui peuvent nous permettre de le penser afin qu’il ne soit pas identique au « monde d’avant ».
Sept notions pour imaginer un monde idéal sinon parfait selon la symbolique du chiffre 7 dans la Bible.

L’épisode biblique de Babel nous apprend à nous méfier d’une société aux projets démesurés où l’homme est écrasé et la pensée devient unique. A l’inverse, la pluralité des langues fait place à la diversité de la pensée et oblige au dialogue.
Bien compris, cet épisode nous permet de penser un monde à dimension humaine qui considère la variété comme une richesse et l’écoute attentive de l’autre comme un chemin. Ainsi peut se construire un monde respect et de compréhension mutuels.

Dès la Genèse et le Jardin d’Eden, les notions de bien et de mal et de responsabilité sont établies.
La bénédiction (berakha en hébreu qui vient de genou et signifie remerciement) de la vie est associée au bien concerne celui qui sait remercier pour ce qu’il a reçu. La malédiction (kelala en hébreu qui provient de kal, la légèreté) de la mort est souvent le résultat du mal et du fait de prendre à la légère les choses sérieuses.
La responsabilité (ahraiouth en hébreu qui vient de aher, l’autre) est partagée et porte sur tout ce qui constitue le monde.
Ces notions nous obligent à nous comporter selon une éthique où chacun de nos actes a des conséquences sur l’ensemble de la création, de notre prochain jusqu’à la planète entière avec tous les êtres vivants qui s’y trouvent et dans le respect des écosystèmes.

Les notions bibliques de leadership et de parole permettent de définir une éthique politique où les dirigeants sont choisis pour leur humanité, leur capacité à apprendre de leur erreur.
Le dirigeant (melekh, roi en signifie « celui qui consulte avant de prendre une décision ») doit savoir s’entourer, déléguer, écouter.
La parole est primordiale et créatrice puisque Dieu crée par la parole dans la Genèse. De même, la parole du dirigeant doit être créatrice. C’est une parole qui doit être suivie d’actes.

Le Talmud l’encourage à parler peu et à agir beaucoup. Il dit même que c’est pour cela que l’homme a deux oreilles et une seule bouche. Il doit le faire pour le bien et au service de tous afin de parfaire la création.

Les notions de travail et de tsedaka nous aident à penser une éthique sociale.
Le travail est défini par deux mots : Avada qui signifie culte, service, aide et Melakha qui signifie mission. C’est une bénédiction qui doit nourrir et rendre heureux mais c’est surtout un service à l’humanité et une mission sociale. L’homme s’élève spirituellement en participant à la création du monde inachevé créé par Dieu.
Aussi, les biens matériels, fruits du travail, sont un outil et non un but et la richesse créée doit être redistribuée afin que chacun puisse trouver une vie digne.
Cela s’effectue par la tsedaka qui recouvre les notions de justice, de charité et de bonté. C’est un devoir qui va très loin puisqu’il consiste à vêtir, à nourrir, à trouver un toit et un travail à tout un chacun sans distinction d’origine et sans créer un lien de dépendance.

 

L’objectif de ce voyage spirituel dans le monde de La Torah pour les nuls en 50 notions clés de Pauline Bèbe est de s’équiper pour que notre « vie d’après » soit une véritable Terre Promise déconfinée, afin que le monde qui émergera ouvre toutes les possibilités de vie à chacun, réconcilie tous les hommes entre eux et nous réconcilie tous avec une planète qui nous accueille et n’est pas notre possession.

Ainsi le confinement qui aura provisoirement enfermé nos corps aura durablement libéré nos esprits.

image : Jean-Pierre Dalbéra

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À propos Jean-Pierre Capmeil

Docteur en géopolitique. Impliqué dans la catéchèse de l’Oratoire du Louvre entre 2014 et 2016 et à présent dans la communication du Foyer de l’Âme.

3 commentaires

  1. feriaud.pierre@gmail.com'

    Merci pour cet article d’excellente qualité et qui nous met face à notre responsabilité face à la vie, au monde, à la nature,…. à Dieu. Travailler et travailler sans cesse à sortir de notre désert pour mériter la terre promise. Oui elle se mérite, elle ne nous est pas donnée. Ce qui nous est donné par Jésus, et qui s’ajoute à cette réflexion, c’est notre capacité à avancer dans le désert au moyen du véhicule de l’Amour. Sachons la mobiliser et prions pour que le Seigneur nous donne la sagesse et l’intelligence.

  2. Jean-Pierre Capmeil

    Merci pour ce commentaire.
    Vous pourrez, peut-être, trouver d’autres éléments sur la période que nous vivons dans deux autres articles que j’ai écrits récemment.
    Il s’agit d’articles moins documentés mais qui pourrons, je l’espère, alimenter utilement votre réflexion : https://www.evangile-et-liberte.net/2020/03/confinement-faute-de-contacts-retissons-des-liens/
    https://www.evangile-et-liberte.net/2020/03/purete-impurete-et-coronavirus/
    Le Foyer de l’Âme propose aussi une page spéciale confinement et d’inspirantes méditations animées par sa pasteure, Dominique Hernandez.

  3. feriaud.pierre@gmail.com'

    Merci pour ces deux beaux textes plein de lucidité , d’humilité et d’espérance
    puissions nous les intégrer à notre vie et puissent les élites les intégrer à leur gouvernance!!!

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