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Euthanasie, aider à mourir

 Mais le Premier ministre François Fillon ne s’intéresse pas à ces délibérations ni à écouter les 90 % de Français qui, d’après les sondages, sont favorables à une telle décision.
En bon catholique, convaincu que la Vérité doit descendre du Haut vers le Bas et ignorant que ce n’est pas le rôle du Premier ministre, il a déjà promulgué d’un ton infaillible :

« A titre personnel, je suis hostile à la légalisation d’une aide active à mourir, ce n’est pas ma conception du respect de la vie humaine et des valeurs qui fondent notre société ».

Et pourtant on a certainement besoin, en France, de débattre de cette terrible question qui mérite mieux que ce ton péremptoire et définitif.

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La vie que donne le Dieu de la Vie est tout entière centrée, comme Jésus le montre bien dans son ministère, comme une vie épanouie, apaisée ; vie du paralysé guéri, de la prostituée réhabilitée etc. Jamais comme une vie purement physiologique ou biologique donnée et reprise (Jésus ne fait jamais mourir).
Il ne faut pas être matérialiste : l’homme n’est pas que vie physique mais vie spirituelle aussi. Toute vie n’a pas la même valeur.

Dieu n’est pas une entité lointaine comme Jupiter donnant et retirant la vie à qui lui plait. Dieu est intérieur à l’homme (on dit le saint Esprit). Il lui donne sa valeur, sa transcendance qui est plus que physique.

Jésus souligne cette présence aimante : « Ne vend-on pas deux moineaux pour un sou ? Cependant, il n’en tombe pas un à terre sans votre Père. Et même les cheveux de votre tête sont tous comptés. » Matthieu 10.29

Certains traducteurs ont compris que c’était Dieu qui faisait tomber les cheveux des chauves et mourir les oiseaux : ils ont ajouté dans le texte le mot que Jésus n’avait justement pas prononcé : sans la « volonté » de votre Père. Mais Jésus disait « seulement » que Dieu est le père aimant qui accompagne même les moineaux dans leur chute.

Les médecins refusant l’euthanasie au nom de leur serment d’Hippocrate s’enracinent dans la philosophie païenne (Hippocrate était païen). Celle-ci disait justement que Dieu décide la vie et la mort, le bien et le mal, comme un despote oriental. Aucun rapport avec la passion et l’amour du Dieu de la Bible défini uniquement comme Dieu de la vie.

Le fait que les médecins français (dans les pays protestants il n’en va pas de même) se focalisent sur la vie physiologique est un paganisme, une idolâtrie : il n’y a pas si longtemps on refusait le contrôle des naissances, l’IVG, comme aujourd’hui l’euthanasie, au nom de cette idolâtrie de la vie physique : on sauvait l’enfant dans un accouchement difficile et on laissait mourir la mère. Or la vie de la mère a plus de valeur que celle du bébé car elle est entourée d’amour, de relations avec son mari, ses parents etc.

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Albert Schweitzer a écrit :

« Le principe du respect de la vie, appliqué à la vie de l’homme, ne signifie pas seulement respect du simple fait de l’existence et attention aux souffrances, comme lorsqu’il s’agit des êtres vivants en général, mais il signifie encore respect pour les valeurs et les buts que cet être, le plus élevé de tous, introduit dans le monde.

Je ne peux reconnaître la valeur de son existence et sa justification que si je l’élève à son plus haut niveau, en recherchant un accomplissement moral et spirituel. » (Humanisme et mystique)

Certains disent :

« C’est Dieu qui donne la vie et lui seul peut la reprendre ».

Je ne crois pas que Dieu « reprenne » la vie, c’est-à-dire fasse mourir.

Je ne crois pas que Dieu intervienne de l’extérieur dans notre histoire, histoire du monde ou histoire des individus et nous passe arriver des bonheurs et des malheurs, des réussites ou des échecs, qu’il nous sauve la vie ou nous fasse mourir (ou nous « laisse » mourir). Je ne crois pas qu’il dévie l’autobus qui menace de nous écrase quand nous traversons sans regarder ou au contraire qu’il le laisse nous tuer !

Je n’aime pas trop dire que « Dieu donne la vie », car certains pourraient avoir une étrange image de Dieu quand la vie qu’on reçoit est non désirée (souvenons-nous de cette petite fille du Nicaragua, de 9 ans, violée, et dont l’évêque a menacé d’excommunication le médecin qui avait accepté de pratiquer sur elle une IVG car, disait-il, « Dieu a donné la vie de cet embryon et lui seul peut la reprendre ». Je ne crois pas que Dieu ait « donné cette vie ».

J’aime mieux dire, avec Albert Schweitzer que « Dieu maintient la vie en vie ». Ce n’est pas la vie physique, biologique, animale, qui est bonne et sacrée, préservée par Dieu. Dieu n’est pas le Dieu de la Nature, mais Dieu de la Vie :
La nature est cruelle, les bêtes se dévorent, les tremblements de terre, le vieillessement ; certes la vie naît de la mort, mais nous ne somme pas amis de la mort, de la souffrance.
Dieu est le Dieu de la vie en ce sens qu’il maintient la vie en vie.

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Personne ne peut décider seul de l’euthanasie : même pas les médecins ou les infirmières que nous ne devons pas laisser dans leur solitude à ce sujet. (D’autant plus que certains médecins se laissent parfois enfermer dans l’application un peu fondamentaliste du Serment d’Hippocrate qui identifie faussement la vie physique avec la vie humaine. Idéologie païenne du 4e siècle av. JC marqué par l’idéologie du respect absolu de la vie biologique donnée par Jupiter seul Maître du Destin !

Il y a longtemps que les pays protestants, l’Angleterre, la Hollande, l’Allemagne, les pays scandinaves ont mis en place des structures de dialogue, de concertation respectueuses des uns et des autres, en général dans la société et notamment dans le monde hospitalier.
En Hollande, par exemple, la concertation est prévue par la loi entre la famille, le médecin, et des autorités morales extérieures (pasteurs, prêtres, juges, avocats, professeurs etc.). Le médecin, ni la famille, ni le pasteur ou le prêtre, ne se voit autorisé à prendre seul le pouvoir de décision.

Personne n’est pape ni roi absolu. Personne ne détient à lui seul l’idéologie universelle qui serait applicable sans discussion à toute situation.

Le problème est clair. Il se pose pareillement dans bien d’autres cas : les IVG, les dons d’organes, etc. Il nous faut organiser des structures de dialogue obligatoire, comme aux Pays-Bas. Nous devons rendre au peuple de France sa liberté de penser et de décider ce qui est bien, au cas par cas, car chaque cas, chaque famille, chaque situation est différente des autres. Et il faut absolument empêcher l’autoritarisme des décisions solitaires, y compris celle des médecins, des infirmières ou… des mères.

Et ne pas oublier, naturellement, que bien des demandes d’euthanasie disparaissent dès lors que les soins palliatifs sont disponibles : si le gouvernement acceptait d’augmenter les crédits qui leur sont nécessaires, ceux-ci seraient moins rares et la possibili!té d’y trouver une place pour nos proches moins exceptionnelle. Là encore l’exemple de bien des pays étrangers pourrait nous inciter à nous réveiller de notre léthargie.

La morphine notamment que les médecins français administrent moins qu’ils le devraient (ne dit-on pas que les Anglais utilisent proportionnellement dix fois plus de morphine pour calmer la douleur de leurs patients que les Français… ?) est un puissant moyen de réduire les demandes d’euthanasie : lorsqu’un malade ne souffre plus, ou saiot qu’on ne le laissera pas souffrir, il demande moins la mort. Mais il faudrait que disparaisse réellement de nos hôpitaux la conception selon laquelle la souffrance est « naturelle », voire même dans certains cas « rédemptrice ». Mais nous ne sommes pas encore délivrés de cette fausse idéologie qui est encore pour certains une véritable « spiritualité » !

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2 commentaires

  1. tout d’abord merci de cet article, et d’ouvrir le débat sur ce sujet encore tabou en france ; il faudrait reprendre tous les points évoqués pour avoir un véritable débat, mais j’en retiens quelques uns.

    « Toute vie n’a pas la même valeur. «

    j’aimerais mieux dire que tous les temps de la vie n’ont pas la même valeur, car je ne saurais sur quoi fonder que toute vie n’a pas la même valeur.

    Cela étant dit, je ne suis pas surprise de la position ni du 1er ministre, ni des votants, la France est historiquement un pays catholique, et on, peut se demander si parfois certains protestants ne seraient pas devenus catholiques sans même s’en apercevoir.

    Je crois qu’il y a une réelle difficulté à faire évoluer les mentalités en france, car l’euthanasie est appréhendée en bloc,, c’est à dire que la notion de respect de la vie se traduit par « contre l’euthanasie », alors que ce pourrait être le contraire.

    Il me semble utile cependant de regarder comment les choses sont appréhendées chez nos voisins helvètes, ou dans les autres pays européens cités dans l’article , qui considèrent les différentes approches possibles :

    le suicide assisté/assistance au suicide (AD)

    l’euthanasie active directe (EAD

    le traitement de la fin de vie lorsqu’elle est douloureuse, avec la morphine mais pas seulement, montre que la demande est moins forte lorsque le patient ne souffre pas.

    il est certain que celle-ci est aussi fonction du soutien ou du non soutien qu’il rencontrera auprès de ses proches et du personnel soignant.

    ce que j’aurais aimé..c’est que ne soient électeurs de cette loi que ceux/celles qui se sont trouvés un jour dans cette situation de choisir et permettre ou non à l…’un des leurs de partir quand il le souhaitait : au nom de quelle vertu décider à la place de quelqu’un d’autre ? sous prétexte que sa souffrance aurait annihilé du même coup ses méninges ?

    curieuse version du respect d’autrui qu’on clame pourtant chaque fois que cela est possible.

    aujourd’hui, la seule manière de partir dans la dignité est de le faire sans assistance, seul. n’est-ce pas un peu cruel ?

  2. Le débat sur l’euthanasie, comme celui sur l’IVG, sur la prostitution, etc., est pollué par la mentalité totalitaire des deux bords. On croit obstinément que le rôle de l’Etat est de trancher les questions morales et d’imposer la solution à tous.

    Or, depuis le 26 août 1789, l’Etat n’a le droit de restreindre les droits des uns que dans la mesure strictement nécessaire à la garantie des mêmes droits pour tous (liberté, propriété, sûreté de la personne).

    Donc quand on est dans un domaine limite où il n’y a que des cas particuliers très difficilement évaluables, on doit s’abstenir de faire des lois propres à ce domaine.

    D’ailleurs, l’expérience suggère fortement que, même avec des conditions très restrictives, la pratique de l’euthanasie se généralise vite (ex: l’euthanasie de simples dépressifs en Belgique). Il y a autant de risques de tuer illégitimement que de laisser souffrir illégitimement.

    On peut très bien :

    1) maintenir l’interdiction de l’euthanasie, comme celle de tous les autres homicides hors le cas de légitime défense individuelle ou collective ;

    2) mais user largement des circonstances atténuantes, dont certaines peuvent être explicitement prévues dans le Code pénal. Celui-ci prévoit déjà la dispense de peine.

    Eh oui ! L’Etat codifie les actes des uns pour préserver les droits de TOUS et non ceux d’un individu particulier.

    Le jour où la majorité comprendra la différence entre condamnation morale et condamnation pénale sera un grand jour ! Les juges et les gardiens de prison commenceront à souffler.

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