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Culte des Journées 2014

Culte Journée Évangile et Liberté 2014

par Silvia Ill

 

Religion et violence

Prédication silvia ill JEL 2014

 

Silvia Ill

Silvia Ill

 

 

 

Liturgie du culte du 12 octobre 2014

 

Musique

 

Ouverture

Cantique : 220  1-2 et 6-7

Prière 

Notre Dieu,

quand nous n’aurons plus sur les lèvres

que l’infinie litanie des désastres,

 

Quand nos yeux s’arrêteront

Sur un ciel verrouillé

Et une terre d’abandon,

 

Quand nous plierons

Sous la bourrasque

Des illusions perdues,

 

Et quand nous nous laisserons gagner

Par la froidure du dedans,

Montre-nous, Seigneur…

 

Montre-nous seulement

Que Ta Parole vient

Qui brise les évidences,

 

Montre-nous que de l’humain,

Une autre version est possible,

Que l’hiver de nos cœurs

Abrite une promesse !

 

Dis-nous surtout

Que ta lumière attend de naître

Sous nos pas,

Dans le terreau de notre fragilité reconnue !

(d’après F. Carillo, Traces Vives p 14)

 

 

Louange

Depuis l’aube des temps, Tu es !

Et ton nom passe dans notre histoire

comme passe la source au désert

 

Que savons-nous de toi,

sinon cette faim en notre cœur

qui nous tient vivants ?

 

Depuis l’aube des temps, Tu es !

Et ton nom résonne de mille noms

au creux de nos vies

 

Nom de route

aux jours où monte la tentation de s’arrêter

 

Nom de paix

dans la violence qui barre nos relations

 

Nom de tendresse

quand la morsure de la solitude se fait vive

 

Nom de confiance

aux nuits où l’angoisse déborde

 

Nom d vérité

quand tout ressemble à rien

 

Nom d’avenir

quand demain se dérobe

 

Depuis l’aube des temps, Tu es !

Et ton nom, chaque jour,

nous invente un chemin

 

Au silence de nos cœurs,

viens souffler ton nom

pour aujourd’hui !                        Traces Vives p 22

 

Cantique : 263  1-3

Volonté de Dieu :

« Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le Royaume de Dieu est à ceux qui sont comme eux. En vérité, je vous le déclare, qui n’accueille pas le Royaume de Dieu comme un enfant n’y entrera pas. »  (Marc 10, 14b-15)

Cantique : 608 1-3 Ta volonté Seigneur

Demande du pardon

Seigneur, tu es le Verbe de Vie

et nous, jour après jour,

nous prononçons des paroles de mort,

des paroles creuses,

des paroles tranchantes,

des paroles empoisonnées

 

Seigneur, tu es la Parole faite chair

et nous, jour après jour,

nous falsifions ta Parole

par nos bavardages,

par nos demi-vérités,

par nos jugements définitifs

 

Seigneur, ta Parole est un mystère

et nous, jour après jour,

nous prétendons d’en faire le tour

par nos argumentations,

par notre moralisme,

par nos préjugés inébranlables

 

O  apprends-nous ton silence !

Apprends-nous les gestes qui enfantent la vie,

les gestes qui se passent de mots,

les gestes francs, sans retenue,

les gestes qui vont droit au cœur !

 

O apprends-nous ton silence,

toi, le Verbe de Vie !

(Lytta Basset, Traces Vives p 52)

Cantique : 626 1-3 J’ai soif de ta présence

 

Annonce de la Grâce

Ne soyez pas tristes et sans espérance,

Parole de Dieu !

 

Dans le visage de Jésus,

le Fils en qui j’ai mis toute ma tendresse pour vous,

je vous ouvre un chemin et un demain

 

Ecoutez et vous vivrez !

 

Là où vous êtes agités,

je vous donne la Paix

 

Là où vous avez peur de manquer,

je vous ouvre au Don

 

Là où vous vous absentez,

je suis Présence

 

Ne soyez pas tristes et sans espérance,

Parole de Dieu !

 

Mon pardon déjà vous a rejoints

 

Ecoutez et vous vivrez !

 

(Francine Carillo Traces Vives p 65)

 

Cantique : 621 1-4 J’ai tout remis entre tes mains

 

Prière d’illumination

Seigneur,

quand nous risquons une parole,

que nous puisions à ta source !

 

Quand nous risquions une parole,

qu’elle nous relie

à l’unité de ceux qui te prient !

 

Quand nous risquons une parole,

qu’elle s’élève en louange

comme un souffle d’espérance !

Quand nous risquons une parole,

qu’elle soit parole de vie !

(Suzanne Schell, Traces Vives p 83)

Lectures bibliques : Matthieu 26, 47-54 et Marc 9, 30-37

Prédication

Musique

Cantique : 303 1-3 Seigneur, que tous s’unissent

Confession de foi

Dieu, je crois en toi :

tu m’accompagnes dans ma vie et dans les étapes de ma vie

Tu manifestes ta présence dans la rencontre des autres

et par des actes qui prennent pur moi la saveur du Royaume

et la lumière  du monde nouveau

où la vie reçoit son sens de ta main

Je crois que tu m’appelles par mon nom

comme un Père de tendresse

et que tu fais de moi ta fille, ton fils

 

Jésus-Christ…je crois en toi

homme de notre histoire,

Seigneur du monde avec le Père,

je crois que l’audace de ta vie à contre-courant,

tes repas avec les marginaux,

la place que tu as voulu pour les ignorés,

ton regard porté sur ceux que tu as guéris,

ton silence devant tes accusateurs,

sont les gages de la vérité de ma vie

Tu es pour moi la promesse de l’espérance

que la vie dépasse la mort et toute mort

et tu m’envoies aux autres dire à jamais ton amour

et la puissance de ta résurrection

 

Esprit Saint, je crois en toi

souffle d’amour

respiration de ma prière

secours de mon pas

visite de mon sommeil

fil conducteur du Père au Fils

comme tu l’es entre nous tous

tu es celui que j’appelle dans mes déserts :

je crois que tu lèves les endormis

et que tu fais germer la liberté

Aujourd’hui, voix inattendue de Dieu,

tu mets le doigt dans les engrenages

et tu fais crever les moralismes

 

Eglise de Jésus-Christ…

je crois que tu es le tissu multicolore de la tente de Dieu sur la terre

Tu rassembles les croyants en une gerbe invisible

Aujourd’hui image du corps du Christ pour le monde,

tu es la veilleuse au creux de la souffrance

et les mains visibles de Dieu pour dire l’amour et la joie

Quelqu’un marche devant toi que tu regardes :

je crois que c’est le Seigneur,

Père, Fils et Saint Esprit.

(Suzanne Schell, Traces Vives p 72/73)

 

Cantique : 475 1-3 Mon Rédempteur est vivant

Offrande (musique)

Annonces

Intercession

Seigneur Dieu, Père de tous les hommes,

notre Père,

reçois encore une fois notre demande du pardon.

Pardon pour les violences, les guerres,

les massacres commis à travers l’histoire.

Pardon pour les millions de victimes,

hommes, femmes, enfants brisés.

Pardon pour la haine accumulée et la mort répandue.

 

Seigneur Dieu, Père de tous les hommes,

notre Père,

nous voulons aussi te demander ton aide.

Tu connais els peuples qui souffrent aujourd’hui

de la violence et des conflits,

partout sur la surface de notre terre.

Sois avec ceux qui sont plongés dans l’enfer du nationalisme, de la purification ethnique, de l’intégrisme religieux,

victimes des bombes des viols, des massacres.

Fortifie ceux qui tendent à construire la fraternité

là où règne la destruction.

 

Seigneur, Dieu, Père de tous els hommes,

notre Père,

nous voulons te dire merci

pour la réconciliation entre des peuples autrefois séparés,

pour les signes des réconciliations en route,

merci pour les artisans de paix qui contribuent à édifier une terre de justice.

 

Seigneur Dieu, Père de tous les hommes,

notre Père,

nous voulons enfin te prier pour nous.

Engage nos vies dans l’établissement

d’un monde de paix et de justice.

 

Aide-nous à trouver des moyens non-violents de résolution de conflits.

Mets dans nos cœurs l’étincelle d’amour

qui fait regarder l’autre-tout autre-comme un frère, une sœur.

 

Nous et le demandons en Jésus le Christ,

victime innocente de la violence des hommes,

et ressuscité pour nous ouvrir le chemin de l’espérance.

 

(d’après Chr. Baccuet, Cahiers de la réconciliation, p 31)

 

NOTRE PERE

 

Bénédiction

Que le Dieu de tendresse,

qui a levé Jésus d’entre les morts,

fasse lever en nous ce qui est mort

et nous conduise à la Vie !

Allons dans sa pai !

 

Que l’Eternel fasse rayonner l’habit de lumière

qu’il a posé sur chacun-e de nous,

et qu’il nous arde dans son amour !

Le Seigneur est avec nous tous !

 

Que le Dieu de toute promesse

fasse lever en nous la plus belle des moissons

et nous transforme en semeurs de son Royaume !

Le Seigneur est avec nous tous !

Lytta Basset, Traces Vives p 127

Cantique : 514 1-3 Pour que le jour qui se lève

Prédication

Textes bibliques

Matthieu 26, 47-54
Il parlait encore quand arriva Judas, l’un des douze, avec toute une troupe armée d’épées et de bâtons, envoyée par les grands prêtres et les anciens du peuple.
Celui qui le livrait leur avait donné un signe : « Celui à qui je donnerai un baiser, avait-il dit, c’est lui, arrêtez-le ! »
Aussitôt il s’avança vers Jésus et dit : »Salut, rabbi ! » Et il lui donna un baiser. Jésus lui dit : « Mon ami, fais ta besogne ! »
S’avançant alors, ils mirent la main sur Jésus et l’arrêtèrent. Et voici, un de ceux qui étaient avec Jésus, portant la main à son épée, la tira ; frappa le serviteur du grand prêtre et lui emporta l’oreille.
Alors Jésus lui dit : « Remets ton épée à sa place, car tous ceux qui prennent l’épée périront par l’épée.
Penses-tu que je ne puisse faire appel à mon Père, qui mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d’anges ? Comment s’accompliraient alors les Écritures selon lesquelles il faut qu’il en soit ainsi ? »
En cette heure-là, Jésus dit aux foules :
« Comme pour un hors-la-loi vous êtes partis avec des épées et des bâtons, pour vous saisir de moi !
Chaque jour j’étais au Temple assis à enseigner, et vous ne m’avez pas arrêté. mais tout cela est arrivé pour que s’accomplissent les écrits des prophètes. »
Alors les disciples l’abandonnèrent tous et prirent la fuite.
(TOB)

 

Marc 9, 30-37
Partis de là, ils traversaient la Galilée et Jésus ne voulait pas qu’on le sache. car il enseignait ses disciples et leur disait : « Le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, lorsqu’il aura été tué, trois jours après il ressuscitera. » Mais ils ne comprenaient pas cette parole et craignaient de l’interroger.
Ils allèrent à Capharnaüm. Une fois à la maison, Jésus leur demandait : »De quoi discutiez-vous en chemin ? » Mais ils se taisaient, car en chemin, ils s’étaient querellés pour savoir qui était le plus grand.
Jésus s’assit et il appela les Douze ; il leur dit : »Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »
Et prenant un enfant, il le plaça au milieu d’eux et, après l’avoir embrassé, il leur dit : »Qui accueille en mon nom un enfant comme celui-là, m’accueille moi-même ; et qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »
(TOB)
La théologienne allemande Dorothée Sölle, dans un livre sur la violence, disait que celle-ci est révélatrice d’un déficit relationnel : déficit dans la relation à soi-même, dans la relation aux autres, à l’environnement, et fondamentalement dans la relation à Dieu.
Un tel déficit relationnel a été constaté chez la plupart des jeunes français issus de l’immigration qui ont récemment pris le chemin vers la Syrie pour participer au Djihad, sans rien connaître du Coran ni avoir été pratiquants de leur religion auparavant. Leur déracinement, leur inculture et leur marginalisation sociale et économique les mènent, hélas, vers des comportements de rupture. Ils sont alors une proie facile pour les extrémistes qui orientent leur détresse vers des positions franchement violentes.
Cependant, même si les fondamentalistes du groupe « Etat Islamique » et ceux d’autres obédiences ont réussi à semer la terreur et de se faire de la propagande à travers les médias, leurs exactions ont eu aussi un effet contraire : elles ont suscité l’indignation de beaucoup de fidèles, des prises de parole de nombreux responsables religieux et un besoin collectif de dénoncer la violence. Et voilà qu’il est devenu nécessaire d’expliquer des concepts religieux comme le « djihad » qui ont été détournés par les fondamentalistes, et de chercher à communiquer entre religions sur les valeurs constructives communes, génératrices de paix.
C’est donc plus que jamais l’heure d’interroger nos propres images de Dieu et de chercher à dépasser notre vision souvent réductrice des autres religions et de diriger notre attention vers des tentatives originales de mise en place d’un dialogue interreligieux et d’une cohabitation dynamique, comme le prévoit le projet de la construction d’un bâtiment inédit à Berlin qui réunira sous un même toit une église protestante, une synagogue et une mosquée. L’objectif du « House of One » ou « Maison de l’Unité » est de montrer que les religions qui jouent un rôle important dans de nombreux conflits aujourd’hui ont un potentiel pacifique à explorer ensemble.
Dans son livre « La guérison du monde », Frédéric Lenoir évoque différentes pistes pour des changements majeurs, parmi lesquelles la « reformulation des valeurs universelles à travers un authentique dialogue des cultures »ainsi que la « refondation du lien entre l’être humain et la nature comme de celui entre l’individu et la transcendance » (FL p 14). L’auteur appelle notamment à redécouvrir « le caractère universel de l’amour du prochain, présent dans les grandes religions monothéistes », notamment dans leurs versions mystiques, mais aussi dans d’autres religions. Mais Lenoir reconnaît aussi que ces changements reposent sur une transformation plus fondamentale, à savoir celle de l’homme, sans laquelle aucun changement ne sera possible. (cf. FL p 15)
Et nous, croyons-nous en la possibilité d’une transformation fondamentale de l’homme pour « guérir » le monde ? Dans un monde où nous nous querellons, comme les disciples de Jésus pour savoir « qui est le plus grand ? » et où, à l’exemple de Caïn et Abel, la violence est générée par l’idée que l’offrande d’une religion est supérieure aux autres aux yeux de Dieu ? Quel est le Dieu de notre foi et quel est notre espoir d’une transformation de ce monde ?
J’aimerais d’abord relever l’argumentaire de Jésus contre l’usage de la violence
tel que je le vois dans le récit de son arrestation.

I. Matthieu 26, 47-54
Pour moi, un des textes bibliques les plus importants en ce qui concerne la question de la violence et la libération de son cercle vicieux est le récit de l’arrestation de Jésus. On y lit que, juste après son combat spirituel à Gethsémani, Jésus s’avance courageusement vers une troupe d’hommes armés. Alors, un de ses disciples, d’après l’évangile de Jean il s’agit de Pierre, prend son épée, la tire et frappe le serviteur du grand prêtre et lui coupe l’oreille pour protéger Jésus. Mais Jésus désapprouve cet acte et lui ordonne : « Remets-ton épée à sa place, car tous ceux qui prennent l’épée périront par l’épée. Penses-tu que je ne puisse pas faire appel à mon Père, qui mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d’anges ? Comment s’accompliraient alors les Ecritures selon lesquelles il faut qu’il en soit ainsi ? »
Je vois, dans ce que dit Jésus, au moins trois arguments pour suspendre la violence :
Le premier argument fait appel à une expérience connue de tous, à savoir que la violence suscite inévitablement plus de violence. L’actualité nous montre, qu’une guerre menée pour mettre fin à une guerre, comme par exemple l’intervention américaine en Irak, est toujours suivie de plus de violence et d’une augmentation des moyens meurtriers. Le cercle vicieux de la violence ne peut être interrompu que par un autre comportement, non-violent. Sans la rupture totale avec les méthodes de l’ennemi rien ne peut changer.
Mais Jésus n’a pas que cet argument empirique. Son deuxième argument est d’ordre théologique, même s’il nous paraît au premier abord un peu mythologique : Il pourrait demander à Dieu douze légions d’anges pour sa défense. Je vous rappelle qu’une légion dans l’armée romaine comportait environ 6000 hommes ! Le chiffre signifie une force inimaginable qui dépasse toutes les mobilisations guerrières humaines possibles. L’interprétation de ce texte va souvent dans le sens de dire que Dieu aurait pu le faire, s’il l’avait voulu. Nous mettons alors l’accent sur la volonté du Père de donner son fils. Mais il me semble que l’on puisse le comprendre ainsi : Jésus ne veut pas réclamer à Dieu l’assistance de ses anges, parc qu’il a trouvé, après le combat de prière à Gethsémani la force de résister à la violence qui s’abat sur lui en renonçant radicalement à toute réplique. Jésus ne demande pas la protection de Dieu, mais il vit et agit sans protection. Les puissants le traitent comme un hors la loi, de la part de qui on peut s’attendre à une résistance acharnée, alors qu’il a enseigné tous les jours au temple sans défense et sans l’idée de fuir et qu’on aurait pu l’arrêter à tout moment. Jésus renonce à la violence, mais non pas par faiblesse. Il y renonce grâce à sa confiance en ces « légions d’anges » qui sont le signe de l’amour du Père. De cet amour, rien ne peut le séparer. Cet amour du Père est le fondement de sa force de résistance non-violente. C’est par elle qu’il est porté à travers la mort pour ressusciter vainqueur des forces de destruction.
Grâce à la foi de Jésus le Christ, des personnes comme Martin-Luther King, ou Dietrich Bonhoeffer dans sa cellule avant son exécution par les nazis, ont été porté par cette confiance en Dieu et ses légions d’anges. La suspension de la violence n’est, nous le savons, pas une garantie pour l’arrêt de la violence, mais elle renforce ceux qui ont pris le risque de rompre le cercle de la violence. Et elle est signe de la puissance de Dieu à venir…de cette puissance qui se manifeste d’abord dans la faiblesse et l’humilité.
Le troisième argument pour suspendre la violence est eschatologique. Il concerne notre espérance. Jésus parle de l’accomplissement des Ecritures. Il renvoie à l‘espérance messianique que Dieu lui-même délivrera son peuple. C’est pourquoi celui qui agit avec violence détruit l’œuvre de Dieu qui germe déjà ici et maintenant. L’objectif de la paix ne justifie jamais des moyens violents. Gandhi disait qu’il n’y a pas de chemin vers la paix, mais que la paix est le chemin.

Si la péricope de Matthieu permet d’expliquer pourquoi Jésus refuse la violence, il me semble que la péricope de Marc 9, 33-37 nous interroge sur les origines du mal de la violence et nous indique d’où peut venir la guérison.
II. Marc 9, 33-37
J’aimerais relever trois aspects qui sont aussi des étapes de la guérison que Jésus cherche à déclencher chez les disciples.
D’abord, le questionnement de Jésus qui est révélateur de leur image de Dieu. Et leur silence est ici parlant.
Rappelons-nous, qu’au début de cette péricope, Jésus a annoncé pour la deuxième fois sa Passion. Mais les disciples sont restés hermétiques à cette annonce. Ils ne peuvent entendre l’annonce de la défaite du Messie tel qu’ils l’imaginent. Défaite qui signifie aussi l’échec de leur propre démarche. Le verbe utilisé seulement une fois dans l’Evangile de Marc est « agnoéo, signifie « ignorer », « ne pas vouloir savoir ». L’obstination de voir en Dieu le prolongement de nos propres aspirations à la toute-puissance, voilà une description qui convient bien aussi pour désigner l’origine de la violence à laquelle nous sommes confrontés actuellement.
Comme dans les récits de guérison, Jésus cherche ici le dialogue pour faire apparaître et accueillir ce qui est source de violence. Car ils ont besoin de guérir des trompe-l’œil qui déforment leur regard sur la réalité et les possibilités de l’homme. Et ils ont besoin de guérir d’une image qu’ils se font de Dieu qui est totalement contraire au Dieu de Jésus Christ. Ils ont besoin d’être libérés de leur peur de mourir, de leur culpabilité, de leur dépréciation d’eux-mêmes qui ne sont que le revers de la médaille de leurs aspirations à la puissance
En tant qu’aumônier d’hôpital je sais que, certes, il faut souvent être bousculé pour que nous puissions nous ouvrir à une autre vérité. La maladie « ouvre un véritable chantier existentiel », dit Francine Carillo, et elle « creuse un abîme d’expériences » qui ouvre la possibilité d’une transformation. La mise en crise de leurs certitudes sur leur statut de disciples par le questionnement de Jésus creuse ainsi des ouvertures. S’il est déstabilisant pour eux, il traduit aussi le désir de Dieu de rencontrer l’homme et de cheminer avec lui. Car, la Parole que le Dieu de Jésus Christ nous adresse n’est pas n’importe quelle parole ou doctrine, ni un concept, ni même une loi, mais une bonne nouvelle ! C’est une Parole de vie, qui veut et qui dit du bien, qui est « bénédiction ». Elle cherche à ouvrir l’homme à une relation de confiance avec Dieu libéré de tout rapport de force, de séduction et de manipulation.
Ensuite, un appel à changer de regard
Les amener à regarder le monde, ici la ronde des adultes, de la hauteur d’un enfant constitue une véritable rééducation du regard des disciples sur eux-mêmes, sur leur relation avec Dieu et les autres. L’enfant est cette altérité qui les travaille en profondeur pour leur dire que le Messie se fait le serviteur de tous et que l’humilité et le service du plus petit sont les seules postures qui correspondent à l’attente active de l’avènement du Royaume de Dieu.
Dans son ouvrage « Le Dieu crucifié », Jürgen Moltmann nous rappelle que notre espérance est fondée sur la croix, sur le Christ crucifié, et que la croix est aussi la crucifixion des valeurs religieuses, culturelles et politiques dominantes dont la révolution est l’horizon de notre espérance. Le symbole de la croix nous invite à un changement radical de notre pensée et de notre agir. Ce changement passe par l’abandon de la vision d’un Dieu tout- puissant.
Enfin, la confiance.
En associant l’accueil d’un enfant à l’accueil du Royaume de Dieu et de Dieu lui-même, Jésus présente l’impuissance comme un tout autre pouvoir, comme un contre-pouvoir qui suscite l’espérance d’une victoire sur la spirale de la violence et de l’injustice. Jésus invite les disciples à s’abandonner à Dieu dans la confiance en son amour, en pointant vers l’horizon d’une victoire définitive de l’amour sur la mort et les puissances de ce monde.
Le film « Des hommes et des dieux » qui parle des derniers mois dans la vie des moines de Tibhirine, assassinés en 1996, dans un contexte de violences fondamentalistes en Algérie, est une tentative de montrer le combat intérieur du croyant entre le désir de sauver sa vie et l’acceptation d’être témoin jusqu’au bout de ce Dieu d’amour qui a choisi d’être inoffensif, livré Mais aussi confiant comme un enfant, pour être force de paix. Le message puissant du film est que l’amour, fruit de l’abandon à Dieu, est cette force qui a raison de la peur suscitée par la violence et la mort.

En conclusion, qu’en est-il alors de la transformation de l’homme dont parlait Frédéric Lenoir ?
Le travail de transformation en nous, c’est Dieu qui le fait en Jésus le Christ, en nous révélant notre véritable statut d’enfants de Dieu. Ainsi il rétablit le lien avec lui, mais aussi avec les autres, nos frères et sœurs en humanité, quel que soit leur appartenance religieuse ou leur origine. C’est ainsi qu’il nous ouvre au dialogue, en toute humilité et avec amour.
Et la guérison du monde ?
Paul Tillich, qui avait vécue les atrocités de la première Guerre Mondiale, parlait du peuple allemand et de l’Europe comme étant malade. Pour lui, aucune force n’était capable de guérir ce qui déchire l’homme individuellement et le monde dans son ensemble. Dans le monde tel qu’il est, il ne voyait pas de délivrance pour l’homme, ni de guérison. Celle-ci ne sera possible que dans un monde nouveau. Je pense qu’il avait raison de nous rappeler cette limité-là. Dans un monde dominé par la violence, la non-violence au nom de l’amour ne peut qu’être un signe. Mais un signe puissant qui annonce le monde nouveau, cette réalité nouvelle qui nous a été manifesté en Christ. A travers lui et peut-être ailleurs, à travers d’autres figures christiques , Dieu est lui-même cette force de réconciliation et de paix qui œuvre dans l’histoire.
C’est sur cette force que se fonde notre espoir. Grâce à elle, le mal en moi, le mal autour de mal n’est pas fatal. Grâce à elle, je suis libre pour dire « non » à l’injustice et à la violence et pour entrer en dialogue avec d’autres cultures et religions. L’amour chasse la peur de l’autre différent et nous désarme de la volonté d’avoir toujours raison, de nous justifier en disqualifiant les autres. Dieu nous entraîne dans un dynamisme créateur qui nous ouvre à d’autres rencontres et des synthèses nouvelles. Certes, on constate que la violence est contagieuse, mais l’amour l’est aussi ! A cause de l’amour du Dieu de jésus Christ pour nous, nous pouvons devenir artisans de paix.
Amen

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À propos James Woody

Pasteur de l'Église protestante unie de France à Montpellier et président d'Évangile et liberté, l'Association protestante libérale.

Un commentaire

  1. a.oback@free.fr'

    C’était très beau, et je n’ai rien à ajouter.

    D’autre part, je poursuit le chemin que j’ai décidé de prendre. À mon rythme.

    Anneliese Oback

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