À propos de l’article de Jean-Marie de Bourqueney : « Le péché », mai 2008
L’entreprise de traduire des notions surannées par des mots d’aujourd’hui est grandement louable. Mais réduire la notion de « péché » à la fragilité humaine me semble tout de même un peu court.
Certes, il faut en dénoncer les dérapages dans l’histoire, voire dans le présent, avec son cortège de culpabilisations en tout genre. Mais « pécher » signifie au départ « rater la cible », donner une mauvaise orientation à la vie. Que cette orientation en partie nous échappe, par des choix qui nous précèdent et sur lesquels nous n’avons pas de prise, a été traduit par la notion de « péché originel ». Celui-ci est actualisé par tous nos choix personnels qui renforcent cette mauvaise pente.
Et quand il arrive qu’un être humain se sente pris au piège par cette situation, comme dans une nasse dont il ne voit pas d’issu, parler de fragilité qu’il faut assumer ne l’aide pas vraiment. Au contraire, cela risque de renforcer son sentiment d’échec, précisément parce qu’il n’arrive pas à l’assumer. Un peu comme font souvent les proches de quelqu’un de déprimé qui lui assènent, forts d’une psychanalyse de bas étage, que « tout ça c’est dans sa tête ».
La condition humaine, avec sa fragilité, sa finitude, on n’y échappe pas. Il faut l’assumer. Mais lui assimiler le péché signifierait qu’on n’échappe pas non plus à celui-ci. « Apprentissage de sa propre existence », un pardon comme « processus dynamique », certes. Cyrulnik parle de « résilience ». Mais la bonne nouvelle c’est d’abord que cela est possible.
Le remède contre le péché, ou tout autre mot qu’on voudra utiliser à sa place, ce n’est ni la culpabilisation ni l’expiation ni même l’apprentissage, mais la grâce – ou tout autre nom qu’on voudra lui donner : il y a un chemin pour sortir de la nasse, il m’est offert, je peux recommencer une nouvelle vie. Certes, cette nouvelle vie sera toujours marquée par le péché, mais je n’en suis plus prisonnier.
Il faut le dire avec les mots d’aujourd’hui, mais il faut le dire : ma liberté est fondée sur un Autre que moi.
Waltraud Verlaguet, 83 Fayence