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Numéro 184 - Décembre 2004
( sommaire )

Dieu et les animaux

Le bœuf et l’âne entourant Jésus dans la crèche ont été ajoutés tardivement à l’histoire de sa naissance. Louis Pernot précise leur origine et limite leur importance.

Le bœuf et l’âne

L’Évangile ne mentionne ni bœuf ni âne autour de la crèche de Jésus. C’est là une invention tardive due au pseudo-évangile de Matthieu datant du VIIe siècle. En bons protestants, nous devrions nous en tenir à ce que nous disent les évangiles, et ne pas mentionner ces animaux que la tradition a inventés et qui viennent brouiller le message évangélique en le mélangeant avec des traditions tardives.

Cela dit, il est indéniable qu’il y ait forcément eu des animaux dans cette étable où est né Jésus : bœuf, âne, et aussi brebis, moutons, etc. Mais est-ce important ? Et pourquoi n’a-t-on cité que le bœuf et l’âne ?

Origine du bœuf et de l’âne

Bœuf et Âne de crèche provençale.

Le pseudo Matthieu se réfère à un texte d’Ésaïe : (1,2-3) dénonçant Israël qui s’est révolté contre Dieu, valant alors moins que certains animaux, puisque : le bœuf (lui) connaît son possesseur, et l’âne la crèche de son maître. Mais la référence à ce passage est hors contexte, et ressemble au mauvais travail d’un étudiant en théologie qui aurait cherché le mot « crèche » dans sa concordance.

Plus positive, est l’autre référence faite à un texte du prophète Habacuc (1,1-3) (absent de nos Bibles, puisqu’il s’agit d’une extrapolation de la traduction grecque) disant à Dieu : tu t’es fait connaître entre deux animaux. Il est beau d’affirmer que Dieu se révèle par le vivant, par la merveille de sa création. Il est bien le créateur de la vie, et toute vie nous fait connaître Dieu et le rend présent d’une certaine manière au milieu de nous.

Dieu a créé l’homme comme vis-à-vis intelligent

Mais ce qui est inadmissible, c’est l’idée que le bœuf et l’âne aient pu adorer le Christ. Les animaux n’adorent pas Dieu, seul l’homme peut le faire. Il est mauvais de citer ces animaux comme exemples du croyant. En effet, si les animaux sont précieux dans la Bible, néanmoins nous sommes appelés à ne pas leur ressembler : l’homme qui n’a pas d’intelligence ressemble à du bétail que l’on abat (Ps 49,21) Nous devons adorer Dieu et l’aimer non pas bêtement, mais de toute notre intelligence, de toute notre pensée. Nous ne sommes pas supposés être par rapport à Dieu ou au Christ comme des animaux, fussent-ils serviables et fidèles, sans poser de question. Au contraire, Dieu crée l’homme à son image comme un vis-à-vis, pas dans la servilité animale. Dieu veut des êtres humains rationnels pour être ses interlocuteurs et entrer en dialogue avec eux. D’ailleurs, le Christ ne chassera-t-il pas les bœufs du temple ? (Jn 2,14) Et il a eu raison, ils n’ont rien à faire là, ce que je dis, nous dit encore Paul, c’est que la chair et le sang ne peuvent hériter le royaume de Dieu, et que la corruption n’hérite pas l’incorruptibilité.

Et puis il est inconcevable, dans la symbolique biblique que l’âne qui représente la dimension physique de notre vie, et le bœuf qui représente l’idolâtrie du veau d’or, viennent adorer le Christ.

Mais si nous voulions absolument sauver cette tradition catholique, nous pourrions dire que quand le Christ naît, tout lui est soumis et reconnaît en lui ce qui est le plus grand : même la dimension purement matérielle et animale et même ce qui lui est normalement opposé, parce que le Christ fait toutes choses nouvelles et sauve toute la création. feuille

Louis Pernot

Le Concile de Trente (1563) prohibe les représentations du bœuf et de l’âne !

Désireux de manifester, en face de la Réforme, plus de rigueur dans l’expression de la foi des fidèles, le concile de Trente a décidé d’épurer certaines croyances fondées sur les seuls évangiles apocryphes. Il en fut ainsi de la présence à la crèche du bœuf et de l’âne. Leurs représentations furent donc proscrites dans les tableaux et sculptures figurant la Nativité, l’Adoration des bergers et celle des mages.

Cette recommandation fut relativement bien suivie à la fin du XVIe siècle et au cours du XVIIe siècle, sauf par quelques artistes inspirés directement par la foi populaire. Ainsi on ne trouve pas, ou presque pas, le bœuf et l’âne chez Rubens, ni non plus chez Velasquez, Zurbaran, Philippe de Champaigne ou Vignon.

Avec le temps et sous la pression des fidèles, le bœuf et l’âne réapparurent et, dès le XVIIIe siècle, accompagnent Marie, Joseph et l’enfant Jésus dans les scènes de la Nativité, en particulier dans les crèches. feuille

Bernard Félix

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