En-vie.
Où suis-je passé ? Jai beau chercher
dans tous mes tiroirs, je ne me trouve pas. Dans toutes mes militances,
mes anciens engouements, je ne reconnais pas vraiment celui-là
qui pensait ça, disait ci, allait là, écrivait
ça, croyait, aimait ça, un tel, une telle. Comme disait
lautre : « il y a un temps pour chercher et un temps pour
perdre ». Me voilà bien avancé.
Est-ce que jai autant avancé que ça
? Marcher sur une sphère qui tourne en rond naide pas forcément
à trouver une ligne directrice. Ce tournis doit venir de là
; un presque imperceptible, mais permanent, tournis.
Je demande à mon pasteur, il ne me dit rien (les
pasteurs qui parlent ne me disent rien) ; je pourrais aller voir un
psy, qui me demanderait ce que je ressens quand je pense ça.
Certes. Mes amis, mes collègues (ceux qui ne sont pas morts,
partis loin tant de vagues successives ont quand même rejeté
sur la grève quelques rescapés, bénis soient-ils),
femme, enfants, je nai pas envie de les embêter éviter
de vouloir être un fardeau pour les autres, règle de base.
Ça, je le tiens bien, maintenant.
Par où suis-je passé ? Quelles épreuves
ai-je dû traverser, ou éviter, pour avoir encore envie
de vivre, de rire, découter, de me battre, daimer
encore ? Pour encore avoir envie.
Ça suffit !
Je laisse mes questions à leurs réponses,
mes souvenirs à leur recomposition, et moi, je continue.
Jaime être en vie. Cela devrait suffire.

Robert
Philipoussi