Labondance heureuse
des publications et la multiplication constante des imprimés
pourraient conduire à une banalisation de lécrit.
Même chez les protestants, lÉcriture tellement sacrée
quon la dit «sainte» connaît une certaine banalisation:
les nombreuses traductions, souvent précieuses, enrichissent
certainement lintelligence du lecteur, mais nest-ce pas
au risque dun affaiblissement de sa sensibilité?
Car les mots et leurs phrases flottent à la surface
du papier ou sommeillent sous le drap blanc de la page. Les mots imprimés,
et par là diffusés dans leur immobilité muette,
envahissent notre paysage culturel, des slogans publicitaires et séduisants
à laffiche jusquaux versets bibliques admirables
peints ou gravés dans les temples. Mots au garde-à-vous,
mots immobiles, mots gravés sur les marbres de la guerre, mots
monumentaux. Debout les mots!
Cest pourquoi la parole nous est donnée.
À la Parole de Dieu incarnée en Jésus-Christ et
inscrite dans les Écritures, Karl Barth ajoutait inséparablement
la parole prêchée dans lÉglise. Justement,
quand les mots se lèvent, ce relèvement du texte, sortent
du suaire de leur conservation pour entrer dans lhistoire de notre
conversion. Quand les phrases saniment, percutent le silence,
quand se produit le miracle, en somme, de leur effectuation, puisque
«dire, cest faire». Et «lire, cest parler».
Aussi la carte blanche offerte à ses amis par
Évangile et Liberté permet-elle, blanche en effet, de
faire place à une parole vive et fraternelle. Nous sortons ainsi
de la civilisation de lécrit et de lemprisonnement
par lécriture pour entrer dans cet espace de liberté
quest lÉvangile. Aux mots faibles ou morts, couchés
sur les civières infirmes ou dans les tombeaux silencieux, la
Parole vivante que le Fils apporte du Père nous dit encore: «Lève-toi
et marche».
Reste que pour «les protestantismes», lÉcriture
est bien la source et la norme, au risque noir des mots qui dorment,
mais plus encore à la lumière de la Parole relevée
dentre les morts et qui donne à nos pauvres histoires lampleur,
finalement, dun destin exceptionnel. Quand lÉvangile
en liberté jaillit comme parole de la bonne Écriture.
Sous le souffle de lEsprit
Debout, les mots, il faut tenter de lire!
Michel
Leplay