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Numéro 187 - Mars 2005
( sommaire )

Combattre

Jésus était-il pauvre? Vincens Hubac prend position contre cette idée reçue: la véritable pauvreté n’est pas choisie, elle est subie. Elle n’est pas uniquement matérielle, elle est totale.

Pauvreté évangélique

La pauvreté n’est jamais vertueuse. Elle est toujours oppressante, étouffante, elle asservit épouvantablement celui qu’elle tient dans ses serres: la pauvreté dégrade l’individu et l’exclut. La pauvreté n’est jamais choisie, elle est toujours subie. Elle est intolérable pour l’individu, une honte pour la société. La pauvreté est totale, elle n’est pas matérielle uniquement, mais elle est aussi morale, intellectuelle, spirituelle, physique. C’est bien là le drame.

Bidonville dans la ville de Le                 Port

Bidonville dans la ville de Le Port
sur l’Île de la Réunion. DR.

Ceux qu’on honore comme de saintes personnes, parce qu’ils ont choisi la pauvreté évangélique, n’ont jamais été pauvres. D’abord parce qu’ils ont choisi une situation, ils ont maîtrisé leurs choix de vie. Ensuite, ils sont d’une grande richesse intérieure morale et spirituelle, sans parler de l’éducation qu’ils ont reçue et emportent avec eux. Enfin, ils ont toujours la possibilité de «revenir en arrière», ce qu’un pauvre ne peut faire. Engagé dans la diaconie, on s’étonne souvent de l’incompréhension de ceux qu’on veut aider, de la distance qu’ils semblent garder ou de leur colère, mais il reste vrai qu’il y a un fossé d’incompréhension entre eux et nous, même si nous faisons nôtre leur pauvreté matérielle.

L’exemple de Jésus

Le discours de nos Églises est grave quand nous mettons en avant la pauvreté évangélique et Christ comme un exemple à suivre, une vertu à vivre. Tordons le cou à l’idée reçue qui affirme à tort la pauvreté de Jésus. Certainement, la famille de Jésus n’est pas riche, mais elle appartient à la classe moyenne des artisans. Les pauvres sont les exclus de l’époque: malades, ouvriers agricoles très nombreux et souvent chômeurs, veuves isolées. Mais artisans, pêcheurs du bord du lac, collecteurs d’impôts ne sont pas les pauvres qu’on veut nous faire croire. Notons qu’à l’époque, la différence entre un pauvre et quelqu’un appartenant à l’équivalent d’une classe moyenne est assez réduite. C’est dans ce milieu socioculturel que se recrute le monde de la culture, les rabbins, les pharisiens... C’est ce milieu qui fait vivre les synagogues en province. Les charpentiers avaient le privilège de pouvoir lire l’Écriture à la synagogue. On ne peut donc pas dire que Jésus était pauvre. Sans parler de la richesse spirituelle qui l’habite. II est vrai que Jésus choisit de vivre le ministère de prédicateur itinérant, mais jamais il n’est dit que Jésus ait souffert de la pauvreté. Les compagnons de Jésus sont, eux aussi, des membres de la classe moyenne, voire aristocratique. Les pêcheurs du lac – surtout quand ils ont des ouvriers – ne sont pas des pauvres, pas plus que Matthieu le collecteur d’impôts ou Nathanaël, l’intellectuel qui lit l’Écriture «sous le figuier». Quant aux femmes qui suivent Jésus on sait que l’une d’elles est l’épouse d’un ministre d’Hérode. Dans la mouvance de Jésus, Nicodème et Joseph d’Arima-thie sont membres du Sanhédrin. Notons enfin que le groupe des apôtres avait un trésorier, Judas. Si Jésus n’a pas été pauvre au sens où on l’entend d’habitude, en revanche il a engagé une lutte sans merci en faveur des exclus, des pauvres ou des gens frappés par le malheur, sans avoir l’hypocrisie de se présenter en modèle de pauvreté. Ce combat contre la misère et la dénonciation de la richesse comme étant oppressante sont sans doute des éléments qui ont conduit Jésus à la Croix.

La démarche de Jésus, qui sait se détacher de sa relative richesse matérielle et prendre le risque de l’itinérance, est d’ordre théologique. Ici, Jésus montre qu’on peut échapper à l’idolâtrie de l’argent et du matérialisme.

Aider, c’est rencontrer

Aider quelqu’un implique d’éviter toute morgue aristocratico-chrétienne qui mette l’autre en situation de dépendance ou d’infériorité. L’exclusion et la pauvreté ne sont pas des vertus réservées aux autres ou que l’on met en avant quand nos arrières sont assurés, mais aider, c’est rencontrer, écouter l’autre, l’aimer aussi pour découvrir ses richesses morales, intellectuelles, spirituelles, physiques, historiques, pour les partager avec lui, les mettre en valeur pour le faire vivre et pour en vivre. Ce combat-là contre la pauvreté, pour la dignité, est aussi le combat pour la foi.

Vincens Hubac

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