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Numéro 173 - janvier 2004
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Origène

Pour son travail de systématicien, c’est la Bible que lit Origène, c’est d’elle dont il s’autorise. On connaît un étonnant ouvrage de lui, les Hexaples, pour lequel il a disposé l’Ancien Testament en six colonnes, la première réservée au texte hébreu, la seconde à ce même texte mais translittéré en grec, les quatre autres à quatre anciennes traductions grecques, dont la LXX. Cet arrangement lui permet, comme à un exégète moderne, de comparer les versions et de repérer les variantes. À vrai dire, qu’Origène soit le premier à étudier l’Écriture de manière aussi précise, ne l’empêche pas d’en donner une interprétation allégorique. Si le point de départ est la lettre, qui doit être connue jusque dans son plus intime détail, elle ne donne cependant jamais le sens véritable de l’Écriture ; encore faut-il en découvrir le sens caché, qui ouvre les horizons spirituels divers et toujours surprenants.

Des horizons spirituels, car Dieu, pour Origène, est esprit et comme tel transcendant. Mais il est aussi volonté. Voilà son attribut majeur : la volonté, qui implique sa liberté. Cette liberté est d’ailleurs ce qui permet à Dieu d’écouter notre prière et s’il le juge bon, de changer d’avis et d’agir en tenant compte de ce dont nous, les hommes, avons besoin. Or, ce que Dieu librement veut, c’est le salut du genre humain. Pour cela, il se fait pédagogue et dans cette tâche s’entoure d’aides au premier rang desquels vient le Logos, premier engendré subordonné au Père, certes Dieu, mais toutefois d’une théité seconde. Dans son incarnation en Jésus-Christ, ce Logos divin a pleinement exercé son action éducatrice et il continue d’éclairer le libre arbitre des hommes. C’est précisément par une telle initiative prise à l’égard de la volonté de tout être humain, qu’il le conduit vers le bien ou, si l’on préfère, la volonté de Dieu presse la volonté de l’homme, qui prend alors conscience de ce qui est en lui. La participation aux sacrements, comme l’écoute de la parole prêchée, contribuent à guider les hommes dans la voie de la perfection.

Si l’homme est doué d’un tel libre arbitre, c’est que son âme (psychè) préexistante est issue de Dieu. Origène conçoit la création comme s’inscrivant dans un mouvement continu. Dieu est l’origine de l’ensemble des âmes des hommes avant même que le monde soit. Pour diverses raisons, les âmes des hommes se trouvent dégradées mais l’étincelle divine est cependant toujours présente en elles. Sans cesse l’homme est appelé à s’élever au-dessus de la matière, et s’il n’y parvient pas dans la première création, ce sera dans une suivante, comme sans cesse les vagues viennent battre le rivage. Et voici encore une autre image : transvasés d’un sac dans un autre, les grains de blé sont les mêmes, seule leur disposition l’un par rapport à l’autre est différente et l’on peut recommencer l’opération maintes et maintes fois ; viendra néanmoins le moment où chacun aura retrouvé sa situation première. Aussi bas est-il tombé, l’être humain connaît le bonheur de pouvoir entrepren-dre une remontée : guidé par le Maître qui le conduit, secouru par le Médecin qui lui prescrit des médications parfois douloureuses mais toujours toniques et thérapeutiques, il parviendra à dépasser la barrière de la chute et à n’avoir plus besoin du monde. C’est alors le salut. Un salut pour tous, universel quand tout se retrouve en tout, en tous, en celui qui est tout.

La théologie d’Origène a souvent été violemment critiquée. On lui a fait grief de prétendre se fonder sur la Bible et de s’en écarter trop. On n’a pas manqué non plus de lui reprocher un optimisme jugé dangereux sur le plan éthique : Dieu est indulgent et tout finit bien ! Le « fils d’Horus » – ce que signifie son nom, Origène – a-t-il été trop influencé par la vieille religion égyptienne et son ésotérisme ou par la gnose ? Et si tout simplement, plutôt qu’un chef d’École prêt à imaginer de nouvelles doctrines aptes à le distinguer, Origène était un homme d’Église attentif aux inquiétudes de tout homme face à son destin, et décidé à montrer à celui-ci ce Dieu miséricordieux qu’on trouve lorsqu’on le cherche en son for intérieur ? Ah ! Un homme d’Église libéral ? feuille

par Jacques-Noel Pérès

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