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Ouverture et Actualité

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Europe
L’adhésion de la Turquie à l’Union européenne

A. Liberté de religion...

Le 17 décembre dernier, les 25 chefs d’Etat ou de gouvernements européens se sont prononcés sur l’ouverture de négociations pour l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Occasion d’énumérer tous les préalables exigés dont le respect des droits de l’homme, en première place. La liberté de religion fait aussi question.

Par le Traité de Lausanne de 1923 et dans toutes les constitutions ultérieures, la République turque s’est engagée à traiter les minorités non musulmanes comme tous ses citoyens sur un pied d’égalité, indépendamment de leurs convictions religieuses. La Constitution de 1937 est allée au-delà en introduisant le principe de laïcité (séparation de l’Etat et des affaires religieuses). Enfin, la Turquie, en tant que membre de l’ONU, a ratifié la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

Mais le contexte turc est complexe, les “ minorités non musulmanes ” sont constituées d’une mosaïque d’institutions religieuses ayant des statuts différents face à l‘Etat turc ; l’application du principe de laïcité ne va pas de soi et l’interventionnisme de l’Etat dans les affaires religieuses est patent.

Ainsi les temps sont durs et l’avenir incertain pour les grecs-orthodoxes de Turquie qui se trouvent confrontés à d’énormes difficultés pour construire ou rénover églises et bâtiments religieux ; ils subissent tentatives de spoliation de leurs biens fonciers et tracasseries administratives, les hauts fonctionnaires de l’Intérieur et de la Justice affichant sans vergogne leur hostilité aux chrétiens. Enfin, les grecs-orthodoxes ne peuvent plus assurer la formation théologique de leur clergé depuis que le séminaire de l’île d’Halki, au large d’Istanbul, a été fermé arbitrairement par les militaires en 1971, à l’époque des tensions entre Grèce et Turquie sur la question chypriote. Lieu de recherche en même temps que faculté et lycée, il était l’un des hauts lieux du monde orthodoxe et formait des étudiants venus de Turquie mais aussi des Balkans, de Grèce, de Russie... Les études de théologie se font désormais à Athènes ou Thessalonique.

Le 7 octobre dernier, une attaque à la bombe artisanale frappait le patriarcat orthodoxe d’Istanbul ; un mois plus tôt, les ultranationalistes turcs avaient organisé de violentes manifestations contre le patriarche œcuménique Bartholomé Ier, chef spirituel du monde orthodoxe, qui réside à Istanbul et il a été récemment empêché de se rendre à une invitation de l’ambassade des Etats-Unis.

B. Europe/Turquie : Une question de “ valeurs ”

Ces atteintes graves et répétées à la liberté de culte et des personnes ont été soulignées dans le rapport du Commissaire européen à l’élargissement, alors que s’amorçaient les discussions avec la Turquie sur son éventuelle intégration dans l’espace européen. Pourtant, la majorité des responsables chrétiens de Turquie reconnaissent un changement d’attitude de la part d’Ankara et son désir d’intégrer l’Europe n’est y sûrement pas étranger... Ainsi, la nouvelle loi foncière garantissant les actes de propriété des Eglises chrétiennes a enfin été promulguée et l’on avoue avoir quelque espoir pour la réouverture du séminaire d’Halki. Il reste à passer aux actes ! La Conférence des Eglises européennes(1) rappelait dans son bulletin Monitor que ce qui sépare la Turquie de l’Europe n’est pas une affaire de “ religion ” mais de “ valeurs ”. L’Union européenne est une communauté d’Etats basée sur les “ valeurs de justice et de paix, de solidarité et de pluralisme, de liberté d’expression et de respect mutuel. Au stade actuel, on ne voit pas que ces valeurs soient exprimées de la même manière en Turquie ”

C. Les chrétiens en Turquie

La Turquie compte actuellement moins de 3500 grecs-orthodoxes dont 2000 dans l’ancienne Constantinople (Istanbul). Selon des estimations avancées par l’Union européenne, les autres chrétiens seraient moins de 90 000, dont 60 000 Arméniens turcs majoritairement présents à Istanbul. Lors de la crise chypriote et de l’expulsion massive des Grecs de Turquie qui s’ensuivit, les autorités turques recensaient 200 000 chrétiens dont 100 000 à Istanbul.

D. Un islam européen ?

La Turquie dans l’Union européenne, c’est l’espoir d’un pont jeté entre les mondes musulman et chrétien. Mais “ l’islam ne sera pas pleinement intégré en Europe tant qu’il n’aura pas effectué une rupture complète entre le religieux et l’Etat, comme le catholicisme romain a dû le faire après la Révolution française”, affirme l’une des personnalités catholiques européennes, le cardinal belge Godfried Danneels. Il faut aussi que les musulmans soient prêts “ à interpréter le Coran de manière plus libre, comme nombre de chrétiens le font pour la Bible ”.

Claudine Castelnau

1. La Conférence des Eglises européennes (KEK) rassemble 125 Eglises d’Europe, orthodoxes, protestantes, anglicanes et vieilles catholiques.

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