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Numéro 215
Janvier 2008
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De l’art de douter et de croire, d’ignorer et de savoir. Une traduction française est disponible (Éd. La Cause. Préface de P. Vassaux). Ce titre mérite attention : quand on veut tout connaître et avoir des certitudes absolues, on tombe dans la rigidité et la fermeture des intégrismes. Le doute et l’ignorance ne sont pas les contraires d’une foi et d’un savoir authentiques ; ils en font partie.

Un manifeste libéral au xvie siècle

Sébastien Castellion (1515-1563), à la fois fin lettré et excellent pédagogue, a eu le courage de s’opposer à la dictature de Calvin et de dénoncer le bûcher de Servet (même s’il n’en approuvait pas les idées). On cite souvent la phrase admirable qu’il écrivit en 1555 à ce sujet : « tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine ; c’est tuer un homme ».

Un peu plus tard en 1562, il publie le Conseil à la France désolée. Il y plaide contre le « forcement des consciences » que pratiquent aussi bien les huguenots que les catholiques. Les uns et les autres lèvent des troupes, persécutent, oppriment et veulent contraindre par la force les gens à les suivre. C’est une aberration. Qu’on laisse chacun, demande Castellion, marcher sur la voie qu’il juge la meilleure et adhérer librement à la religion de son choix. Ce petit livre intelligent, ouvert et généreux a été condamné aussi bien par les catholiques que par les protestants du XVIe siècle. Triste époque où la tolérance passait pour une faiblesse et une lâcheté.

En 1555, Castellion traduit la Bible en un français populaire, imagé et pittoresque, celui que parlaient les petites gens. On lui a d’ailleurs reproché cette version de la Bible écrite non pas en style noble mais dans le langage des « gueux ».

Les papiers que Castellion a laissés après sa mort ont été transportés de Bâle à La Haye et recueillis par les Resmonstrants qui les ont utilisés pour la formation de leurs pasteurs. Parmi ces écrits, se trouve un manuscrit intitulé De l’art de douter et de croire, d’ignorer et de savoir. Il ressemble plus à un brouillon inachevé qu’à un manuscrit abouti. Certains passages nous paraissent confus. Mais beaucoup d’autres sont lumineux. Il comprend deux parties.

La première, une sorte de discours de la méthode, porte sur l’explication et l’interprétation de la Bible et pose les bases d’une explication rigoureuse des textes. On doit les comprendre dans leur contexte historique, tenir compte de leur genre littéraire (prophétie, enseignement, poésie), ne pas oublier que nous disposons de manuscrits transcrits par des copistes qui comportent des omissions et des erreurs. De plus, tout dans la Bible n’est pas Parole de Dieu ; l’inspiration divine s’y mélange avec des idées et des formulations humaines. Contre Calvin qui affirme que tout y est parfaitement clair, Castellion souligne l’obscurité et l’ambiguïté de nombreux passages, ce qui rend possibles et légitimes des interprétations différentes.

La deuxième partie du livre porte sur la foi. Elle est confiance en Dieu, amour du prochain, et non connaissance de choses surnaturelles. Les doctrines classiques, considérées comme orthodoxes, sur la Trinité ou sur la Cène par exemple, sont discutables et révisables. Que celui qui les comprend et à qui elles parlent les conserve, mais qu’il admette que d’autres en soient insatisfaits et cherchent à expliquer et à exprimer leur foi différemment. Si on ne doit pas donner aux doctrines et aux rites une valeur inconditionnelle, par contre la pureté de la vie et l’amour du prochain sont des impératifs absolus qu’on ne doit en aucun cas, sous aucun prétexte (même sous celui de rendre gloire à Dieu) enfreindre.

Qu’on ne demande pas au croyant de faire le sacrifice de sa raison ou de son intelligence ; elles sont des dons de Dieu qu’il doit utiliser quand il lit la Bible, quand il réfléchit sur Dieu, sur la religion et sur l’existence humaine. La foi se doit d’être pensée, mystique, active et éthique. Elle n’a rien à voir avec la crédulité sotte et le fanatisme aveugle.

Une vive piété et une intelligence novatrice animent ce livre. Malgré ses quelques faiblesses de style et d’argumentation, il me paraît supérieur à bien des œuvres de Zwingli, de Luther ou de Calvin. feuille

André Gounelle

 

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