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Numéro 207
Mars 2007
( sommaire )

Résonner

Dans ce tableau de Vermeer, Sylvie Queval, Maître de conférences en philosophie de l’éducation, entend un écho de nos tensions et de celles de nos diverses communautés, ainsi qu’un appel à la réconciliation.

Jésus, Marthe et Marie
Luc 10, 38-42

Marie regarde Jésus qui regarde Marthe qui regarde Jésus.

Les trois visages sont réunis dans la moitié gauche du tableau, celle qu’isole la diagonale partant du bas à gauche et montant, en suivant les avant-bras de Marie et Jésus, vers le haut à droite. À droite de Jésus est la zone éclairée, la zone lumineuse. L’autre moitié du tableau est dominée par le vert sombre des robes de Jésus et de Marie, le vert de l’espérance certes mais une espérance qui devra sortir de l’ombre.

Johannes Verneer : Jésus dans la maison de Marthe et Marie, 1654. (National Gallery of Scotland – Edimbourg)Marie « a choisi la meilleure part » (Lc 10,42). « Assise aux pieds du Seigneur, elle écoute sa parole » (v. 39). Elle ne fait qu’un avec Jésus, les plis de leurs robes se confondent, elle semble aimantée par la main droite de son hôte, tendue vers elle. Attentive, elle est prise dans le mouvement ascendant de la diagonale.

Marthe se tient, elle, sur l’axe de symétrie vertical du tableau. Debout et solide avec ses bras légèrement écartés, elle apporte une corbeille de pain qu’elle s’apprête à poser sur une nappe blanche. Elle est dans « sa » maison (v. 38) et domine la scène. Son « affairement aux multiples soins domestiques » (v. 40) ne cacherait-il pas quelque volonté de puissance, quelque goût immodéré de la maîtrise ? Pourtant, elle s’incline mais c’est pour demander « Seigneur, cela ne te fait-il rien que ma sœur m’ait laissée seule à faire le service ? » (v. 40). Elle en oublie de regarder le pain, centre de gravité du triangle qui unit les trois visages.

Il est pourtant bien là, ce pain, trait d’union entre ces sœurs qui ne se regardent pas, trait d’union entre ces sœurs si différentes mais qu’un drap, blanc comme un linceul, unit.

Dans quelques temps, c’est en partageant ce pain qu’elles feront mémoire de leur hôte si déroutant, celui à la droite duquel, elles se trouvent toutes deux.

Les versets de Luc, lus et relus, saturés de commentaires et d’interprétations convenues, prennent sous le pinceau de Vermeer la saveur de l’inouï. Par le jeu des formes et des couleurs, le peintre donne à voir, à penser et à entendre. Ici, le plaisir esthétique n’est pas seulement plaisir des yeux, le désir de comprendre n’est pas seulement désir de l’intellect, l’aspiration à se faire disciple n’est pas l’aspiration d’une dimension de notre être aux dépens de l’autre. Loin des exégèses qui ne s’adressent qu’à la raison et des discours édifiants qui ne visent que l’émotion, le texte (re)devient parole vivante. Nos communautés paroissiales peuvent y trouver la figuration de leurs tensions mais aussi de leur communion. Chacun(e) peut y trouver l’image de ses tensions internes mais aussi un encouragement à la réconciliation intérieure. Dans la lumière de celui qui s’invite dans nos maisons, il y a place pour les Marie et pour les Marthe, sa main nous est tendue, son regard nous invite. feuille

Sylvie Queval

Johannes Verneer : Jésus dans la maison de Marthe et Marie, 1654. (National Gallery of Scotland – Edimbourg)

Johannes Verneer : Jésus dans la maison de Marthe et Marie, 1654.
(National Gallery of Scotland – Edimbourg)

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