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Numéro 193 - novembre 2005
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Pierre Valdo fut, au XIIe siècle, l’un des grands précurseurs de la Réforme. Bernard Félix, auteur de L’hérésie des pauvres. Vie et rayonnement de Pierre Valdo (Labor et Fides) nous rappelle son étonnant combat.

Rencontrer Pierre Valdo

L'affirmation de la pauvreté comme une valeur fondamentale est ancienne. Jésus l’a-t-il pratiquée ? Il est communément admis qu’avec ses disciples, Jésus n’a pas vécu dans l’opulence, mais qu’il a reçu l’aide de personnes aisées.

Suivant l’évangile de Luc (9,3 ; 10,4 ; 18,22), on a enseigné qu’un bon disciple ne pouvait qu’avoir renoncé aux biens de ce monde. Les communautés monastiques, fondées en général sur le renoncement à la richesse, n’ont pas suffi pour éviter une critique véhémente de l’emploi des richesses dans l’Église.

Bardonecchia dans les vallées vaudoises du Piémont italienCe fut en particulier le cas aux XIe et XIIe siècles : des mouvements se sont dressés pour proclamer que les prescriptions des évangiles imposaient l’absence de toute richesse. Comme ils critiquaient l’Église, son clergé, ses pratiques, et ses dogmes, ils ont été successivement déclarés schismatiques, puis hérétiques et âprement combattus par Rome. Les historiens les regroupent sous le terme d’ « Hérésies des Pauvres ». Après un temps de succès, ces mouvements ont disparu à deux exceptions près : la première concerne Pierre Valdo, la seconde François d’Assise.

Pierre Valdo est un riche marchand lyonnais qui a décidé un jour (vers 1173) de vendre ses biens au profit des pauvres et de vivre de mendicité. Jusque là, l’Église n’aurait pas eu à s’en offusquer. Mais Valdo s’est mis à parler ! Il a expliqué son choix dans un triple message :

  1. tout laïc peut et doit lire les Écritures (Valdo les fait traduire en langue vulgaire) et en tirer ses règles de vie ;
  2. la vie de pauvreté totale est celle qu’a recommandée le Christ et elle doit assurer le salut ;
  3. sont inutiles à la foi les ajouts faits à l’Évangile, tels que bien des sacrements, le culte des saints, le Purgatoire, etc.

Valdo a été écouté, faisant des associés, qui ont suivi sa démarche de pauvreté itinérante et d’apostolat dans les rues, dès lors qu’ils ont saisi cet extraordinaire sentiment de liberté que confère le renoncement à toute richesse. Ce qui n’a pas manqué d’inquiéter les prêtres dont « ces pauvres hères » prenaient la place, les privant de leurs ouailles, donc de leurs ressources. L’évêque de Lyon, un moment sympathique à Valdo, lui interdit de prêcher dans sa ville. Une tentative de recours au pape n’aboutit pas et le concile de Vérone prononce en 1184 une excommunication. Valdo et ses amis durent s’éparpiller dans les montagnes, notamment en Piémont, et vivre dans la clandestinité.

Leurs difficultés les conduisirent à radicaliser leur message, dans un sens qui annonce la Réforme. Leur morale exigeante, leur amour du prochain et leur refus d’une Église centralisée leur apportaient la considération de beaucoup.

On ignore quand Pierre Valdo est mort, mais tout donne à penser qu’il a vécu jusqu’au bout cette vie de prédicateur pauvre. Ses disciples durent, pour survivre, admettre que certains adhérents travaillent pour permettre la subsistance des communautés.

Les Vaudois trouvèrent dans leur adhésion à la Réforme en 1532 un second souffle. Ils découvrirent alors la justification offerte par la grâce de Dieu et perçue par la foi, notion que Pierre Valdo n’avait pas prêchée et dont l’absence l’avait laissé, comme Luther dans sa jeunesse, dans l’angoisse vis-à-vis de ses oeuvres et de son salut.

Valdo a conduit l’Église à s’interroger après sa mort sur cette vertu de pauvreté, et à faire une place à ceux qui se sentaient appelés à la vie que le jeune homme riche n’avait pu suivre : le cadre offert à ceux-là fut celui de l’ordre créé par le Pauvre d’Assise. Sans les réflexions et la vie de Pierre Valdo, sans doute François aurait-il échoué à bâtir son ordre mendiant.

Notre époque connaît toujours l’acuité du problème de la pauvreté et découvre aussi le combat des très pauvres pour faire reconnaître leur aspiration à la dignité. Ce fut un des messages de Pierre Valdo qui a témoigné de la grandeur d’une vie dénuée des biens de ce monde. feuille

Bernard Félix

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