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Numéro 219
Mai 2008
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L’un des principaux arguments contre l’attribution à Paul des épîtres pastorales (1 & 2 Timothée, et Tite) est qu’on n’y reconnaît plus la théologie paulinienne. Mais quelle est celle de l’auteur de ces lettres où dominent les exhortations et une perspective institutionnelle ? Cet article est la suite de la réflexion sur les Pastorales entamée dans le n° 218.

Quelle théologie pour les Pastorales ?

Abordant un texte biblique, le lecteur croyant manifeste naturellement une légitime bienveillance, cependant parfois ébranlée par des formulations aujourd’hui devenues choquantes ; il déploie alors avec délicatesse une remise en contexte historique sauvant le passage des anachronismes d’un jugement moderne. Pour les épîtres pastorales la tâche n’est pas aisée, on peut même se demander si elle est honnête ! Après tout, respecter un texte, c’est aussi l’autoriser à dire ce qu’il dit, quitte à se trouver en désaccord profond avec lui, fût-il biblique.

Le lecteur peut en effet rester perplexe devant la pauvreté argumentative des Pastorales. Ce n’est pas que les formulations théologiques manquent, elles sont même nombreuses et parfois belles, surtout en 2 Timothée, mais elles reprennent des énoncés liturgiques ou catéchétiques traditionnels plus ou moins mâtinés de vocabulaire paulinien.

L’invective en guise d’arguments

Avares en arguments, ces lettres sont en revanche d’une incroyable créativité quant aux très nombreuses formules – souvent uniques – stigmatisant les adversaires. Cet article ne suffirait pas à lister celles par lesquelles l’auteur dévalorise ses adversaires. Pêle-mêle, ceux-ci sont « abominables », « apostasiant la foi par inintelligence, hypocrisie ou cupidité », et « leurs bavardages impies sont une gangrène provoquant controverses et débats »…

Débat, le mot est lâché ; c’est clair, l’auteur n’est pas atteint par la « maladie des débats » qui affecte selon lui ses adversaires, puisque jamais il n’entre en débat avec eux !

Pour lui, la formulation traditionnelle de la foi, avec laquelle il se confond, est devenue un dépôt à transmettre, à préserver de toute altération. Il s’agit désormais d’être « conforme à la piété » et à la « saine doctrine ».

Si Tite et Timothée n’ont que les éléments fournis par ces épîtres pour réfuter leurs contradicteurs, alors, ils n’ont guère d’autre choix qu’utiliser l’argument d’autorité pour faire triompher la saine doctrine et réduire au silence les insoumis et autres discoureurs futiles !

Certes, le Paul des grandes épîtres sait être véhément quand la vérité de l’Évangile libérateur lui semble en danger, il est même parfois insultant, traitant ses adversaires de faux circoncis, de faux frères et même de chiens, mais toujours, l’apôtre argumente sur le fond. Si, comme le maintiennent certains, ces lettres sont d’un Paul en fin de carrière, alors, il faut convenir que l’apôtre a mal vieilli !

Une Église conforme au monde

C’est sur l’ecclésiologie que les pastorales concentrent leur attention. Comme « maison de Dieu », l’Église calque sa structure organisationnelle et hiérarchique sur le modèle de la société romaine aisée. Ses responsables doivent se comporter en bons pater familias, et en retour chacun (et surtout chacune !) doit leur être soumis sans discussion suivant son âge, son sexe, ou sa condition sociale. Et ceux qui voudraient discuter sont des « rebelles » et des « insoumis ».

Qu’il s’agisse des « femmelettes », dont le premier désir semble être… d’apprendre, des « jeunes veuves oisives », ou des « vieilles femmes avec leurs fables profanatrices », il semble que les femmes constituent, selon l’auteur, un danger. De fait, la seule argumentation théologique de ces pastorales consiste à justifier le silence et la soumission des femmes dans l’Église par la faute d’Ève : « C’est Adam, en effet, qui fut formé le premier. Ève ensuite. Et ce n’est pas Adam qui fut séduit, mais c’est la femme qui, séduite, tomba dans la transgression... »

Pour dédouaner l’auteur de si pauvres arguments, on évoque son contexte troublé : relations difficiles avec l’État, hérésies, désordres d’une émancipation féminine... Mais on aura beau resituer ces épîtres dans leur époque, malgré tous les commentaires compréhensifs et bienveillants que l’on peut trouver, il me semble permis de contester leur théologie.

Que le lecteur qui pense que cette critique des Pastorales va trop loin se rassure, il trouvera dans ces épîtres abondance de vocables pour la qualifier ! feuille

par Patrice Rolin

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