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Numéro 203
Novembre 2006
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L’Assemblée du Désert a évoqué cette année la figure de Pierre Bayle (1647-1706), à l’occasion du tricentenaire de sa mort. Philippe Vassaux nous rappelle la pensée et l’œuvre de cet apôtre de la tolérance et de la liberté de conscience.

Pierre Bayle : un penseur hors du commun

C’est au fond comté de Foix, dans le petit bourg du Carla qui porte maintenant son nom, que Pierre Bayle est né en 1647. Son père, pasteur, le prépare lui-même à entrer à l’Académie réformée de Puylaurens. Déçu par le bas niveau de cette dernière, il se rend à Toulouse où les jésuites vont l’initier à la pensée d’Aristote. Il se convertit alors au catholicisme, mais il regrette vite cette décision. En retournant au protestantisme, il est considéré comme relaps.

Pierre Bayle continue ses études à Genève, puis devint précepteur à Coppet (Suisse), à Rouen, à Paris. En 1675 il intègre par concours la chaire de philosophie à l’Académie réformée de Sedan où il restera jusqu’à sa fermeture en 1681. Il s’entend à merveille avec son collègue Pierre Jurieu qui deviendra son pire adversaire aux Provinces Unies au point de le faire renvoyer de l’ « École illustre » en 1693. Réfugié à Rotterdam, il publie les Pensées diverses sur la Comète en 1683. Cet ouvrage, réédité et augmenté à plusieurs reprises, combat les superstitions liées à l’astrologie. À partir du printemps 1684 il publie les Nouvelles de la République des Lettres qui annonce le Journal des Savants.

Parmi ses nombreuses publications, Ce qu’est la France catholique sous le règne de Louis Le Grand, en 1685, brosse un tableau implacable des conséquences de la Révocation de l’Édit de Nantes. À l’inverse de Jurieu, il ne reproche pas à Louis XIV de s’être comporté en monarque absolu, mais d’avoir mal utilisé ses prérogatives royales et cela à la différence d’Henri IV. Jacob Bayle, son frère pasteur, va mourir en prison à Bordeaux. En 1686 paraît son Commentaire philosophique sur les paroles de Jésus-Christ : « contrains-les d’entrer ». Le texte a été réédité en livre de poche en 1992 sous le titre De la Tolérance, commentaire philosophique. Il montre là que Saint Augustin a mal interprété la parole du Christ dans la parabole des invités au festin. La contrainte dont il s’agit ici est une invitation amicale pressante et non l’usage de la force.

Mais l’œuvre capitale de Pierre Bayle est son célèbre Dictionnaire historique et critique à partir de 1696 qui aura onze éditions jusqu’en 1820. Tout homme cultivé du Siècle des Lumières possède dans sa bibliothèque un exemplaire de ce dictionnaire qui annonce L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Cette œuvre monumentale, toute première histoire de la pensée occidentale, est, selon Leibniz, le plus beau des dictionnaires. Voltaire en fait l’éloge dans la 13e lettre philosophique. Disciple de Descartes et de Malebranche, Pierre Bayle a été accusé un peu trop vite de scepticisme. Son rigorisme moral en fait un prédécesseur de Kant. Pierre Bayle est souvent considéré comme le dernier des métaphysiciens du XVIIe siècle et le premier des philosophes du XVIIIe siècle. Son objectif est de permettre au lecteur d’apprendre à penser en évitant précipitation et préventions.

L’histoire est son terrain favori. Il établit une équivalence entre évidence et possibilité maximale. Dieu ne condamne pas l’homme pour qu’il tombe, mais parce que, pouvant se relever avec son aide, il ne le fait pas. Tout ce qui est entrepris contre la conscience est péché. Pierre Bayle a largement contribué au triomphe de la tolérance en insistant sur le droit à l’erreur sans lequel aucune liberté n’est possible. Les discussions du Dictionnaire historique et critique portent sur le dualisme, les preuves de l’existence de Dieu, la liberté d’indifférence, la conformité de la raison et de la foi, la difficulté de réfuter les objections des sceptiques, le danger de l’athéisme et surtout de l’idolâtrie. Le lecteur est renvoyé d’un article à un autre et invité à lire entre les lignes. La raison est assez forte pour reconnaître l’erreur, elle est trop faible pour atteindre elle-même la vérité sans aucun recours extérieur.

Il meurt en 1706 à Rotterdam. Critiquant le principe d’autorité, prônant la liberté d’examen, sa pensée a eu un retentissement considérable au Siècle des Lumières, et demeure d’une surprenante modernité. feuille

Philippe Vassaux

 

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