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Numéro 202
Octobre 2006
( sommaire )

Résonner

Le film de Gus Van Sant, analysé par Pierre Nambot, dénonce notre passivité devant la violence grandissante d’une jeunesse en manque d’espoir.

Elephant

Très sensible au 7e art, je vois de nombreux films choisis en fonction de ce qu’ils sont susceptibles de m’apporter dans ma façon d’être ou de penser. La perception des messages cinématographiques n’est pas toujours immédiate, elle nécessite réflexion et recherche d’interprétation, à l’instar de toute œuvre d’art, littéraire, musicale, picturale… C’est dans ce cadre que j’aimerais parler du film « Elephant ». C’est à mon avis un chef d’œuvre saisissant qui nous place devant nos responsabilités citoyennes et nos engagements spirituels.

Le massacre de Columbine

Le massacre de Columbine sur lequel est basé le film de Gus van Sant est également à l’origine d’un effroyable jeu-video disponible sur Internet qui permet au “joueur-internaute” d’être au cœur du massacre et d’accumuler des points au prorata du nombre de victimes… Le forcené qui a perpétré en septembre dernier le massacre dans un lycée du Québec dit dans son blog –dans lequel il annonçait également la préparation du massacre – qu’il affectionnait particulièrement ce “jeu” Internet.

Le réalisateur et scénariste Gus Van Sant s’est inspiré d’un fait divers terrifiant : le 20 avril 1999, aux États-Unis, deux élèves du lycée de Columbine massacraient froidement une quinzaine de leurs camarades avant de se suicider. Sant nous transporte dans une fiction tragique. C’est la force de son film car l’imaginaire constitue ici le meilleur procédé pour nous faire mesurer l’horreur et l’incompréhension d’un événement bien réel. En outre, la mise en scène se réfère souvent au sacré. Ce film soulève beaucoup de questions et de réflexions dont je mentionnerai ici seulement les plus marquantes.

Dès les premiers plans, le ciel s’assombrit et devient menaçant. Un poteau téléphonique et une croix se détachent tels deux spectres inquiétants. La tragédie est en marche et le spectateur alerté ! Aussitôt après, nous sommes dans le magnifique parc d’un lycée. Il fait beau, mais le ciel est anormalement vide. Un malaise s’empare du spectateur et s’intensifie au fur et à mesure que la caméra explore les lieux. Les lycéens se déplacent sans bruit comme des fantômes, le silence est meublé par des craquements bizarres, des échos, des résonances comme si une puissance invisible régnait dans ces lieux. Des couloirs interminables, de nombreuses vitrines, nous donnent l’impression d’être prisonniers d’un aquarium dans lequel les êtres tournent en rond. Autre fait troublant, les lycéens portent des tee-shirts avec des noms d’animaux : tigre, taureau, chien… à l’exception d’un jeune sportif dont le tee-shirt rouge s’illustre d’une grande croix blanche et d’une inscription quelque peu ironique « lifeguard » (gardien de la vie). Le plus souvent de dos, ils réapparaissent dans les mêmes scènes sous des angles différents à des moments les plus inattendus au mépris de toute chronologie. Des regards se tournent vers le ciel comme un appel à Dieu, ou à l’au-delà : une étudiante s’arrête de marcher pour regarder le ciel et semble y trouver du réconfort, un lycéen en difficulté se recueille et regarde vers le haut en priant… Peine perdue, ce monde n’est plus celui des humains mais du règne animal.

Pour reprendre une citation d’Anatole France, un des tueurs a pu penser : « Je ne doutais plus que la civilisation comme on la nomme, ne fût une barbarie savante et je résolus de devenir un sauvage. » À ses yeux tout doit disparaître : c’est l’apocalypse. Les derniers plans du ciel nous renvoient à ceux du début, sans le poteau et la croix. Dieu aurait-il déserté ?

Ce film bouleversant fait appel de façon subliminale à Dieu et dénonce notre passivité face au problème majeur de notre société, « énorme comme un éléphant » : la violence grandissante d’une jeunesse en perte de sens et de confiance. À nous de leur donner une raison de vivre et d’espérer au nom de celui qui nous a montré le chemin. feuille

Pierre Nambot

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