logo d'Évangile et Liberté

Numéro 198
Avril 2006
( sommaire )

 

Commenter

L’affirmation de la messianité de Jésus dans le Nouveau Testament reprend une théorie juive des deux messies et réunit ces deux messies dans la personne de Jésus, affirmant ainsi son enracinement dans le judaïsme et son ouverture aux nations.

La double filiation de Jésus et les messies

 


« Jésus … était fils, pensait-on, de Joseph …, fils de David…, fils de Juda » (Lc 3,23-34)

De nombreux pères de l’Église ont considéré Joseph, vendu en Égypte par ses frères et néanmoins sauveur de sa famille, comme une préfiguration du Christ. Cette lecture messianique qui se trouve par exemple chez Astérius d’Amasée (début du cinquième siècle) a deux racines : une certaine lecture juive de l’histoire de Joseph, mais aussi la présentation de Jésus comme messie dans les évangiles synoptiques qui, pour ce faire, recourent à des motifs de l’histoire de Joseph. Cette présentation de Jésus semble elle-même dépendre d’une idée que l’on retrouve notamment dans le Talmud, mais qui est sans doute bien plus ancienne ; il s’agit de la théorie des deux messies.

Selon cette idée, le premier messie est appelé fils de Joseph. Il aura comme mission de rassembler les nations mais succombera sous les coups d’une sorte d’ « Antéchrist ». C’est alors que surgira le deuxième messie, fils de David et fils de Juda pour instaurer son règne en Israël. Cette idée se base sur un certain antagonisme entre Joseph et Juda dans le récit de Genèse 37-50, et sur une réception ambiguë du personnage de Joseph dans certains milieux juifs, gênés par sa trop grande ouverture aux « païens » (dans le récit de la Genèse, Joseph est à la fois expert en magie égyptienne et gendre d’un grand prêtre d’Héliopolis). Certains rabbins avaient alors considéré que le vrai héros du roman de Joseph était Juda, lequel sauve son frère Benjamin et rétablit la paix dans la famille de Jacob-Israël. Dans la théorie des deux messies, celui qui est fils de Joseph tente de faire réussir son projet en s’ouvrant à l’Égypte, archétype des nations, alors que Juda, ayant surtout à cœur le bien-être de sa famille, devient le symbole d’un messie qui rayonne à partir d’Israël.

Les auteurs des évangiles semblent connaître cette idée des deux messies ; ils cherchent à démontrer que Jésus réunit en lui les aspects du premier et du deuxième messie. Dans les généalogies proposées par Luc et Matthieu, Jésus descend de Juda et de David, mais son père s’appelle justement Joseph. Jésus a une double origine : il vient de Nazareth, située dans le territoire de Joseph, mais il naît, à en croire Luc, à Bethléem, appartenant à la province de Judée et lieu d’origine de David. Mais on trouve également des occurrences où Jésus apparaît comme une réhabilitation du messie fils de Joseph, contre un messie « judéen ». Comme dans le récit de Genèse 37-50, où Juda se singularise parmi les douze frères, dans les évangiles, c’est Juda qui va se marginaliser au sein des douze disciples. Dans la Genèse, Juda propose de vendre Joseph ; dans les évangiles, c’est aussi Juda qui va livrer Jésus pour 30 pièces d’argent. En Gn 37 la décision de vendre Joseph est suivie d’un repas des frères ; dans les évangiles, c’est au cours du dernier souper de Jésus avec ses disciples que Juda se révèle comme adversaire de Jésus. On peut lire ces motifs dans le cadre d’une réhabilitation du messie fils de Joseph contre un messie limité au judaïsme. En Genèse 37, les frères décident de faire croire au père que Joseph a été tué, pour rétablir ainsi la paix à l’intérieur de la famille ; dans les évangiles, Jésus meurt effectivement, mais sa mort se transforme en message de résurrection et en éclatement de la « famille » des disciples, car ceux-ci sont envoyés apporter la bonne nouvelle à toutes les nations.

Si, comme l’ont bien senti les pères de l’Église, certains textes néotestamentaires s’inspirent de la figure de Joseph pour affirmer la messianité de Jésus, d’autres textes insistent également sur sa filiation davidique et judéenne. Ainsi Jésus réunit en sa personne l’enracinement du christianisme dans le judaïsme, ainsi que sa vocation universelle. feuille

Thomas Römer

haut

Merci de soutenir Évangile & liberté
en vous abonnant :)


Vous pouvez nous écrire vos remarques,
vos encouragements, vos questions


 


Accueil

Pour s'abonner

Rédaction

Soumettre un article

Évangile & liberté

Courrier des lecteurs

Ouverture et actualité

Vos questions

Événements

Liens sur le www

Liste des numéros

Index des auteurs


Article Précédent

Article Suivant

Sommaire de ce N°