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Numéro 198
Avril 2006
( sommaire )

Agir

Ayant assisté à plusieurs célébrations de Noël organisées par l’aumônerie protestante de la Maison d’Arrêt de Fresnes, j’ai décidé de devenir visiteuse de prison. Depuis ma première visite, il y a quatre ans, je ne suis pas déçue ; c’est difficile, mais intéressant.

Visiteuse de prison… Pourquoi ? Comment ?

J’avais certainement en tête le passage de l’évangile de Matthieu (25,31-46) sur le jugement des nations par le Fils de l’Homme : « J’étais en prison et vous êtes venus vers moi… Toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites ».

J’espérais pouvoir apporter un peu de chaleur et d’amitié à ceux qui sont derrière les barreaux, notamment, puisque je parle un peu l’anglais, aux étrangers anglophones.

Cour de la prison de mineurs de Loos-lez-Lille. Photo DR.J’avais envie de savoir qui sont les détenus, comment fonctionne la justice, et comment se déroule la vie en détention.

De quels outils dispose le visiteur ? Essentiellement de l’écoute et de la parole

L’écoute.

Le visiteur a été demandé par le détenu. Le parloir est un lieu de libre parole où ce dernier peut exprimer, au fil de rencontres généralement hebdomadaires, ses questions, sa tristesse, sa solitude, son angoisse, sa colère, sa révolte. Des liens de confiance et d’amitié peuvent alors se tisser. Au visiteur de déceler ce que le détenu attend de lui.

La parole

Le visiteur peut apporter des informations sur la vie carcérale, des renseignements juridiques, aider à rédiger des lettres, effectuer quelques démarches auprès du travailleur social, de l’avocat, de la famille.

Il peut aussi apporter son aide sous forme de soutien scolaire : apprentissage de la lecture à un illettré, préparation au brevet, amélioration de la connaissance de la langue française avec les étrangers.

La visite permet au détenu d’être reconnu comme une personne, pas uniquement identifiée par son délit, mais qui parle et réfléchit. Les conversations sont d’autant plus intéressantes que le détenu jouit d’un certain niveau intellectuel, et d’une certaine curiosité. Les sujets abordés vont de l’actualité, la politique, les émissions de télévision, la littérature et la philosophie, jusqu’à la religion parfois. Le visiteur n’est pas un aumônier et doit s’abstenir de tout prosélytisme. Mais si le détenu aborde de lui-même des problèmes religieux, éthiques, ou pose des questions au visiteur sur ses convictions, rien n’empêche alors de parler de la Bible, du protestantisme, du pardon, du sens de la vie.

Je ne ressors pas indemne de la prison. Les questionnements m’envahissent

Pourquoi autant d’injustice entre ma situation de privilégiée, née dans un pays riche, vivant une existence facile dans une famille unie et aimante, et ce jeune Français qui a connu une enfance de galère, ou cet étranger qui a fui son pays dans lequel règnent la misère et la corruption, et refuse d’y retourner ? C’est alors que me revient à l’esprit la notion, chère à Albert Schweitzer, de la dette dont les privilégiés sont redevables envers les exclus.

Comment ce détenu intelligent, qui a conscience du bien et du mal, a-t-il pu aller jusqu’au crime ?

Comment ces hommes vont-ils se réinsérer à leur sortie, après des mois, parfois des années de détention ? Où iront-ils ? Que feront-ils ? Quelles seront leurs ressources ?

Ces questions sont particulièrement cruciales pour les détenus étrangers, en situation irrégulière au moment de leur incarcération. S’ils ne sont pas Interdits du Territoire Français et refusent de retourner dans leur pays, ils n’auront pas d’autre solution que le retour à la clandestinité, avec le risque de commettre de nouveaux délits pour survivre. Est-ce acceptable ?

Malgré la tristesse de la détention, et cette inquiétude quant à la sortie, l’activité de visiteuse est pour moi source de découvertes, de partages, de joies. Il ne faut surtout pas la pratiquer dans l’isolement ; les contacts avec d’autres visiteurs sont essentiels, pour la formation, l’information, et l’amitié qui aide à supporter des moments parfois difficiles. feuille

Jeannie Persoz

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