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Numéro 197 - Mars 2006
( sommaire )

Débattre

Il ne faut pas confondre le clonage reproductif avec le clonage thérapeutique. Le premier relève du fantasme illusoire et inutile. Il doit être interdit. Le second pourrait constituer dans les années à venir une technique thérapeutique intéressante. Certains préjugés s’opposent à la nécessité de poursuivre les recherches dans ce domaine.

Faut-il avoir peur du clonage thérapeutique

Les déboires du chercheur Hwang Woo-Suk – accusé de tricheries – ne doivent pas faire diversion : les recherches sur le clonage thérapeutique obtenu à partir de cellules souches doivent continuer. Rappelons que ces cellules d’un genre particulier sont ce que l’on pourrait appeler des « cellules de base », présentes dans les différents tissus du corps humain et capables de se différencier en cellules différentes : cellules sanguines, musculaires, nerveuses, osseuses, etc. Inconnue il y a encore quelques années, leur existence constitue aujourd’hui l’une des données fondamentales de la biologie. Sur le plan médical, l’intérêt des cellules souches tient à leur capacité de reconstituer des tissus malades ou endommagés. Celles qui ont le plus grand pouvoir différenciateur – et donc thérapeutique – se trouvent dans l’embryon. Le clonage thérapeutique en est l’une des applications médicales les plus directes : il consiste à injecter l’ADN d’un patient dans un ovocyte prélevé sur une donneuse extérieure. À son stade du blastocyte (petit amas de quelques cellules encore indifférenciées), l’embryon obtenu fournira les précieuses cellules souches réparatrices (L’embryon ne survivra pas à ce prélèvement. D’où la question posée sur le plan bioéthique).

Outre qu’elle permettra de mieux comprendre les phénomènes de différenciation cellulaire, l’étude du mécanisme des cellules souches pourrait déboucher sur de nombreuses applications thérapeutiques. À l’aide de quelques techniques simples, et d’une certaine façon plus « naturelles » que beaucoup de protocoles actuels basés sur des processus physico-chimiques relativement lourds, on devrait pouvoir traiter dans quelques années un certain nombre d’affections difficiles à soigner aujourd’hui, comme certaines maladies dégénératives dues à la mort des tissus (cardiaques, musculaires…). Par exemple la maladie de Parkinson.

L’importance qu’il y a à poursuivre la recherche sur les cellules souches est d’autant plus grande que les perspectives thérapeutiques que l’on vient d’évoquer restent encore largement à confirmer. En France, la possibilité d’une telle recherche a finalement été autorisée dans le cadre de la révision des lois de bioéthiques de 1994 qui, après plusieurs années de tergiversations, a enfin pu être adoptée en 2004 par le Parlement. Mais cette révision, fortement influencée par les conceptions personnelles de l’ancien ministre Jean-François Mattéi, s’est faite d’une manière extrêmement timide. Contrairement à ce que demandaient de nombreux scientifiques, elle n’a pas prévu la possibilité d’entreprendre des recherches sur le clonage thérapeutique, pourtant autorisées dans d’autres pays et dont le but n’a évidemment rien à voir avec le clonage reproductif.

Pour diverses raisons, la Fédération protestante de France (FPF) n’a pas été en mesure de se prononcer d’une manière précise sur la révision des lois de bioéthique, en particulier celles concernant le clonage thérapeutique. On peut le regretter d’autant plus que ses prises de position émises dans les années 80-90 avaient été particulièrement bien inspirées. Tout en appelant à la prudence et surtout à la responsabilité de la société dans son ensemble, la FPF avait soutenu ce qui est devenu aujourd’hui pratiques courantes mais qui, à l’époque, avait été vivement combattu par certains courants religieux : contraception, IVG dans le cadre de la Loi Veil, procréation médicalement assistée, diagnostic préimplantatoire, thérapie génique, etc. Autant de pratiques médicales envers lesquelles la théologie protestante estime ne pas avoir de réticences dès lors qu’elles sont appliquées avec mesure et discernement. Devant les avancées fulgurantes de la médecine et de la connaissance scientifique, il est souhaitable que le protestantisme se remette au travail et aborde l’ensemble de ces questions plus sérieusement. Dans les années à venir, il faut s’attendre à devoir répondre à d’autres questions plus délicates encore que celle du clonage thérapeutique (Lire notamment le remarquable petit ouvrage d’Henri Atlan, médecin et philosophe, L’utérus artificiel, Seuil). feuille

Geoffroy de Turckheim

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