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Numéro 189 - Mai 2005
( sommaire )

Carte Blanche

Hervé l’Huillier est président d’«Évangile et Société», association œcuménique et apolitique créée en 1976 et consacrée à la pensée sociale chrétienne; Hervé l’Huillier est catholique. Il souligne ici que beaucoup de chrétiens sont préoccupés devant une laïcité pour laquelle la vie du croyant relèverait du seul registre privé.

Pour une laïcité de coopération

Depuis quelques années, tout se passe comme si on avait choisi délibérément de minimiser tout ce que les chrétiens apportent à notre société, à savoir:

  • Une contribution historique à un ensemble de valeurs collectivement partagées, fondatrices de notre conscience française et européenne (fraternité, justice, paix, solidarité, dignité, …)
  • Un engagement concret, ancien, divers et largement répandu sur le territoire; qui touche tous les champs de la vie intellectuelle, économique, sociale et culturelle; qui s’exprime souvent dans les lieux où se concentrent les problèmes les plus graves de la vie sociale (pauvreté, toxicomanie, dérive des jeunes, abandon des vieillards, accompagnement de fin de vie, alphabétisation, handicap, …)

Cet apport, les chrétiens veulent continuer à le faire, seuls ou avec d’autres. Ils ont besoin que les pouvoirs publics en mesurent la portée et leur facilitent la tâche, sans y voir une démarche communautariste ou prosélyte.

Le souci de développer dans le concret un esprit de citoyenneté

Les chrétiens forment sans doute des communautés, mais des communautés ouvertes. Ils n’appliquent pas quasi machinalement des dogmes tombés du ciel. Leurs organisations consacrent au contraire du temps à repenser leur regard et leur action, se laissant guider par leurs racines bibliques («Qu’as-tu fait de ton frère?»), mais aussi par leur expérience historique et par les réalités concrètes rencontrées au quotidien. Il s’agit là d’une sorte de formation permanente à une citoyenneté responsable et exigeante.

Une vision de l’homme qui structure la conscience collective

Cette exigence de citoyenneté les incite à alerter les pouvoirs publics. Parce qu’elle s’éloigne d’une vision de l’homme que les chrétiens – entre autres – lui ont apportée (solidarité, initiative, responsabilité, …), en préférant une conception individualiste, consumériste, un peu passéiste, attendant beaucoup trop de l’État, la société française creuse ses fractures et accumule les handicaps. Exemples: la canicule de 2003, le développement des phénomènes addictifs, la difficulté à conduire des réformes qui semblent plus faciles dans d’autres pays. Précisément, en refusant de prendre en considération la contribution des chrétiens, en simplifiant jusqu’à la caricature leurs positions, ne prive-t-on pas la société des ressources qui lui permettraient de résou-dre une partie de ses problèmes et de tenir dans la mondialisation?

La France souffre-t-elle aujourd’hui d’un excès d’esprit religieux? Évidemment non. Il y a donc place pour l’invention d’une laïcité adulte, dans le cadre de laquelle les chrétiens pourraient normalement partager avec les pouvoirs publics leurs analyses et leurs ambitions. Concrètement qu’est-ce que cela veut dire?

1- La loi de 1905 est un élément fondateur du pacte républicain. Il ne s’agit pas de la remettre en cause, pourvu que son interprétation ne restreigne pas la liberté d’expression des chrétiens, mais s’inscrive dans la perspective d’une laïcité juste dont l’État serait l’instigateur et le garant. Les chrétiens, en effet, devraient-ils être les seuls à devoir se taire sur les grandes questions de la société française?

2- La société politique et les laïcs chrétiens ont des objectifs démocratiques convergents: l’école, l’action sociale et caritative, les projets culturels, l’aide aux familles, la protection de la jeunesse, etc. Dans tous ces domaines, l’État et les mouvements chrétiens peuvent travailler à se connaître et à mieux unir leurs efforts, dans le cadre d’une laïcité de coopération. Leurs relations devraient pouvoir être contractualisées – comme c’est déjà largement le cas pour l’école primaire et secondaire, dans une perspective de Bien commun.

3- Alors que chacun s’accorde à déplorer la perte des grands repères collectifs, le temps est venu d’œuvrer à la recherche d’une morale commune aux croyants et aux non-croyants, qu’une laïcité de dialogue pourrait promouvoir, et dont l’un des cadres pourrait être ces diverses commissions qui voient le jour et dans lesquelles les chrétiens sont notoirement sous-représentés. feuille

Hervé l’Huillier

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