Faut-il partir de lévidence
de nos acquis bibliques et théologiques, voire idéologiques
? Faut-il se lancer tout de suite dans la confession de ce Jésus-Christ,
et dans limplication de sa présence dans nos vies ? Ou
ne faut-il pas préalablement nous questionner sur ce que nous
croyons ou ne croyons pas, ou narrivons plus à croire,
de ce Christ ? Entreprise ni seulement biblique ni seulement théologique
pour recenser les manières de parler de Jésus-Christ,
de comprendre ses titres, danalyser sa mort et sa résurrection,
de concevoir sa personne, son rôle, sa nature, son avenir
mais entreprise également spirituelle et psychologique pour faire
état de tous les doutes, de toutes les questions, de toutes les
incertitudes qui nous ont assaillis à travers nos études,
lectures, prédications, conférences, discussions sur le
Christ Jésus. Alors doù partir pour parler du Christ
?
Pourquoi ne pas partir de nous-mêmes, sujets de
la foi en lui et des questions sur lui ? Chacun de nous na-t-il
pas une figure christique en lui-même, non dans un sens égoïste,
mais dans le sens où, la foi se vivant dans lhistoire et
dans le temps, cette figure chemine en nous pendant tout le cours de
notre vie ; figure esquissée, dessinée, parfois abîmée,
perdue, cachée, déconstruite, retrouvée
de
la même façon que tout cela sest aussi passé
au niveau des communautés, des Églises, et du christianisme
dans son ensemble. Alors nous pourrions retracer, de manière
un peu schématique, un parcours marqué par des étapes.
La première serait par exemple celle de la première
image qui sest imprimée en nous. Jésus guérissant
un lépreux, Christ dun porche roman, homme recevant le
baptême ou montant au ciel
parole et musique émouvante
dun cantique, quelle a été la scène primitive
de notre foi ? La première rencontre sensible ? Quel a été
ce Jésus-Christ qui, de manière consciente ou inconsciente,
a eu autorité sur notre cur denfant et nos premières
« bonnes actions » ?
Mais, seconde étape, comment lavons-nous
mieux connu, quel a été le Christ de notre apprentissage
: Jésus selon quatre évangiles, Jésus-Christ présenté
par la grande entreprise dogmatique chrétienne ? Comment avons-nous
reçu ou recevons-nous le Christ du christianisme, de lorthodoxie
chrétienne, dans ses variantes confessionnelles ? Accord ou désaccord,
lui trouvons-nous aujourdhui un intérêt intellectuel
et spirituel au point de lexpliquer encore à nos enfants
? Opposons-nous ou harmonisons-nous ce Christ au Jésus des évangiles
?
Ceci nous conduit à une troisième étape
: celle de la critique. Car un jour ou lautre le Christ appris
est mis en question, soumis au doute, à lexamen. Le simple
travail de la raison, interrogeant la crédibilité des
dogmes chrétiens, et même des récits évangéliques,
ou encore tous les outils fournis par les sciences bibliques, les sciences
humaines, ne font-ils québranler de vieilles croyances
ou de vieux dogmes ? Natteignent-ils pas le cur même
de notre foi en Jésus-Christ ? Sur quoi sappuie la foi
quand presque tout ce sur quoi elle sappuyait traditionnellement
est déconstruit ? La figure du Christ en nous nest-elle
pas comparable à un miroir brisé qui affole notre existence
tout entière ?
Ces questions nous entraînent alors vers la quatrième
étape, qui peut être pour certains celle de la reconstruction,
pour dautres celle de spéculations théologiques
inédites, ou encore celle dun renoncement théologique
en faveur de la seule éthique humanitaire ou sociale. Pourtant
une ultime question ne cesse de nous tarauder : est-ce Lui cet inconnu
qui nous rejoint quand même au bout de ce chemin ? Plus inconnu
que jamais peut-être, mais aussi plus intime que jamais : rabbi
racontant des histoires et soignant nos plaies, aimant les pauvres mais
aussi les riches, sage et juste comme un véritable craignant-Dieu,
sûr dun règne qui vient, frère tellement humain
quil a traversé tous les siècles à nos côtés
!
Alors dans notre vie ne prend-il pas, cet intime inconnu
nommé messie, lautorité de lami véritable
devant Dieu ? Et na-t-on pas de ce fait lenvie de faire
de nouvelles présentations, au cur du monde dans lequel
nous vivons en sa présence ?
Florence
Taubmann