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Numéro 189 - Mai 2005
( sommaire )

Regarder, Écouter, Lire

Livre : La mémoire de Servet et les libéraux

En 1553, Servet est brûlé à Genève à cause de son rejet de la doctrine trinitaire. Calvin porte une lourde responsabilité dans cette exécution. Cet épisode sinistre et criminel de l’histoire de la Réforme a beaucoup embarrassé les protestants et leur a été souvent reproché.

Entre 1903 et 1911, sont élevés quatre monuments qui rappellent Servet. Leurs intentions diffèrent : à Genève, des protestants entendent reconnaître leur faute et s’en dédouaner ; à Annemasse, des libres penseurs mettent en cause la religion ; à Paris, des nationalistes veulent lutter contre l’influence protestante ; à Vienne, des républicains insistent sur la tolérance civile. Valentine Zuber leur consacre un livre passionnant, Michel Servet entre mémoire et histoire, en y ajoutant un chapitre sur le souvenir de Castellion qui, à la grande fureur de Calvin, a protesté contre le bûcher de Servet.

Deux points dans ce livre concernent des protestants libéraux.

D’abord, le monument expiatoire de Genève soulève chez eux des réticences. La stèle à la fois condamne l’exécution de Servet et accorde des circonstances atténuantes à Calvin qui aurait commis «une erreur qui fut celle de son temps». Les libéraux auraient préféré une inscription qui condamne «toute contrainte en matière de foi») sans excuser Calvin.

Ensuite, ils s’efforcent de faire connaître Castellion. Après F. Buisson et E. Giran, S. Zweig écrit à la demande de J. Schorer, pasteur libéral à Genève, un livre, Conscience contre violence, publié en 1936, qui est un violent réquisitoire contre Calvin, dépeint comme un tyran (Zweig évoque implicitement la dictature nazie). Après la guerre, ce livre entraîne une vive polémique à laquelle participe, entre autres, notre ami H. Babel dans Le Protestant, l’équivalent suisse d’Évangile et Liberté.

Le livre de V. Zuber aide à connaître ce protestantisme libéral, ignoré et trop décrié, de la première moitié du vingtième siècle. Ce n’est pas son seul intérêt, mais cet aspect méritait d’être souligné dans nos colonnes. feuille

André Gounelle

Valentine Zuber, Michel Servet entre mémoire et histoire, Paris, Honoré Champion, 2004, 640 p., 100 €, ISBN : 2-7453-1071-2

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Livre : Les protestants et la guerre d’Algérie

Ce numéro du Bulletin de la SHPF est passionnant, non seulement pour ceux qui ont connu cette époque, mais aussi pour qui s’intéresse à la relation entre les convictions religieuses et les choix politiques. Il rassemble sept articles ayant fait l’objet d’une conférence en mars 2004 à la Faculté de théologie protestante de Paris. Après avoir rappelé quelles furent les positions des instances dirigeantes du protestantisme, le recueil analyse le comportement de trois journaux: «Réforme» témoignant de positions pluralistes; «Christianisme Social» ayant pris rapidement position contre la poursuite de la guerre; et «Tant qu’il fait jour» expression d’une minorité défendant, coûte que coûte, l’Algérie française.

Non seulement les tortures, mauvais traitements et exécutions sommaires avaient de quoi troubler la conscience chrétienne, mais aussi la guerre en elle même, comme expression désespérée d’un colonialisme déclinant. Des témoignages d’aumôniers militaires, de certains protestants sur place, d’équipiers de la CIMADE poursuivent cette rétrospective et la rendent plus vivante.

Relecture d’une difficile période de notre histoire récente. Mais surtout exemple de confrontation entre les exigences éthiques du christianisme et les choix politiques des gouvernements. feuille

Henri Persoz

Les protestants et la guerre d’Algérie. Bulletin de la SHPF, Tome 150 (Oct., Nov., Déc. 2004), 14€; commander à la SHPF.

La SHPF ?

Ces initiales désignent la Société de l’Histoire du protestantisme français. La vocation première de la SHPF, fondée en 1852, est la publication d'un périodique, le Bul-letin de la SHPF. Consacré à l'histoire du protestantisme en France et dans les pays du Refuge, le Bulletin, trimestriel depuis 1914, est aujourd'hui l'un des plus anciens parmi les revues des sociétés savantes. Au-jour-d’hui, les buts de la SHPFrestent: Re-cher-cher, étudier, faire connaître tout ce qui concerne l’histoire des Églises protestantes de langue française entre les XVI et XIXe siècles.

La SHPF organise des colloques savants sur des sujets intéressant l’histoire du protestantisme français ainsi que des conférences dans ses locaux parisiens où se trouvent un Musée et la Bibliothèque (150.000 imprimés du XVIe au XXe siècle, 20.000 pièces de manuscrit, 1.700 titres de périodiques) dont le catalogue est informatisé depuis 2002.

SHPF, 54, rue des Saints-Pères 75007 Paris.
Tél. : 01 45 48 62 07. Fax : 01 45 44 94 87
Ouverture du lundi au vendedi de 14h. à 18h., le jeudi de 10h. à 18h. Fermeture: 1 semaine à Noël, 1 semaine à Pâques du 1er août au début septembre.

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Cinéma : Le Silence

Le petit Johan est dans un train qui fait un bruit sourd et continu comme un souffle maladif humain. Il se frotte les yeux et découvre le soleil se lever derrière les montagnes, puis un train dont les plates-formes des wagons portent des tanks! Avec lui se trouvent deux femmes: Anna sa mère et Esther sa tante, gravement malade.

L’atmosphère est tendue, mystérieuse et irrespirable; les quelques mots donnent l’impression d’un langage vide de sentiment et de sens car les deux sœurs vivent à côté l’une de l’autre, sans compréhension mutuelle comme porteuses de leur enfer personnel.

Johan regarde à l’extérieur comme pour échapper à cette ambiance mais le train traverse un paysage de fin du monde, arrive dans une ville étrange sur laquelle semble peser la menace d’un cataclysme. Privé de dialogue, prisonnier de cet environnement, abandonné à lui-même, l’enfant va rechercher une voie compensatrice: il va s’évader par l’imaginaire et le jeu. Ainsi il explore les méan-dres de l’hôtel dans lequel ils se sont réfugiés et décou-vre ce monde obscur tissé de tant de signes. Ce monde qu’il ne demande qu’à fuir car l’hôtel est comme un corps empoisonné et dehors ce n’est qu’angoisse et danger.

C’est le point de vue de Johan qui nous est donné dans ce film et de toute évidence celui d’Ingmar Bergman revoyant son enfance C’est l’absence de communication entre les êtres, c’est le silence de notre bruyante société dans laquelle le langage a souvent perdu de son sens et ne sert que trop rarement à se comprendre si ce n’est trop souvent à se combattre. C’est le silence imposé par le père (Erik Bergman): lorsqu’un enfant était puni on ne lui adressait plus la parole jusqu’à ce qu’il se repente! C’est aussi le silence du Père: Dieu est hors champ, «en creux», et le réalisateur crie son silence de façon oppressante!

Un chef-d’œuvre qui résonne encore avec force aujourd’hui. feuille

Pierre Nambot

Ingmar Bergman, Le Silence, DVD, réf. EDV 701, coll. «Les Films de ma vie».

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Notre Couverture : Norbert Ghisoland

Norbert Ghisoland naît en 1878 à La Bouverie, dans le Borinage, cœur du noir pays minier belge frontalier avec la France. Son père est mineur de fond mais mettra tout en œuvre pour que ses enfants connaissent un sort meilleur. Il destine son fils aîné au métier de photographe et acquiert au prix de sacrifices le matériel nécessaire. Mais ce fils meurt accidentellement et Norbert «hérite» du matériel. Il apprend le métier en travaillant de 1897 à 1900 chez Charles Galladé, un photographe établi à Mons.

Norbert fait partie d’une des fa-milles protestantes qui habitent cette région qui abrita des Français fuyant à la Révo-cation. C’est dans cette région que Vincent van Gogh prêchera entre 1878 et 1880 entre Pâtu-rages et Cuesmes.

Norbert installe son studio en 1902 dans la Grand’Rue de Frameries et de-vient un notable apprécié dans sa petite ville. Il y épouse en 1911 Sarah Vanfrancken, darbyste comme lui. Il décède d’une crise cardiaque en 1939. Son assistant Pol Wauquier maintient le studio en activité jusqu’à la démobilisation d’Edmond, leur fils.

Le studio du photographe est à cette époque un passage obligé pour les événements de la vie. On y mène les nouveaux-nés, les premiers communiants, les vainqueurs de compétitions sportives, les familles entières pour la naissance d’un dernier rejeton,… Le décor, qui nous paraît aujourd’hui tellement convenu et désuet, veut mettre les modèles en valeur et, pour les moins favorisés d’entre eux, les élever dans la hiérarchie sociale. Ce qui frappe chez Ghisoland, c’est la bonté du regard qu’il pose sur ses modèles, le respect avec lequel il les représente et les magnifie. La naïveté ou la timidité du sujet ne l’écrasent plus, elles le grandissent sous l’œil bienveillant de celui à qui ils ont confié leur image.

45000 des 90000 plaques négatives environ qu’il a réalisées ont été détruites en 1953. Sans doute aurait-on perdu le reste de ce patrimoine si son petit-fils, Marc Ghuisoland, lui-même photographe, ne s’était chargé depuis 1969 de sauver tout le matériel encore existant. L’attention que les galeristes et éditeurs Jacques Damase et Robert Delpire portent au travail de ce «Doua-nier Rous-seau de la photographie» font qu’il est aujourd’hui reconnu. Damase publie en 1977 un magistral catalogue raisonné 1910-1930 et Delpire organise une grande exposition au CNP en 1991 et lui consacre un petit livret dans la collection «photo poche» (n°48). Les éditions La Lettre volée à Bruxelles publient en 2002 le catalogue d’une exposition qui s’est tenue au Mundameum de Mons. L’introduction écrite par Alain D’Hooghe en est remarquable. feuille

P. F. v. Dieren

Marc Ghuisoland propose dans les «carnets de bord» de www.lautresite.com le récit de son travail de restauration

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