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DIRE LA PAROLE

par le pasteur Pierre Joudrier

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Chapitre V : SIGNES, ou bien MIRACLES ET SACREMENTS

Ces trois noms suscitent en nous de nombreuses questions auxquelles nos différentes traditions théologiques, croyances ou pratiques religieuses, ont apporté des réponses présentées comme étant la vérité absolue, ce qui prive ou dispense les fidèles d'une réflexion ou d'une analyse objective…

Par exemple, dans un dictionnaire théologique récent, l'article « Miracles » est introduit ainsi : « Aucun mot de l'Hébreu ou du Grec biblique n'est superposable à « miracle » compris comme une exception aux lois de la nature et attribuée à la divinité parce qu'inexplicable autrement ». Suite à cette affirmation, neuf colonnes dans lesquelles on ne parle que de miracles sans se poser la moindre question !

Même si le retour à l'enseignement de « l'Écriture Seule » exige de tous des révisions douloureuses, ce retour apparaît cependant comme l'unique voie conduisant à une Unité que le Seigneur a demandée pour son Église (Jean 17).

Il y a fort longtemps, alors que se développait tout un vocabulaire nouveau à partir de la racine sem-, j'avais ouvert un dossier intitulé « Séméiologie biblique ». Par la suite, j'ai découvert que ce terme était déjà utilisé en médecine pour définir l'étude des signes cliniques permettant aux praticiens de poser un diagnostic.

En linguistique, on a préféré le mot « sémiologie » pour tout ce qui concerne la science des signes. Pour la recherche biblique, l'emploi du mot « séméiologie » permettrait de distinguer cette étude de celle des sciences du langage.

Pour prendre conscience des distinctions qu'il convient d'opérer entre des mots que nous assimilons à celui de Signe, il est nécessaire de revenir à leur signification première.

Le nom « miracle » en offre un bon exemple…

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Introduction :

-Absence de miracle dans l’Écriture.

Ce mot est issu d'un verbe latin Miror qui signifie « être étonné », d'où le sens d' « ad-mirer » ou de regarder avec « ad-miration ».

Ce verbe donnant en français « mirer », le miracle est donc une chose que l'on « mire », que l'on « admire », que l’on regarde avec « ad-miration », une chose « merveilleuse », adjectif issu de la même racine !

Tous ces termes renvoient à la personne qui tourne ses regards vers cette chose « étonnante, merveilleuse, qu'elle admire » et que l'on va nommer « miracle » vers le XI° siècle ap. J.C.

Or le sens que nous donnons aujourd'hui à ce mot ne se trouve ni en hébreu, ni en grec, ni dans le latin biblique ! Les termes employés dans l'Écriture renvoient à l'auteur du « signe » ou à la manifestation de sa toute puissance. Le plus souvent il s'agit de Dieu Lui-même.

Le « signe » n'est donc pas donné pour que l'homme l'admire, s'en étonne ou s'en émerveille, mais pour qu'il le perçoive et s'efforce de saisir la signification du « signal » que le Seigneur lui adresse.

Dans les Évangiles, à plusieurs reprises, les foules sont « étonnées à la vue des choses merveilleuses accomplies par Jésus ». Ces mêmes foules pourtant se retourneront contre lui et chercheront à le faire périr (Luc 4, 22-29) ou bien réclameront sa mort : « Ôte, ôte ! crucifie-le... nous n'avons d'autre roi que César » (Jean 12, 12-19 ; 19, 14-16).

Le « miraculeux » qu'on admire, que tant de personnes recherchent, n'a aucune efficacité réelle pour susciter ou affermir une foi confiante en Christ. Ceci était déjà vrai pour ses disciples : « Depuis si longtemps je suis avec vous et tu ne me "connais" pas, Philippe ? » (Jean 14, 9).

De plus, si le doute s'insinue, alors l'exaltation provoquée par le « miracle » s'écroule et l'on rejette avec violence celui que l'on admirait.

C'est pourquoi Jésus, à plusieurs reprises, demande à ceux qui ont reçu le signe d'une guérison divine de n'en rien dire à personne !

On notera que l’Évêque de Lourdes a interdit en février 2006 l’emploi du mot « miracle » pour une guérison reçue dans la foi…

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-Exigences du signe

Il en est tout autrement d'un signe tracé pour être comme un signal sur le chemin de notre existence afin de nous « signaler » ce qui est essentiel pour notre vie.

Le plus souvent le signe est inerte, immobile, muet et totalement dépourvu de « pouvoir ». C'est pourquoi sa présence réclame des passants que nous sommes trois exigences fondamentales :

1- voir le signe, ce qui demande attention et vigilance de notre part.

2- savoir lire le signe et en saisir la signification, comprendre ce qu'il est chargé de nous dire, d'où la nécessité d'un apprentissage de cette lecture.

3- prendre une décision, positive ou négative, par rapport à l'information ou à la Parole véhiculée par le signe, décision dont peut dépendre notre vie ou notre mort, ou celle des autres.

Par exemple le panneau « STOP » qui orne nos croisements de route n’a rien d'une « admirable » oeuvre d'art ! II n'est pas placé là pour provoquer notre émerveillement ! Quelqu'un l'a mis là pour provoquer en nous une réaction salutaire…

Cette analyse peut s'appliquer à tout signe véritable, depuis ceux de la signalisation routière auxquels nous sommes confrontés chaque jour, jusqu'aux signes les plus « sacrés » de la Révélation.

-De l’invention du sacrement, ce signe

Dans les textes fondamentaux des Églises Chrétiennes, on trouve en effet le mot « signe » en relation avec le mot « sacrement ». Ainsi, pour l’Église Romaine, le « sacrement de la Loi Nouvelle est un Signe sensible, institué par Jésus-Christ pour « signifier » une grâce et la « conférer » à ceux qui reçoivent dignement ce sacrement ».

« C'est là le sens de l'affirmation de l'Église : les sacrements agissent ex opere operato » (Concile de Trente, DS 1608).

L'emploi du verbe « conférer » introduit dans cette définition une notion d'efficacité qui, en aucun cas, ne peut être attribuée au signe lui-même.

Certains Réformateurs ont défini les sacrements comme étant des « signes visibles de la grâce invisible de Dieu », définition proche de celle de Saint Augustin pour qui « les sacrements ne sont que des signes et non des moyens de salut ».

Ces affirmations montrent clairement qu'on ne peut séparer l'étude des « signes » dans l’Écriture, de celle des « sacrements », mot introduit vers 1160 dans le vocabulaire de l'Église.

Les spécialistes reconnaissent d’ailleurs que « ni le mot, ni son sens, ne figurent dans le Nouveau Testament, car il ne connaît pas encore ce concept de sacrement qui nous est familier. On ne le connaîtra pas avant le Bas Moyen Age ».

Il est étonnant de constater que ce mot de « sacrement » tel que nous l'entendons, et qui est à l'origine de tant de nos divisions, n’est même pas un terme biblique !

Ainsi les deux mots « miracle » et « sacrement », venus du latin, ne correspondent en rien, quant à la signification profonde que nous leur donnons en français, aux termes employés par l'Écriture, que ce soit en hébreu, en grec ou en latin. Si nous voulons, comme nous le prétendons, nous laisser instruire par l'Écriture et par elle seule, il est nécessaire de bien comprendre la signification des mots utilisés par les écrivains bibliques pour pouvoir traduire ce qu'ils saisissaient de la Révélation, et cela avec l'aide de l'Esprit, tout en nous souvenant que ces mots ne sont eux-mêmes que des signes ou des signaux qui jalonnent notre parcours spirituel.

Pour simplifier cette recherche très complexe, nous partirons des principaux termes grecs ayant servi à rendre des mots hébreux que l'on a traduits en français par « signe, prodige, merveille ou miracle ».

I- Analyse du « signe » dans les Écritures :

-A- Le « signe » dans l’Ancien Testament :
-Sêmeion

101 occurrences dans la LXX. Ce mot n'a pas d'autre sens que « signe ». Il sert à traduire 8 termes hébreux dont certains sont rendus par « miracle » en français. Les principaux sont :

1° : 'OT : 81 occ. 78 fois traduit par sêmeion. Par exemple dans Genèse 1, 14, les luminaires des ciels servent de « signes » pour rythmer la vie des hommes : leurs travaux, leurs fêtes et leur adoration. Le « signe » mis sur Caïn (Gen.4, 15) destiné à le préserver de la spirale de la vengeance. L'arc-en-ciel (Gen. 9, 12 ss), premier signe d'une Alliance scellée par Dieu en faveur de tous les vivants de la Terre. La circoncision (Gen.17, 11), signe d'une Alliance personnelle entre Dieu et chacun des enfants mâles constituant son peuple.

Lorsque le peuple d'Israël sera enfin libéré de l'esclavage égyptien, cette libération sera, pour Moïse, le signe que c'était bien Yavhé qui l'avait envoyé accomplir cette mission. (Exode 3, 12). Avant cette libération, de nombreux signes seront donnés à Pharaon et au peuple d'Israël. Ces signes sont toujours présents dans la mémoire de ce peuple et certains ont été conservés par l'Église chrétienne. Il en est ainsi du sang de l'agneau Pascal mis sur les bois de la « Porte » par laquelle chaque famille juive passera de l'esclavage vers la libération (Ex.12, 13). Ce sang deviendra comme un « signe » du Sang de « l'Agneau de Dieu qui ôte la faute du Monde » (Jean 1, 29 ; 1 Pierre 1, 18-19).

De même pour le pain azyme que mangent les Israélites pendant les 7 jours de la fête commémorant la sortie d'Égypte. Ce pain sans levain, souvenir d'un pain fait à la hâte au moment de la première Pâque, « est pour toi un signe sur ta main, un souvenir entre tes yeux, pour que la Torah de Yavhé soit dans ta bouche » (Exode 13, 9).

Jésus fera de ce pain le « signe » de son corps donné pour nous et que nous mangeons en mémoire de lui et de cet amour dont il nous a aimés (cf. Jean 15, 13).

Le respect absolu d'un Sabbat fait pour l'homme -et non l’homme pour le sabbat (Marc 2, 20)- est le signe d'une reconnaissance de l'oeuvre créatrice de Dieu (Exode 31, 17), mais aussi le mémorial de la libération de l'esclavage (Deutéronome 5, 15).

Les 12 pierres retirées du lit du Jourdain sont édifiées sur la rive « en signe et en mémorial », pour les générations futures, de l'entrée du peuple libéré et gracié, dans la Terre Promise (Josué 4, 6). Et plus tard Ésaïe emploiera les mots de « signe donné par Yahvé » pour annoncer la venue de l'Enfant qui naîtra d'une nubile et portera le nom de « Dieu avec nous », parole reprise par le messager de Yahvé pour convaincre Joseph de ne pas répudier Marie (Ésaïe 7, 14 ; Matthieu 1, 23).

On ne peut citer toutes les occurrences de ce mot « signe ». Ces quelques exemples illustrent bien la diversité et la richesse de significations spirituelles contenues dans ce mot 'OT : « libération, grâce, salut, bienveillance, amour de Dieu pour son Peuple et espérance pour le Monde ».

L'importance exceptionnelle de ce nom n'a pas échappé aux traducteurs de la Septante et de la Vulgate. En effet ils traduisent ‘OT, sans exception, par sêmeion en grec et par signum en latin, sauf en Ézéchiel 14, 8.

Or que découvrons-nous dans nos versions françaises ?

Une seule, « La Tour de garde », traduit 'OT uniquement par « signe ».

Louvain et A. Chouraqui n'ont qu'une seule exception. La Pléiade emploie 4 termes différents, la Colombe : 5, la TOB et Genève : 6.

Sans scrupules, le Français Courant en emploie 41, le Rabbinat 40, Sacy 37, Crampon et Jérusalem 20 !

On trouve le plus souvent dans nos versions « prodige », parfois « miracle ».

L’on s'écarte profondément du sens originel en le traduisant par « preuve », car un signe n'est jamais une « preuve » ou bien par « symbole », mot qui signifie « réunir ensemble », à l'inverse du « diabolos » qui, lui, divise.

On rencontre également « présage » dont la racine signifie « avoir du flair », ce qui est très exactement le contraire d'un signe donné à l'homme afin de l'avertir !

Il conviendrait de s'interroger sur ces 45 interprétations différentes, en français, d’un unique mot hébreu traduit en grec et en latin par le seul mot « signe ».

On peut supposer que nous ne percevons pas, dans notre langue, toute la richesse spirituelle de ce concept qui est pourtant, avec la Parole, au cœur de la relation de Dieu avec son Peuple.

D’autre part on peut constater que le sens premier de sêmeion s’enrichit dans la mesure où il a été utilisé par la Septante pour traduire d’autres mots hébreux.

2°- MoPèTh : 38 occ. Ce nom est construit sur une racine signifiant « être beau » (Cantique 7, 7). D'où les traductions par « merveille », « prodige », « miracle », les plus employées en français. Par exemple : « Vois tous ces prodiges - ou miracles - que j’ai mis dans ta main » (Exode 4, 21 ; 11, 10). Ce mot renvoie le plus souvent à la libération de l’esclavage en Égypte. Cette délivrance apparaît comme étant le signe de la fidélité de Yahvé à son Alliance et de son Amour envers son Peuple.

Mais il appartient à chacun de discerner ce que ce signe peut signifier pour lui afin de vivre de la grâce qui lui a été faite. Or, très rapidement, un certain nombre de ces hommes libérés ont oublié les signes qui leur avaient été donnés et se sont détournés de leur Dieu Sauveur (Psaume 78, 40).

A huit reprises le mot MoPèTh sert à qualifier un homme. Dieu s’adresse ainsi à Ézéchiel : « Dis-leur : Je suis votre prodige » (Ézéchiel 12, 6 et 11 ; 24, 24 et 27). Également Ésaïe 8, 18 ; 20, 3 ; Zacharie 3, 8.

La LXX traduit le plus souvent ce mot par téras et 4 fois par sêmeion.

Plusieurs versions françaises le traduisent parfois par « miracle ».

Seules celles d'Osty, TOB et A. Chouraqui n’emploient jamais « miracle ».

3°- NèS : nom traduit par sêmeion dans 9 de ses 21 occurrences. On lui donne les sens de « voile, étendard, merveille et miracle ». Moïse nomme l’autel qu’il bâtit après sa victoire de Réphidime : « Yahvé-Nissi », c'est-à-dire « Yahvé mon étendard » (Exode 17, 15).

Le plus souvent, ce mot exprime l’idée de « signe d’avertissement » en particulier destiné aux Nations. Le texte ayant pour nous la signification la plus profonde concerne le serpent d’airain : « Fais-toi un serpent brûlant et élève-le en signe. Quand un serpent a mordu un homme, celui-ci regarde avec attention le serpent brûlant et il vit » (Nombres 21, 8-9).

Jésus fera un rapprochement très précis de ce « signe » avec sa propre élévation sur le bois de la Croix. Il oppose ce signe parfait de l’Amour de Dieu pour le Monde aux signes sur lesquels Nicodème pensait pouvoir fonder son « Savoir » à propos de la personne de Jésus (Jean 3, 2 et 14-16).

4°- TaV : ce mot ne compte que 3 occurrences. Il est issu d'une racine évoquant le fait de « graver des signes ». On le traduit par « signe, signature ou signe d’alliance ».

Il est le support de la dernière lettre de l'alphabet hébreu. C’est pourquoi il a le même sens symbolique que l’Oméga grec. On peut lire la déclaration d’Apocalypse 1,8 ainsi :

« Moi, l'Aleph ; moi le Tav » !

Dans l’ensemble des alphabets les plus anciens, le tav est représenté par deux bâtons réunis en croix. D'abord inclinés en X, puis redressés, tel qu’on le retrouve aujourd'hui dans notre T majuscule.

« En plus de l'idée d'alliance, il y a dans le Tav une idée de perfection, ou de chemin de perfection, c'est-à-dire de perfectibilité. Perfection mais aussi achèvement et mort » (Les mystères de l'Alphabet).

On retrouve cette idée dans les signes que David trace sur les montants de la porte lorsqu'il simule la folie (1 Samuel 21, 14) ; dans les signes donnés à l’Égypte (Psaume 78, 43) ; et particulièrement dans la vision d'Ézéchiel, concernant ce signe que l'homme vêtu de lin trace sur le front des hommes de Jérusalem qui gémissent, et qui seront, grâce à ce signe, sauvés de la destruction (Ézéchiel 9, 4-6).

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- Dunamis

395 occurrences. Ce mot grec sert à traduire 25 mots hébreux. Il exprime la puissance, le pouvoir, « la puissance de Dieu en acte ».

C'est le terme choisi par Nobel pour nommer son invention : la dynamite !

Ce mot est particulièrement intéressant car, dans le Nouveau Testament, il est souvent traduit par « miracle ». Or ce sens ne se retrouve dans aucun des mots hébreux qu'il traduit !

Les plus fréquents sont :

1- HaIL : 167 occ. C'est « la force, la puissance », parfois « la richesse » (Ézéchiel 28, 4-5) ou même « l'armée des cieux » (Daniel 4, 32).

2- TSaBa : 463 occ. Il désigne principalement « les armées » : celles d'Israël, ou étrangères, mais aussi celles des Cieux (Ésaïe 34, 4). Ce nom est également associé à celles de Yahvé et que nous traduisons par « l'Éternel des Armées ».

Parfois ce mot hébreu peut exprimer l'idée de « service ». Ainsi pour Job : « C'est tout le temps de sa vie de service » (14, 14).

3- ‘oZ : 94 occ. Il est traduit 23 fois par dunamis. Ce mot se trouve seulement dans les Psaumes et une fois dans 1 Chroniques 13, 8. Il est traduit par « force » ou « puissance », le plus souvent celle de Dieu : « Yahvé, mon Seigneur, puissance de mon Salut » (Psaume 140, 8).

4- GiBoRaH : 63 occ. Il est traduit 16 fois par dunamis. Il exprime l'idée de « force » ou de « puissance », en particulier celle de Dieu : « D'âge en âge on loue tes oeuvres et on proclame les oeuvres de ta puissance ». (Psaume 145, 4)

- Téras

41 occ. Ce mot a pour sens : « signe extraordinaire, généralement envoyé par les dieux, d'où sa traduction par « prodige », parfois « miracle ». Le plus souvent il sert à traduire l'hébreu MoPèTh. Il est employé 16 fois dans l'A.T. et 16 fois dans le N.T. en association avec sêméion, d'où cette formule de nos versions : « signes et prodiges ».

On le trouve 19 fois pour évoquer les prodiges accomplis par Yahvé lors de la libération d’Égypte. Mais un homme, ou un prophète, peut être un « prodige » donné par Yahvé à son Peuple. Par exemple le Psalmiste : 71, 7 ; Ésaïe lui-même et ses enfants ; ou Ézéchiel 12, 6 ; 24, 24 et Zacharie 3, 8.

-Thaumasios

48 occ. « Ce qui est merveilleux ou étonnant ». II est issu d'une racine signifiant « regarder, contempler ». Elle donne en français : théâtre, thaumaturge, théorie…

Cet adjectif sert à traduire plusieurs termes hébreux, principalement issus de la racine PL'.

Par exemple PêLê' : 13 occ. « prodige, merveille » , souvent traduit par « miracle » en français.

Comme le remarque la « Bible d'Alexandrie », la LXX crée son propre système lexical pour parler des « merveilles » de Dieu, en faisant de ces adjectifs des noms : 37 fois pour 47 occurrences. A. Chouraqui traduit ainsi Juges 13, 18 : « Pourquoi cela, me questionnes-tu sur mon nom ? Il est ‘’merveille’’ ».

Certains textes mettent en lumière la fragilité des signes ou des merveilles, même les plus évidents : « Ils refusèrent de marcher dans sa Torah, oubliant ses agissements et les merveilles qu'il leur avait fait voir » (Psaume 78, 11).On peut rapprocher ce texte de Nombres 14, 11 : « Jusqu’à quand n’adhéreront-ils pas à moi, avec tous les signes que j'ai faits en son sein ? ». D'autres, par contre, expriment leur louange et leur reconnaissance pour toutes ses merveilles : « Je te rends grâces, Yahvé, de tout mon cœur, je raconterai tes merveilles » (Psaume 9, 2).

« Je te célèbre, parce qu'en prodiges je suis fait de merveilles. Merveilleuses sont tes oeuvres ; mon être le pénètre bien ». (Psaume 139, 14).

Le verset 5 du Psaume 145 apparaît riche d'un enseignement que la presque totalité de nos versions ne traduisent pas, influencées par le texte de la LXX ou de la Vulgate, sans doute fondé sur un texte hébreu différent. Fait exceptionnel, 24 versions nous en donnent des interprétations quelque peu différentes les unes des autres.

Seul A. Chouraqui conserve le mot à mot de l’hébreu :

« Magnificence et gloire de ta majesté ! Je m’extasie aux paroles de tes merveilles ».

Plutôt que « Je m’extasie », on peut préférer, avec plusieurs spécialistes : « Je médite », traduction que l’on trouve dans la Colombe et la Synodale.

Comprise ainsi, on retrouve dans cette confession le lien profond existant entre les « merveilles » de Yahvé et la « Parole » qu’Il veut nous faire entendre à travers les signes qu’Il nous donne de sa puissance ou de sa grâce, et sur lesquels il est bon que nous méditions.

Au lieu de « Je raconterai », « Je chanterai », « Je répèterai » ou « Je discourrai » sur les merveilles de Dieu, le Psalmiste médite la Parole qu’il perçoit dans ces merveilles. Dans l’agitation de notre monde, le Psalmiste nous invite à prendre du temps afin de discerner les merveilles de Dieu et de méditer sur la Parole que les signes véhiculent, et afin de saisir à travers eux la Gloire et la toute Puissance du Créateur.

Thaumasios a été utilisé pour traduire une fois les mots ‘OT (Nombres 4, 11) ; TéMaH (Habacuc 1, 5) ; et en particulier MoRa’, dans le texte qui conclut le Deutéronome : « Il ne s’est plus levé de prophète en Israël semblable à Moïse, lui que le Seigneur connut face à face, avec tous les signes et les prodiges que le Seigneur l’avait envoyé faire au pays d’Égypte à l’égard de Pharaon, de ses serviteurs et de tout son pays, les grandes merveilles et la main puissante, ce que Moïse fit en face de tout Israël » (34, 10-12 ; traduction Bible d’Alexandrie).

D’autres termes grecs ont servi à traduire certains mots hébreux que nous avons cités, par exemple : Phobos ; Endoxos ; Ergon ou Paradoxos, mais ils ne semblent pas apporter d’éléments importants à la notion de « signe ».

D’ailleurs, il apparaît bien difficile d’épuiser la richesse de ce mot qui a été particulièrement négligé par les théologiens. Pour preuve, ces quelques 45 mots ou expressions utilisés en français pour traduire ces uniques ‘OT hébreu, Sêmeion grec et Signum latin !

-Approfondissement

Essayons cependant d'approfondir cette intuition et cette réflexion spirituelles d'Israël exprimées par ce mot de « signe ».

-De quatre « signes »

« Signe » premier : « les Luminaires des Ciels », destinés à être des signes rythmant le travail, le repos et le bonheur des humains. Ils sont donnés en signes pour nos fêtes, nos assemblées, nos jours et nos années. Ils ne sont, en rien, des signes déterminant notre destin comme tant d’hommes et de femmes le pensent encore aujourd’hui, pour le plus grand profit de ceux qui exploitent ce petit commerce lucratif. Il est évident que cette recherche astrologique a existé de tout temps, comme le montrent les exhortations de Moïse à son Peuple, libéré de l’esclavage égyptien : « rappelez-vous bien, votre vie en dépend ! Non, vous n’avez pas vu la moindre image le jour où, au milieu du feu, Yahvé vous a parlé à Horeb… vous vous perdriez si, levant les yeux vers le ciel et contemplant soleil, lune, étoiles et toute la milice des ciels, tu t’égarais jusqu’à t’aplatir devant eux et à les servir, eux que Yahvé a donnés en partage à tous les peuples sous les cieux » (Deutéronome 4, 15-19).

L’accent est mis sur l’écoute de la Parole qui, seule, peut nous écarter de l’asservissement aux éléments de la Création.

Cette mise en garde se retrouve dans la complainte d’Ésaïe sur Babylone : « Qu’ils se dressent donc et qu’ils te sauvent, ceux qui divisent le ciel, ceux qui observent les étoiles et font connaître, chaque lune, ce qui doit t’arriver. Voici, ils seront comme de la paille et un feu les brûlera » (Ésaïe 47, 13).

« Les cieux racontent la Gloire de Dieu et le firmament rapporte l’œuvre de ses mains » (Psaume 19, 2). Ils sont autant de signes qui nous signifient sa Toute Puissance et nous « parlent, sans dire et sans parole », de son Amour pour nous.

Mais l’homme en dévie la signification ou n'en tient aucun compte.

Le second signe concerne Caïn et sa descendance. Afin d’empêcher la spirale meurtrière de la vengeance, « Yahvé met un signe sur Caïn pour que quiconque le rencontre ne le frappe pas ».

On ne sait rien de ce signe, mais il devait être reconnaissable et assez dissuasif pour arrêter le bras d’un « vengeur du sang », sinon Caïn aurait été vengé sept fois.

Ce signe sauvegarde donc la vie qui appartient à Dieu seul. Mais cinq générations plus tard, il sera tenu pour rien par Lémec. Celui-ci prend deux épouses et leur dit : « Écoutez ma voix ! J’ai tué un homme pour une blessure, un enfant pour une meurtrissure. Oui, Caïn sera vengé sept fois, mais Lémec soixante-dix sept fois » (Genèse 4, 23-24).

Ainsi s’amorcent dans le cœur des hommes la négation et le rejet des signes que Dieu a tracés pour préserver leur bonheur. De même aujourd’hui, bien des signes sont tenus pour rien, comme de « griller » un feu rouge avec toutes les conséquences que l’on sait.

Le troisième signe est donné aux hommes après la catastrophe du déluge. Le nom de Noé peut signifier « celui qui donne du repos » ou « qui console ». Aquila le traduit par le verbe qui donne le nom de « Paraclet », terme employé dans le Nouveau Testament pour désigner le Consolateur ou le Saint-Esprit (Jean 14, 16 et 26).

Par l’obéissance de Noé et sa confiance en la Parole qu’il a perçue, une petite part de la Création va être sauvée, comme à travers l’eau du déluge, dans une arche de bois (I Pierre 3,20). En sortant de cette arche, Noé exprime sa reconnaissance en offrant un holocauste. Yahvé en perçoit l’odeur apaisante et dit : « Je ne maudirai plus la glèbe à cause du glébeux, car les penchants du cœur de l’homme sont un mal dès sa jeunesse… J’établis mon alliance avec vous, nulle chair ne périra plus par les eaux du déluge. Mon arc, à la nuée je l’ai donné. Il est le signe de l’Alliance entre Moi et la Terre » (Genèse 8, 21- 9, 17).

Si le troisième signe est donné à la Terre entière, la quatrième, au contraire, est le signe de l’Alliance de Dieu avec Abraham et tous les enfants mâles de sa descendance qui constitueront son Peuple. Vraisemblablement, d’autres peuples que les sémites pratiquaient la circoncision, sans doute avant l’Age du bronze, d’où l’utilisation de silex pour cette opération dont on ne connaît pas les raisons profondes. L’originalité de ce signe donné à Abraham vient de ce qu’il est étroitement lié à la foi du Père des croyants.

En effet, l’ordre de pratiquer la circoncision est donné à Abraham en « signe d’Alliance » entre Dieu et Abraham et toute sa descendance, avant même l’annonce de la naissance d’un fils dont le nom sera Isaac, c'est-à-dire « celui dont on rit », de joie pour Abraham, de dérision pour Sara : « usée comme je suis, aurais-je encore du plaisir ? Et mon seigneur est si vieux ! ». Yahvé dit à Abraham : « Pourquoi ce rire de Sara ? » Mais Sara nie en disant : « Non, je n’ai pas ri ». « Si, tu as ri ». D’où le nom d’Isaac.

La circoncision sera donc un signe visible, inscrit dans sa chair et qui scellera la foi d’Abraham en la toute puissance de son Dieu qui donne la Vie.

Saint Paul, dans sa Lettre aux Romains nous rappelle qu’ « Abraham espéra contre toute espérance et devint ainsi le père d’un grand nombre de peuples… Il ne perdit pas confiance et ne douta pas de la promesse de Dieu » (4, 18-20). « Le signe de la circoncision lui fut donné comme sceau de la justification reçue par la foi, alors qu’il était encore incirconcis » (4, 11).

Ainsi les « fils d’Abraham » sont enfants de Dieu, non par nature, mais seulement par grâce.

La circoncision est le signe visible de cette alliance scellée dans la foi et signifiée dans la chair.

Il serait injuste de penser que cette lecture du signe de la circoncision vienne d’une interprétation chrétienne.

Pour Israël, le sens de la circoncision dépasse le cadre d'un acte de pureté rituelle. L’auteur du Deutéronome rapporte ces paroles adressées par Moïse à son Peuple : « Et maintenant, que te demande Yahvé sinon de frémir de Lui, d'aller sur toutes ses routes, de l'aimer et de le servir de tout ton coeur et de tout ton être ? Circoncisez le prépuce de votre coeur et ne durcissez pas votre nuque » (Deutéronome 10, 12-16).

De même au chapitre 30, 6 ou bien dans Jérémie 4, 4 : « Soyez circoncis pour le Seigneur, ôtez le prépuce de votre cœur ». Cette image s'applique également aux oreilles : « Qui écoutera mes paroles ? Hélas ! leur oreille est incirconcise » (Jérémie 6, 10) ; ou bien aux lèvres : Moïse répond à Yahvé : « Comment Pharaon m'écouterait-il, moi qui suis incirconcis des lèvres ? » (Exode 6,12) ; mais également au cœur : « Les jours viennent où je sanctionnerai quiconque n’est circoncis que dans la chair. Toutes les nations sont incirconcises, mais pour toute la maison d'Israël, c'est son coeur qui n'est pas circoncis » (Jérémie 9, 24-25).

Cette lecture de la réalité profonde de la circoncision sera reprise par Etienne lors de son témoignage devant le Sanhédrin : « Nuques raides et incirconcis de cœur et d'oreilles, vous vous opposez toujours au Saint-Esprit ! Vous êtes bien comme vos pères » (Actes 7, 51).

Saint Paul développera cette compréhension du signe à plusieurs reprises. Ce qu'il écrit aux Corinthiens résume sa pensée : « La circoncision n’est rien et rien le prépuce. Le tout, c'est d'observer les commandements de Dieu » (I Corinthiens 7,19).

La circoncision a été donnée comme signe d'une alliance. Si ce mot d'alliance est issu d'une racine signifiant « couper », alors cette opération est bien le signe que celui qui en est l'objet est comme « coupé » du reste des hommes incirconcis.

On pourrait penser que la circoncision avait un caractère « définitif et irréversible ».

N'oublions pas que l'Église Chrétienne a de telles affirmations pour certains de ses sacrements ! Or, d'après le texte de I Maccabées 1, 15, il semble qu'à la période d’un hellénisme triomphant « certains juifs bâtirent à Jérusalem, selon les coutumes païennes, un « gymnase » (mot dont la racine signifie « être nu »). Ils se refirent des prépuces, s'éloignèrent de l'Alliance sainte, s'attachèrent au joug des païens et se vendirent pour faire le mal ».

Après la libération de l'esclavage, accompagnée des nombreux signes qui sont évoqués dans le livre de l'Exode, Yahvé parle à Moïse pour qu'il transmette ces Paroles à son Peuple :

« Par dessus tout, respectez mes sabbats parce que c'est un signe entre moi et vous et pour vos générations, pour qu'on reconnaisse que c'est Moi, Yahvé, celui qui vous « met à part ». Respectez le sabbat parce qu'il est mis à part pour vous » (Exode 31, 15 et 16, 23).

On peut se demander quelle lisibilité nous donnons de ce Signe dans le Monde d'aujourd'hui ?

-D’une brassée de « signes »...

Il en va de même pour certaines paroles de Dieu transmises à son peuple par la bouche de Moïse : « Écoute Israël : Yahvé, notre Dieu, est Un. Tu aimeras Yahvé, ton Dieu, de tout ton coeur, de tout ton être et de toute ta force. Ces paroles... attache-les en signe sur ta main, elles seront en diadème entre tes yeux. Ecris-les sur les montants de porte de ta maison » (cf. la mézuzah que l'on touche du doigt en entrant ou en sortant).

Les textes écrits sur parchemin sont ceux d'Exode 13, 1-10 ; 13, 11-16 ; Deutéronome 6, 4-9 et 11, 13-21).

Pour suivre ces ordonnances à la lettre, les juifs pieux portent donc, au moment de la prière, ces écrits dans de petites boîtes fixées sur le front et sur la main (ce sont les tephillin).

On peut penser que cette pratique prend toute sa signification, lorsque le fidèle porte un regard d'amour sur son Seigneur et sur sa création, mais aussi sur son prochain, et que sa main, ornée du tephillin, accomplit un geste d'amour en s'approchant de son prochain.

Ceci est tout aussi valable pour nous, chrétiens, avec nos belles déclarations liturgiques !

Ainsi seulement, la Parole devient un véritable signe d'amour envers notre Seigneur et envers l'autre, puisque « c'est à cela que tous reconnaîtront que nous sommes ses disciples » (Jean 13, 35).

Un événement crucial du ministère d'Ézéchiel est particulièrement riche d'enseignement. « Parole de Yahvé : Te voilà dans une maison de révoltés : ils ont des yeux pour voir : ils ne voient pas ; des oreilles pour entendre : ils n'entendent pas. Toi, fils de l'homme, prends ton baluchon de déporté et pars en déportation. Peut-être vont-ils voir qu'ils sont une bande de révoltés. Pars sous leurs yeux. Pars dans la nuit, ne regarde pas la terre, car Je fais de toi un SIGNE pour la maison d'Israël. S'ils te disent : « que fais-tu ? » dis-leur : « je suis pour vous un signe. Comme j'ai fait, on vous fera. Ah ! ils verront que Moi je suis Yahvé, quand je les éparpillerai à travers la Terre » (Ézéchiel 12, 1-16).

Ézéchiel sort dans la nuit, loin de la Lampe qui veille dans le Temple.

Ainsi tout ce que fait le prophète devient « signe », « avertissement » pour le Peuple de Dieu.

Lorsque la Parole s'accomplira, alors le psalmiste pourra dire : « Nous ne voyons plus nos signes, il n'y a plus de prophète. Nos adversaires ont remplacé nos signes par leurs signes. Personne ne sait jusques à quand » (Psaume 74, 4-9).

Citons encore cet événement du ministère d'Ésaïe, envoyé auprès du roi Achaz alors que Jérusalem est menacée par ses ennemis. Par la bouche d'Ésaïe, Yahvé propose au roi de Lui demander un signe montrant que le salut est possible. Ce signe extraordinaire peut être demandé soit dans le tréfonds du shéol, soit dans les lieux élevés…

Mais Achaz rejette cette offre « afin de ne pas tenter Yahvé » !

Alors Ésaïe annonce à la Maison de David : « Yahvé Lui-même vous donnera un signe : Voici, la nubile sera enceinte, elle enfantera un fils, elle criera son nom : « Emmanuel », c'est-à-dire « Dieu avec nous » (Ésaïe 7, 10-14).

Quel que soit le contexte historique de cette prophétie, l’Église l’a reçue comme étant l'annonce de la venue du Sauveur. Matthieu la cite au début de son Évangile : 1, 23 ; et Luc s'y réfère en se fondant sur le texte de la Septante : 1, 26-35.

Et voici : ce sera Noël !

B- Le « signe » dans le Nouveau Testament :

Tout naturellement, nous retrouvons dans le Nouveau Testament, les 4 mots grecs qui ont servi de bases pour nos recherches dans l’Ancien Testament :

-Sêmeion

77 occurrences dans le Nouveau Testament.

La diversité des mots employés pour rendre ce nom grec en français montre à quel point le concept de « signe » est délaissé par les traducteurs.

Seuls A. Chouraqui, M. Carrez et la Tour de Garde suivent le texte grec et le traduisent uniquement par « signe ».

Genève, Louvain, Osty, la Pléiade emploient deux ou trois autres termes.

Dans l'ensemble des traductions consultées, on peut relever 31 noms ou expressions, dont 8 seulement se recoupent avec ceux utilisés pour l'Ancien Testament. Cela donne donc un total de 78 interprétations d'un mot uniquement traduit par « signe » dans certaines versions !

Dans la récente traduction en Français fondamental, « signe » est rendu plusieurs fois par « chose », mot employé pour tout et n'importe quoi afin de pallier notre ignorance ou nos défauts de mémoire ! Mieux vaut suivre l'adage qui veut que « l'on appelle les choses par leur nom », et cela, d'autant plus , lorsqu'on est en présence d'un mot aussi important que celui de signe. En effet, pour certains auteurs actuels « tout est signe ».

Rien n'est donc plus fondamental que ce mot.

- Dunamis

119 occurrences dans le Nouveau Testament.

Ce mot est traduit de diverses manières : dans 25 de nos versions, la traduction la plus courante est « miracle ». Dans les versions anciennes (Calvin, Genève, Louvain), on utilisait le mot « vertu » d’après le latin virtus. Ce nom avait, à l’époque, le sens de « pouvoir, puissance » ou « pouvoir miraculeux », sens conservé jusqu’au XVII°s., avant de prendre presque uniquement celui de « force morale ».

Parmi les traductions plus récentes, seule celle d’André Chouraqui n’emploie jamais le mot « miracle ». Bayard semble également éviter l’emploi de ce terme ; malheureusement, il apparaît deux fois, dans Galates 3, 5 et Hébreux 2, 4.

Parallèlement à « vertu » et « miracle », on trouve dans les diverses traductions : « puissance ; faits puissants ; actes ou œuvre de puissance ; toute puissance ; diverses puissances ; dynamisme ; prodige ; dons miraculeux ; miracle peu banal ; capacités ; actions d’éclat ; gestes éclatants ; moyens ; forces ; violences » !

Il conviendrait de comprendre que, dans l’Écriture, Dunamis exprime « la manifestation de la puissance de Dieu au vu de laquelle nous sommes appelés à prendre position ».

En effet, cette manifestation suscite toujours une réaction positive ou négative, parfois une interrogation (Matthieu 13, 54 ; Marc 6, 2) ; souvent une incompréhension ou un refus (Matthieu 11, 20-23) ; une louange (Luc 19, 37), de l’émerveillement (Matthieu 9, 33) ou de la stupéfaction (Actes 8, 13). Ils peuvent être aussi des signes visibles authentifiant le message de l’Évangile (Actes 2, 22 ; Romains 15, 19 ; I Corinthiens 12, 10, 28, 29 ; II Corinthiens 12, 12 ; Galates 3, 5), voire même les signes et les prodiges trompeurs de l’accusateur ! (II Thessaloniciens 2, 9).

-Téras

Comme signalé dans l’Ancien Testament, ce mot est employé également 16 fois dans le Nouveau Testament et uniquement en association avec le mot « signe », tous deux toujours au pluriel ! Ce couple est employé trois fois dans les Évangiles : Matthieu 24, 24 ; Marc 13, 22, à propos des faux prophètes, et Jean 4, 48, dans ce reproche de Jésus : « Si vous ne voyez signes et prodiges, vous ne ferez donc jamais confiance ! ».

On peut s’interroger sur la signification particulière de ce couple. Une indication nous est peut-être fournie par Luc, dans Actes 2, 19 : « Je donnerai des prodiges en haut dans le Ciel et des signes en bas sur la Terre ». Ce que semble confirmer ces définitions données pour ces deux termes :

« Téras : signe envoyé par les dieux ; signe extraordinaire ; présage effrayant ; prodige ».

« Sêmeion : marque par quoi on reconnaît quelqu’un ou quelque chose, borne ou signal ».

Le premier terme se rapporterait plus spécialement aux signes venant du Ciel, et le second aux signes d'origine terrestre. Dans Actes 2, 22, Romains 15, 19, II Corinthiens 12, 12 et Hébreux 2, 4, les auteurs ajoutent à ces deux mots celui de Dunamis, ce qui les associe, de façon plus précise, à une manifestation de la puissance de Dieu.

Toutefois, dans II Thessaloniciens 2, 9, il s'agit de l'oeuvre de l'Adversaire, mais ce n'est là que du « pseudo », du mensonge, de la tromperie, d'où la nécessité, pour chacun, de faire preuve de discernement spirituel !

- Thaumasios

1 seule occurrence dans Matthieu 21, 15, traduit en latin par mirabilia, et rendu en hébreu par la racine PL’ : « les grands prêtres et les scribes s’irritent en voyant les choses merveilleuses accomplies par Jésus dans le Temple » après son entrée triomphale dans Jérusalem au jour des Rameaux. On retrouve donc ici la même incompréhension de certains Israélites à la vue des « merveilles de Dieu » (Psaume 78, 11).

L’adjectif thaumastos apparaît 6 fois dans le N.T. et le substantif thauma 2 fois (II Corinthiens 11, 14 et Apocalypse 17, 6). Par contre on trouve 42 occurrences pour le verbe que l’on interprète à égalité soit par « s’étonner, être surpris », soit par « admirer, s’émerveiller ».

-Approfondissement :

-Le mot « signe » lié à la personne de Jésus

La première mention du mot « signe », abondamment évoquée dans nos célébrations de Noël, se trouve au coeur de l'annonce faite aux bergers : « Joseph monte à Bethléhem pour se faire recenser avec Marie, sa fiancée qui était enceinte. Pendant qu'ils étaient là… elle accoucha de son fils premier-né, elle l'emmaillota et le coucha dans une mangeoire, parce qu'il n'y avait pas de place pour eux dans la kataluma (« la salle, le gîte ») »(Luc 2, 4-7).

Le messager s'adresse alors aux bergers et leur dit : « Ne craignez pas car voici, je vous évangélise une grande joie qui sera pour tout le peuple. Aujourd'hui, dans la ville de David, il est né, pour vous, un Sauveur, qui est le Christ Seigneur. Et voici pour vous, le SIGNE : vous trouverez un nouveau-né, emmailloté et couché dans une mangeoire…Ils y allèrent en hâte et découvrirent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans une mangeoire » (Luc 2, 9-16).

On peut penser que tout a été dit à propos de ce « signe » qu'il nous faut trouver et même « découvrir » : l’abaissement du Seigneur, son humilité, son dénuement et son rejet par les siens puisqu'il n'y a pas de place pour ce Fils de David dans la kataluma de Bethléhem.

Mais si on étudie attentivement chacun des termes employés par Luc, il semble bien que pour lui, chaque détail ou chaque mot devienne un élément essentiel de la plénitude du « signe » lui-même.

1- la kataluma :

Ce nom est issu d'un verbe signifiant « délier, détacher, dételer », dont la racine est luô, verbe bien connu de tous ceux qui commencent le grec !

La kataluma est en particulier le lieu où l'on délie son attelage, où l'on détache les bagages, d'où la traduction par « caravansérail » (H. Pernot).

Le choix de ce nom par Luc n'est pas étranger à son emploi dans la Septante où il est utilisé onze fois et où il sert à traduire six termes hébreux :

1- 'oHêL : tente, demeure, Temple de Jérusalem (Ézéchiel 41, 1).

2- LiCheKaH : chambre, salle, chambre du Temple ou du Trésor.

3- MaLON : auberge, là où l'on passe la nuit.

4- MiCheKaN : demeure, tente, tabernacle.

5- NaVêH : demeure.

6- SoQ : tente, tanière, tabernacle.

Les traducteurs du Nouveau Testament en hébreu ont choisi MaLON.

Kataluma est employé lors d'événements spirituellement importants de l'histoire du

Peuple de Dieu :

1- Exode 4, 24, (en hébreu : MaLON). Kataluma y désigne le lieu d'une mystérieuse rencontre entre Moïse et Yahvé. Moïse retourne vers l'Égypte pour délivrer ses frères de leur esclavage. Arrivé à un lieu de repos, il se sent menacé de mort par Yahvé, ou par son envoyé, selon quelques textes. Séphora prend un silex et tranche le prépuce de son fils et en touche les pieds de Moïse (euphémisme pour certains commentateurs !). Puis elle dit à Moïse : « Tu es pour moi un époux de sang ». La Septante suit une autre leçon : « Le sang de la circoncision s'est arrêté ». On a pu voir dans cette parole une annonce de la circoncision de Jésus qui devait mettre fin à ce rite sanglant pour qu’elle devienne la circoncision du coeur, comme l'a pensé Paul : Romains 3, 29 ; I Corinthiens 7, 19 ; Galates 5, 6 ; Colossiens 2, 11-13.

2- Exode 15, 13, (en hébreu : NaVêH). Après le passage de la Mer des Joncs, Moïse chante la gloire de Yahvé : « Tu conduis, par ta grâce, ce Peuple que tu t'es racheté, « vers l'oasis de ton sanctuaire » (A.Chouraqui), « vers Ta Demeure » ou « vers Ton Temple ».

3- I Samuel 9, 22, (en hébreu : LiCHeKaN). Lorsque Samuel reconnaît en Saul celui dont Yahvé lui a annoncé la venue en tant que futur roi et sauveur de son peuple, « il le fait entrer dans la "salle", le place en tête des invités et lui fait servir le meilleur morceau ».

Cette traduction par "salle" a influencé celle de Luc 2, 7. Heureusement qu’il n’y avait pas de place pour Marie, sinon Jésus serait né dans une auberge qui n'aurait reçu qu'une seule étoile !

4- II Samuel 7, 6, (en hébreu : 'oHêL). David s'est fait construire un beau palais. Mais l'Arche de l'Alliance se trouve toujours déposée sous une tente, sans doute assez vétuste ! C'est pourquoi le jeune roi voudrait bâtir un Temple digne de la gloire de Yahvé. Finalement, par l'intermédiaire de Nathan, Yahvé lui fait savoir qu'Il refuse une telle construction faite de main d'homme : « Jusqu'à ce jour, je suis allé avec tous les enfants d'Israël dans une tente "pour kataluma" ». On rapproche ce texte de celui de Jean 1, 14 : « Le Logos est devenu chair et il a dressé sa tente parmi nous ».

5- I Chroniques 17, 5, (en hébreu : MiChaKaN). Texte parallèle du précédent.

6- Jérémie 14, 8, (en hébreu : MaLON). « Espoir d'Israël, son sauveur dans la détresse, pourquoi es-tu comme un métèque sur la terre, comme un hôte qui se détourne vers une kataluma ? Pourquoi es-tu comme un héros qui ne peut sauver ? »

7- Jérémie 25, 32-38, (en hébreu : SoQ). La terre est dévastée. Dans son ardente colère,(Yahvé ?) abandonne cette terre désolée, « comme un lion quitte sa tanière ».

8-Jérémie 33, 12, (en hébreu : NaVeH). Pourtant l’espérance n’est pas morte : « il y aura encore ‘’une oasis’’ pour les bergers qui feront reposer leurs troupeaux ».

Chacun de ces six noms hébreux, traduits en grec par kataluma, est donc mis en liaison étroite avec la circoncision, la royauté, le Sauveur, la tente ou le tabernacle, le temple, la présence ou l’absence de Yahvé au milieu de son Peuple.

Mais voici, dans cet ensemble de kataluma, il n'y a pas de place pour l'enfant qui va naître. C’est sans doute exact si ce soir là, à Bethléhem, tous les descendants de David étaient revenus dans cette « Maison du Pain » afin de se faire inscrire !

Toutefois, il aurait pu assurément y avoir de la place dans cette kataluma si les gens qui la remplissaient avaient eu un peu d’amour pour « faire de la place » afin d’accueillir la mère et cet enfant, Lui le Pain vivant venu du Ciel (Jean 6, 32-58) !

Cela fait partie du « signe » : il n’y aura pas de place pour le Sauveur qui vient de naître, dans tous les lieux de repos, là où l’on peut déposer, pour un temps, une charge trop lourde.

« Le Fils de l'homme n'a pas où poser sa tête ! » (Luc 9, 58). C'est pourquoi Marie le déposa (même racine) dans une mangeoire ou une crèche destinée aux agneaux venant de naître.

Pas de place pour cette Parole faite chair.

Pas de place pour le Messie, pour le Christ.

Pas de place pour le Sauveur promis.

Pas de place pour le Roi.

Pas de place pour Celui qui vient au nom du Seigneur…

On notera que, dans l’Évangile, kataluma désigne aussi « la Chambre Haute » dans laquelle Jésus mangera la Pâque avec ses disciples (Luc 22, 11 ; Marc 14, 14).

2- « Vous trouverez un nouveau-né emmailloté »…

« Marie l’emmaillota… »

C’est le seul emploi de ce verbe dans le Nouveau Testament. Ce pourrait être, pour Luc, une réminiscence d’une parole concernant la « naissance » de Jérusalem : « Le jour où tu as été enfantée, ton cordon n’a pas été tranché (en hébreu, ce verbe est employé pour parler d’une alliance : on tranche une alliance : Genèse 15, 18). Tu n’as pas été baignée à l’eau pour être purifiée ; de sel, tu n’as pas été salée ; de langes, tu n’as pas été « emmaillotée ». Nul œil ne s’est apitoyé sur toi. Par dégoût de ton être, tu as été jetée sur les faces du champ le jour où tu as été enfantée. Mais je suis passée près de toi, je t’ai vu baignant dans ton sang. Je t’ai dit : Vis dans ton sang ! » (Ézéchiel 16, 4-6).

Le nom de Jérusalem pourrait signifier : « Ville ou Fondation de la Paix ». Le Psalmiste invite les pèlerins à « demander la Paix de Jérusalem » (122, 6). Le Messie promis, l’Enfant qui doit naître, le Fils qui nous est donné, est appelé « Prince de la Paix » (Ésaïe 9, 1-6).

« Voici pour vous le signe : Vous trouverez un nouveau-né posé dans une mangeoire ». « Voici le signe… » est une expression consacrée. Par exemple : I Samuel 10, 1 : « Et voici, pour toi, le signe que Yahvé t’a oint comme chef de son héritage : Tu trouveras… »

Dans la Septante et dans la Vulgate, on trouve ce même verbe qu’en Luc 2, 12.

Pour Luc, il est possible que le verbe « poser » fasse partie du « signe ». Marie a couché (anaclinô) son enfant dans la mangeoire, selon l’annonce des messagers.

Pour ces deux textes, Luc emploie le verbe keimai, qu’on retrouvera dans le récit de la Présentation : « Celui qui est posé là… sera un signe contredit » (Luc 2, 34).

-Présentation d’un « signe contredit »

Même si ce rite est toujours pratiqué à la Synagogue, puisqu'il n'y a plus ni Tente ni Temple depuis 70 ap. J.C., le récit de la Présentation de Jésus est généralement peu étudié par les commentateurs. Certes, on y rencontre certaines difficultés non élucidées, mais il contient toute une richesse dont nous pouvons tirer un profit spirituel. Si l'on prête attention à l'ensemble des mots choisis par Luc dans ce passage, on découvre qu'ils sont porteurs de sens pour la pensée juive et celle de l'Église.

1-la Présentation de Jésus :

-v.21 : « Quand huit jours furent accomplis, il fut circoncis (signe de l'Alliance scellée entre Dieu et le Peuple qu'il s'est choisi : Genèse 17, 11) ; alors fut appelé son nom : Jésus » (en hébreu : Iéshoua, « Yahvé sauve »).

La racine du verbe « appeler » (2 fois dans le v.21, une fois en 23) donne plusieurs termes que l'on traduit en français par « consolateur, consolation » (celle attendue par Syméon v.25), « Paraclet », nom donné au Saint-Esprit, « Ecclésia », c'est-à-dire l'Église, ou encore le mot «vocation ».

-v. 22-23 : « Quand furent remplis les jours de la purification d'eux… (de qui s'agit-il ? Il semble que les spécialistes ne soient pas d'accord entre eux !), Joseph et Marie le montèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, comme il est écrit dans la Torah du Seigneur :

Tout mâle premier-né sera appelé ‘’Mis à part’’ pour le Seigneur, et pour donner en sacrifice, selon la Torah, un couple de tourterelles ou deux petits de colombes ».

De façon manifeste, Marie offre donc le sacrifice des pauvres (Lévitique 5, 7).

En effet, la Loi (Lévitique 12, 6-8) impose à la mère d'apporter au prêtre, à l'entrée de la Tente, « un agneau d'un an pour l'holocauste et une colombe pour la faute ».

Pour quelle raison cet « holocauste »? On a avancé l'idée d'un sacrifice de substitution, mais il ne s'agit pas ici de l'enfant.

Le sacrifice « pour la faute » : quelle faute ? On parle de sacrifice de purification à cause du sang versé, mais cela correspondrait à une impureté et non pas à une faute !

Là encore, pas de réponse.

« Toutefois, si la mère ne trouvait pas dans sa main pour un agneau, elle prend deux tourterelles ou deux petites colombes ». Marie n'a pas trouvé dans sa main de quoi offrir un agneau en holocauste, et pourtant elle va offrir au Seigneur « l'Agneau qui ôte la faute du Monde » !

En ce qui concerne l'enfant, en tant que premier-né, il appartient à Dieu, en souvenir de la libération du peuple d'Israël de son esclavage en Égypte. En effet, lors de cette première Pâque, les Hébreux, réduits en esclavage, ont mangé debout, -les reins ceints et le bâton à la main (prêts pour le départ ! )-, l'agneau, les herbes amères, et le pain sans levain. Le levain provenant d'une part prélevée sur la pâte précédente et que l'on a laissée fermenter pour la mélanger à la suivante, ce pain sans levain « signifie » donc une rupture totale entre le pain quotidien du temps de l'esclavage et un pain nouveau, sans lien avec le passé, un pain pur, le pain d'une vie nouvelle, libérée de sa condition d'esclave.

Au cours de cette nuit tous les premiers-nés des Égyptiens meurent, même celui du Pharaon. Celui-ci cède enfin à la demande de Moïse et libère le peuple d'Israël.

Chaque famille sort alors de sa maison par la porte dont les bois ont été marqués avec le sang de l'agneau. En franchissant cette « porte », ils sont ainsi « affranchis », libérés et mis en marche vers la Terre Promise. Or tous les premiers-nés d’Israël ont été épargnés. En souvenir de cette grâce, chaque premier-né sera reconnu par son père comme appartenant à Dieu, ce sera pour lui « en signe sur sa main et en diadème entre ses yeux que, à force de main, Yahvé nous a fait sortir d'Égypte ». (Exode 13, 16).

Toutefois, lors de la présentation, le père pourra racheter ce premier-né.

La liturgie actuelle, utilisée depuis le Moyen Age à la Synagogue, dit ceci : « Le 31° jour de la naissance, le père déclare à l'Officiant que cet enfant est le fils premier-né de sa mère et qu'il est donc tenu de le racheter. Puis il récite les versets de Nombres 18, 16 et Exode 13, 1.

L'Officiant se tourne vers le père pour lui demander s'il préfère lui donner son fils ou bien le racheter pour la somme de cinq sicles. Le père répond qu'il veut racheter son fils et lui tend les cinq sicles (Nombres 18, 15-16). Puis il récite les bénédictions ».

Dans le texte de Luc, qui n'était pas juif, il semble qu'il y ait eu, au fil des temps, une certaine assimilation des deux rites : purification de la mère et présentation-rachat du premier-né.

Ainsi Joseph et Marie « montèrent » l'enfant à Jérusalem pour le présenter au Seigneur.

II faut renoncer à donner l'ensemble des significations de ce verbe « monter » dans l'Ancien Testament. Pensons simplement à ces quinze Psaumes dits « des Montées ». Pour moi, ils ont un lien direct avec les quinze marches que j'ai comptées en les montant, qui mènent de l'esplanade au parvis où devait se trouver le Temple. L'Islam a conservé ces quinze marches. Pourquoi 15 ? En hébreu les nombres s'écrivent avec des lettres. 15 devrait être normalement noté : YaH, c'est-à-dire Yahvé, comme dans Allélu-ia ! Or ce nom ne se prononce jamais et les scribes ne l'écrivent qu'en prenant d'impératives précautions. L'écrire pour un usage ordinaire serait un blasphème, aussi emploie-t-on les lettres qui donnent : « 9 plus 6 » = 15 !

Joseph et Marie en montant ces quinze marches ont pu se redire ces quinze psaumes qui expriment toute une montée spirituelle allant de la détresse du psaume 120 à l'allégresse et à la bénédiction de Yahvé du psaume 134. Là, devant la maison de Yahvé, ils ont présenté Jésus au Seigneur.

En hébreu comme en grec, ce verbe « présenter » a un sens profane et un sens spirituel, par exemple : « En ce temps-là Yahvé sépare le rameau de Lévi pour porter le coffre de l'Alliance et "se tenir" face à Yahvé pour officier et bénir son Nom jusqu'à ce jour » (Deut.l0, 8).

2- Jésus « posé là…en signe contredit »

Or, au même moment, survient Syméon. Il attendait « la consolation » promise à Israël, la « paraklèsis », par exemple Ésaïe 61,1-2. « II avait été averti par l'Esprit ». Ce verbe est employé dans la LXX, uniquement dans le livre de Jérémie où il traduit 6 fois le verbe « parler » et 2 fois le verbe « rugir ». Il lui a été dit « qu'il ne verrait pas la mort avant d'avoir vu le Messie du Seigneur ». Il vient, par l'Esprit, dans le Temple, et, lorsque ses parents introduisent Jésus, il le reçoit dans ses bras et bénit Dieu ».

L'Évangile du Pseudo-Matthieu note « qu'il le prend dans son manteau », le pallium, manteau qui recouvrait ses bras et que portaient les prophètes. On se souvient, par exemple, du manteau que portait Élie et qu'il laissa tomber au moment de son élévation. Élisée le relève et ce manteau va devenir pour lui et pour les prophètes de Jéricho le signe que l'Esprit d'Élie repose désormais sur Élisée (II Rois 2, 13-15).

Quel que soit le statut de Syméon, plusieurs hypothèses sont proposées. Il prononce des paroles qui sont celles d'un prophète animé par l'Esprit. En totale opposition avec toute la pompe qui déroulait ses fastes dans le Temple avec tous ces sacrifices et ces offrandes déposés avec ostentation, comme le remarquera Jésus (Luc 21, 1-4), c'est dans cette humble présentation liée à des sacrifices de pauvres que Syméon contemple l'accomplissement de la promesse de Dieu : « Maintenant, Maître, tu délies ton esclave en Paix, car mes yeux ont vu ton Salut que Tu as préparé, face à tous les peuples, Lumière pour la révélation aux Nations et gloire de ton Peuple, Israël », paroles qu'on peut rapprocher de celles d'Ésaïe 52, 10.

Et pourtant il doit encore délivrer une dernière Parole qui, elle, se rattache à la prophétie d'Ésaïe 53 :

« Celui-ci est posé là pour la chute et la résurrection de beaucoup, et en signe contredit ».

« Posé là » : dans les représentations iconographiques anciennes, Jésus est posé sur l’autel, mais parfois, il est debout, peut-être en rappel du dernier Psaume des montées.

« Posé », ce participe est laissé de côté dans une dizaine de traductions. D’autres le traduisent par « établi », « mis » ou « placé », ou proposent une interprétation personnelle : « est là », « est destiné », « doit amener », « provoquera », « pour causer » ou encore « destiné à être une cause ».

Une seule version traduit par « posé » (Tour de Garde) et une par « couché » (H. Pernot).

Or il semble que les traducteurs du Nouveau Testament en hébreu font une tout autre lecture de cette parole de Syméon. En effet, ils traduisent : « Voici celui-ci en fondement pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël, en signe de querelle ».

« Fondement » vient du verbe IaSaD qui a une très grande importance dans l’A.T.

Par exemple : « Ma main a fondé la Terre, dit Yahvé » (Ésaïe 48, 13) ou bien « sa voûte » (Amos 9, 6). Mais aussi : « Yahvé a fondé son Sanctuaire » (Psaume 78, 69 ; I Rois 5, 31 ; Zacharie 4, 9).

On retiendra en particulier cette annonce transmise par Ésaïe 28, 16 : « Voici, Je fonde en Sion une pierre, une pierre éprouvée, une pierre d’angle, précieuse, fondée en fondement ; le confiant en elle (qui mettra sa foi en elle : Nlle Segond) ne sera pas impatient ».

Syméon a attendu, avec une longue patience, et voici, en ce jour qui lui est donné, il contemple cette Pierre de ses yeux et il voit le Salut que le Seigneur a préparé pour ce monde.

Cette Pierre de fondation va cependant provoquer la chute de certains en Israël.

La chute se dit en grec ptôsis, 20 occurrences dans la LXX, 2 occ. dans le N.T. : « L’homme insensé qui n’écoute pas et ne réalise pas la Parole, bâtit sa maison sur le sable. Dans l’épreuve, celle-ci chute et sa chute est grande » (Matthieu 7, 27).

Chute, mais aussi le relèvement ou la résurrection : anastasis. On trouve 6 occurrences de ce nom dans la LXX où il traduit 2 fois la racine Qoum, que l’on connaît bien par la parole adressée par Jésus à la jeune fille : « Talitha qoumi ».

Par contre, on trouve 42 occurrences d’anastasis dans le N.T. où il est traduit 41 fois par « résurrection » dans l’ensemble des versions, et une seule fois par « relèvement », justement pour cette parole de Syméon. Seules Louvain, Sacy, Crampon le traduisent ici par « résurrection » ; la Nouvelle Segond l’indique en note.

Le professeur Vischer proposait au sujet d’Abraham une réflexion qui éclaire ce que dit Syméon : « Abraham n’était pas le père de personnalités bien-pensantes, mais le père de ceux qui tombent toujours et toujours sont relevés par Celui qui, seul, est bon pour juger et relever » (p.171). On peut rapprocher cette idée de plusieurs textes de l’A.T., par exemple le Psaume 37, 24 : « S’il tombe, il n’est pas terrassé, car Yahvé soutient sa main », ou bien Psaume 145, 14 ; Jérémie 8, 4 ; Michée 7, 8.

Cette contemplation de Jésus « posé là » comme le fondement du salut et d’une vie nouvelle permet de rapprocher ce texte de celui de Romains 9, 33 : « Voici, je pose en Sion une pierre d’achoppement, un roc qui fait tomber. Mais l’ayant foi en lui ne sera pas confus ».

De même pour Pierre, « la pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs, celle-là est devenue tête d’angle, pierre d’achoppement et roc qui fait tomber (scandale). Ceux qui ne font pas confiance à la Parole se heurtent à ce roc sur lequel, pourtant, eux aussi ont été posés (ou fondés) » (I Pierre 2, 7-8). Pierre emploie ici le même verbe qu’au verset 6 : « Voici je pose en Sion une pierre… »

L’ensemble des versions donne une interprétation bien différente : « refusant d'obéir à la Parole, ils s'y heurtent, c'est aussi à cela qu’ils étaient destinés ».

Compris ainsi, Yahvé se serait choisi un Peuple destiné à ne pas entendre Sa Parole !

On remarquera que Calvin, le tenant de la double prédestination, considérait ces deux interprétations comme possibles. A. Chouraqui traduit ainsi : « les non-adhérents… se heurtent à la Parole et désobéissent à ce pour quoi ils étaient établis ».

Pour Syméon, cet enfant « posé là » deviendra un Roc sur lequel s'édifiera notre vie véritable, mourant avec Lui pour ressusciter avec Lui (Colossiens 2, 6 -3, 4).

Jésus nous est donné pour « signe », mais ce signe sera un « signe contredit » : antilégoménon, participe passif d'un verbe dont la racine est légô qui donne également Logos, « la Parole ».

« Contredit », et non pas « contredisant » ou « de contradiction », selon la plupart des traductions, car l'attention se porte alors sur la nature de cette contradiction. Or elle doit se concentrer sur le signe lui-même, cet enfant qui nous est donné, Parole faite chair pour Jean, mais « Parole contredite ».

Plusieurs versions traduisent les 4 mots du texte par des phrases de 10 ou 11 mots...

Quatre seulement respectent le participe passif (TOB, Bayard, Pernot, L'Eplattenier).

On trouve 11 occurrences de ce verbe « contredire » dans le N.T. Par exemple : « Les Sadducéens contredisant la résurrection... » (Luc 20, 27). Les Juifs disent à Ponce Pilate : « Si tu relâches Jésus, tu n'es pas l'ami de César, car quiconque se fait lui-même roi, contredit César qui se déclare être l’unique secours » (Jean 19, 12). « Les Juifs contredisent les choses dites par Paul , en blasphémant » (Actes 13, 45). Ce que l'Apôtre confirme dans sa Lettre aux Romains en citant Ésaïe : « Tout le jour j'ai tendu mes mains vers un peuple désobéissant et contredisant » (Romains 12, 21, d'après la LXX). A Rome, les Juifs disent à Paul : « Nous jugeons bon d'entendre de toi ce que tu penses de cette secte connue de nous, qui, partout, est contredite » (Actes 28, 22).

Si l'on reprend l'image de la signalisation routière, chaque signe est porteur d'une parole. Parfois celle-ci est même précisée, par exemple pour le « Stop ». Si je suis attentif, en voyant le signe, « j'entends » ce qu'il a mission de me transmettre. Si c'est un « stop », je m'arrête. Mais si je n’écoute que moi-même, alors je contredis ce signe et je passe outre.

Une parole vitale, pour moi et les autres, m’a été dite par le signe : je l'ai contredit en faisant le contraire.

Ainsi de Jésus, la Parole incarnée, posé dans le Temple, il sera un signe contredit par certains et ce sera leur chute, ou reçu par d'autres et ce sera leur résurrection en nouveauté de vie (Romains 6, 4 et ss).

Selon cette parole de Syméon, tout au long de son ministère, Jésus sera contredit dans les signes qu'il donnera de sa messianité. S'il déclare au paralytique : « tes fautes ont été remises », aussitôt les tenants de la Loi disent : « Qui est celui-ci qui profère des blasphèmes ? Qui a pouvoir de remettre les fautes sinon Dieu seul ? ». Connaissant leurs débats, Jésus leur demande « quel est le plus facile, dire au paralytique : Tes fautes ont été remises, ou bien : Lève-toi et marche ?... Jésus dit au paralytique : Lève-toi ; aussitôt, se levant (même racine que anastasis) et prenant ce sur quoi il était couché (verbe dont la racine est keimai), il partit vers sa maison en glorifiant Dieu » (Luc 5, 18-26).

Si Jésus rend la vue à un aveugle-né, afin de manifester en lui les œuvres de Dieu et signifier qu'Il est bien la Lumière qui, venant dans le Monde, éclaire tout homme, certains Pharisiens se demandent : « comment un homme fautif peut-il faire de tels signes ? », alors que s'accomplit, sous leurs yeux, la promesse transmise par les Prophètes : « Moi, Yahvé, je t'ai appelé, je te donne en Lumière pour les Nations, pour ouvrir les yeux des aveugles » (Ésaïe 29, 18 ; 35, 5 ; 42, 7 ; Jean 9, 16).

Lorsqu'il guérit un sourd-muet, manifestant ainsi le salut promis : « Lui-même vient, Il vous sauve et la langue du muet crie de joie » (Ésaïe 35, 4), les gardiens de la Parole disent : « C'est par Belzébul, le chef des démons, qu'il jette dehors les démons ! » (Luc 11, 14-17).

D'autres, afin de le mettre à l'épreuve, réclament de Lui un signe venant du Ciel, alors que de nombreux signes viennent de leur être donnés : « Voici votre Dieu, Il viendra Lui-même : alors les yeux des aveugles s'ouvriront, les oreilles des sourds s'ouvriront, le boiteux sautera comme un cerf et la langue du muet chantera de joie » (Ésaïe 35, 4 et ss).

Ainsi, par les « signes » qu'il donne, Jésus manifeste que la promesse de la venue d'un Sauveur se réalise enfin.

Mais certains refusent de voir, d'écouter, d'entendre, car leur lecture de la Lettre de l'Écriture ne leur permet pas de discerner les signes de la Grâce et de l'Amour de Dieu pour ses enfants, tels qu'ils se manifestent à travers ce Jésus de Nazareth.

Rejetant ces signes donnés, les scribes et les pharisiens disent à Jésus : « Maître, nous voulons voir un signe de Toi » (Matthieu 12, 38). Ils veulent voir un signe qui leur prouverait sa Messianité, ce qui est la même épreuve que celle du désert (Luc 4, 1-13).

Même si Jésus obtempérait à ce « vouloir », le signe donné ne « prouverait » rien, car tout signe de Dieu nous est donné pour être une aide à la faiblesse de notre foi.

Un signe d'amour n'est pas la preuve de cet amour.

La foi, comme l'amour, est vécue dans une autre dimension que celle de la preuve !

A cette exigence des Pharisiens, Jésus répond en disant : « Cette génération recherche un signe, et de signe il ne lui sera pas donné, sinon le signe de Jonas » (Matthieu 12, 38-39 ; 16, 1-4 ; Marc 8, 11-12 ; Luc 11, 16, 29-32).

Certains commentateurs pensent que Jésus ne parle ici que de sa mort et qu'il n'est pas question de sa résurrection. Or en suivant le récit le plus simplement possible, on voit que Jonas a été, à sa demande même, jeté à la mer, symbole de la mort, par les marins d'un navire menacé de faire naufrage ! Ainsi seront-ils sauvés. Jonas, lui, est englouti trois jours et trois nuits par un grand poisson qui finalement le rejette sur la terre ferme et Jonas accomplira sa mission.

Dans cette histoire, Jonas n'est donc pas resté prisonnier de la mort. Sans cette délivrance de la mort, jamais les Ninivites n'auraient entendu sa proclamation qui les conduira vers le salut. C'est donc un « Prophète » précipité dans la mort et arraché à celle-ci, qui devient « signe » du Salut pour chacun de ceux qui accueillent son message d'amour.

Paul, comparaissant devant l'Aréopage, annonce que « le Seigneur, au jour fixé, doit juger le Monde avec Justice, par l'Homme qu'il a désigné procurant foi à tous en le ressuscitant des morts. Mais ayant entendu ‘’résurrection des morts’’, les uns se moquaient, les autres dirent : Nous t'entendrons à ce sujet, une autre fois… Mais quelques-uns s'attachèrent à Paul et eurent foi au Ressuscité » (Actes 17, 31-34).

« Quel signe fais-tu pour que nous le voyions et que nous ayons foi en toi ? »

Or, les disciples de Jésus lui posent cette question juste après la multiplication des pains !

Comme le note Marc : « Ils n'avaient pas compris au sujet des pains, leur coeur était endurci » (6, 52)…

Par ce signe, Jésus se révèle au Monde : « Moi, je suis le Pain de Vie. Vos Pères ont mangé la manne dans le désert, puis ils sont morts. Le pain que voici, c’est celui descendant du Ciel pour que celui qui en mange ne meure pas. Moi, je suis le Pain vivant descendu du ciel.

Le Pain que je donnerai, c'est ma chair donnée pour que le monde ait la vie » (Jean 6, 48-51).

Conjointement à ces « signes » révélateurs du Sauveur du Monde, le Nouveau Testament mentionne divers « signes » qui peuvent être reçus négativement ou positivement par ceux qui en sont les témoins. Il en va d'ailleurs de même pour ce que l'on nomme « actes de puissance ou prodiges ».

-Signes négatifs, Signe et secret

1- les signes trompeurs : ils sont accomplis par de faux christs ou de faux prophètes, afin d'égarer, à leur profit, même des élus ! C'est pourquoi nous sommes invités à être attentifs dans « le discernement des esprits » (Matthieu 24, 23-24 ; Marc 13, 21-23 ; II Th. 2, 9).

2 - les signes incompris :

a) Par exemple, Jésus purifie le Temple en chassant ceux qui ont fait de la Maison de son Père une caverne de voleurs, ou une maison de trafic. Il accomplit un geste parfaitement significatif, dont il donne la signification par sa parole. Ses disciples se souviennent qu'il est écrit : « Le zèle de ta Maison me dévore ». Les Juifs lui demandent : « Quel signe nous montres-tu pour faire ces choses ? Jésus leur répond : Détruisez ce Temple-ci et en trois jours je le relèverai » (Jean 2, 16-19). Après la Résurrection, « les disciples se rappellent ces Paroles ; ils adhèrent à l’Écriture et à la Parole que Jésus avait dite » (2, 22).

b) Après la multiplication des pains, la foule retrouve Jésus de l'autre côté du Lac de Tibériade. « Ils lui disent : Rabbi, quand es-tu venu ici ? Jésus leur répond : Amen, je vous dis, vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé des pains et que vous avez été rassasiés. Oeuvrez, non pour la nourriture qui périt, mais pour la nourriture qui demeure à jamais et que le Fils de l'homme vous donnera » (Jean 6, 25-27).

3- les signes récusés : après la reviviction de Lazare, le Sanhédrin reconnaît que Jésus fait de nombreux signes, mais il en conclut : « Si nous le laissons ainsi, tous se confieront en Lui ». Caïphe, le Grand-Prêtre, leur dit alors : « II est avantageux pour vous qu'un seul humain meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas tout entière » (Jean 11, 47-50).

Suite à la guérison de l'aveugle-né, certains pharisiens disent : « Comment un homme fautif peut-il faire de tels signes ?… les Juifs n'adhèrent pas à ceci : qu'il ait été aveugle et qu'il voie » (Jean 9, 16 ss).

4- les signes refusés : à plusieurs reprises, des signes sont exigés de Jésus afin de prouver sa Messianité.

Scribes et Pharisiens lui disent : « Nous voulons voir un signe de toi ».

Pharisiens et Sadducéens s'approchent de Jésus et pour l'éprouver, ou le tenter, ils réclament de lui un signe du Ciel.

Lorsque Pilate envoie Jésus à Hérode, celui-ci se réjouit beaucoup car il espère voir un signe exécuté par cet homme. Mais Jésus ne répondant même pas à ses questions, il le méprise et se moque de lui (Luc 23, 8 ss).

Et pour « finir », cette ultime moquerie : « Qu'il descende de la Croix, et nous aurons foi en lui » (Matthieu 27, 42).

Les « signes » sur le chemin de la foi.

Les Évangiles, principalement Marc, notent que lors de certaines guérisons, Jésus s’écartait de la foule pour accomplir le signe, ou bien demandait à celui qui l’avait reçu, de n’en parler à personne (Marc 1, 44-45 ; Matth. 8, 2-4 ; Luc 5, 12-16, Marc 8, 26 ; 7, 31-37 ; 5, 35-43).

A ce sujet, on a, jadis, évoqué le « SECRET MESSIANIQUE ».

Plus simplement, on peut penser que, pour Jésus, l’essentiel était de faire entendre la Parole du Salut reçue dans des cœurs confiants et non d’apparaître comme un thaumaturge aux yeux de foules émerveillées.

-conclusion

Un certain nombre de « signes » accomplis par Jésus ont pu être déterminants, sur le chemin de la foi, pour ceux qui en ont été les témoins.

Jean rappelle qu’aux noces de Cana Jésus a accompli son premier signe en changeant en vin l’eau des vases destinés à la purification de ceux qui étaient invités aux noces.

« Ainsi, Il manifesta sa gloire et ses disciples eurent foi en Lui » (Jean 2, 11).

Lorsque Jésus, montant à Jérusalem, passe entre Galilée et Samarie, dix lépreux se tenant à distance l’interpellent : « Jésus, Maître, aie pitié de nous ! » Jésus leur dit d’aller se montrer aux prêtres. En chemin, tous sont guéris. Un seul, un Samaritain, revient vers Jésus glorifiant Dieu et rendant grâces à son Sauveur. Jésus lui dit : « Relève-toi et va, ta foi t’a sauvé » (Luc 17, 11-19). Un signe identique donné à plusieurs n’est donc pas reçu de la même façon par tous. Ici, un seul sur dix, à travers ce signe de sa guérison, a reconnu, dans la foi, l’œuvre de son Sauveur.

Pendant le séjour de Jésus à Jérusalem, pour la fête de Pâque, beaucoup eurent foi en son nom en voyant les signes qu’il faisait. Toutefois Jean ajoute : « Lui-même ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous » (Jean 2, 23-25).

Cette remarque de Jean doit nous rendre très vigilants lorsque notre annonce de l’Évangile prend appui sur des signes donnés par grâce…

La foi précède le signe

Il semble que dans les contacts que Jésus a pu avoir avec une personne seule, contrairement aux foules qui « ont cru » à la vue des signes, le plus souvent, la foi précède le signe. Le signe est donné à des êtres souffrants qui mettent toute leur confiance dans ce Sauveur promis.

Le mot « signe » n’apparaît pas nommément dans les exemples suivants : ainsi lorsque le Centurion vient confier son angoisse à Jésus au sujet de son garçon gravement malade, dans le long dialogue rapporté par Matthieu, il demande à Jésus : « Dis seulement une parole et mon garçon sera guéri ». Jésus dit à ceux qui l’accompagnent : « Amen, je vous le dis, chez aucun en Israël, je n’ai trouvé une aussi grande foi ». Finalement, il dit au Centurion :

« Va, qu’il en soit pour toi selon ta fiance » (Matthieu 8, 5-13).

De même pour le paralytique, descendu par quatre hommes aux pieds de Jésus. Voyant leur foi, Jésus dit : « Homme, tes fautes ont été remises » (Lus 5, 18-26).

A la femme ayant une perte de sang et qui vient le toucher par derrière, Jésus dit : « Ta foi t’a sauvée » (Matthieu 9, 22).

Également pour la Cananéenne : « O femme, ta foi est grande. Qu’il en soit pour toi comme tu veux » (Matthieu 15, 28).

Aux deux aveugles qui demandent à Jésus d’avoir pitié d’eux, Jésus dit : « Avez-vous confiance que je puisse faire cela ? Oui, Seigneur ! Jésus touche leurs yeux et leur dit : Qu’il en soit pour vous selon votre foi » (Matthieu 9, 28-29).

Dans l’Évangile de Jean, nous retrouvons le mot « signe » en 17 occurrences. Jean, en effet, n’emploie jamais le mot dunamis, généralement traduit par « miracle » dans nos versions.

Un officier royal de Capernaüm vient trouver Jésus à Cana pour lui demander de guérir son fils. Jésus leur dit : « Si vous ne voyez pas de signes et de prodiges, vous n’aurez donc jamais confiance ! L’officier lui dit : Seigneur, descends avant que mon enfant ne meure. Va, ton fils vit », lui dit Jésus. Cet homme met sa confiance dans cette parole que Jésus lui a dite et part. En chemin, il apprend que son fils vit. Jean conclut ainsi : « C’est le deuxième signe que Jésus fait en venant de Judée en Galilée » (Jean 4, 48-54).

Dans le livre des Actes des Apôtres, après la guérison de l’infirme de naissance qui mendiait à la Belle Porte du Temple, Pierre dit à la foule : « Vous avez tué le Prince de la Vie.

Dieu l’a réveillé d’entre les morts. Nous en sommes témoins. Par la foi en son Nom, son Nom a affermi celui que vous voyez et connaissez. La foi en Lui a donné à cet homme sa pleine vigueur en face de vous tous » (Actes 3, 15-16).

Traduit devant le Sanhédrin, celui-ci sera obligé de reconnaître : « Oui, un signe manifeste a été fait par eux, devant tous les habitants de Jérusalem. Nous ne pouvons pas le nier » (Actes 4, 16). De même pour l’impotent de Lystre, Paul le regarde et voit qu il a la foi pour être sauvé. II lui dit : « Lève-toi droit sur tes pieds » (Actes 14, 9-10).

Conclusion

Alors que l’on a 65 occurrences du mot « signe » dans les Évangiles et les Actes, il ne figure que 7 fois dans l'Apocalypse, dans des emplois négatifs, par exemple : « Le faux prophète qui accomplit des signes au service de la Bête » (19, 20). Seulement 5 fois dans les Épîtres !

Paul dit d’Abraham « qu'il reçoit le signe de la circoncision comme sceau de la justice de sa foi » (Romains 4, 11). Autres occurrences : I Cor.14, 22 ; II Cor. 12, 12 ; II Thess. 3, 17.

On retiendra particulièrement le texte de 1 Corinthiens 1, 22-24, qui explique, sans doute, ce désintérêt pour le mot « signe ». En effet, Paul dit : « Puisque les Juifs réclament des signes et que les Grecs cherchent la sagesse, nous, nous proclamons Christ crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens, mais pour les appelés : Puissance et Sagesse de Dieu ».

Les épîtres s’adressant essentiellement à des chrétiens de culture grecque, cette proclamation de l'Évangile s'est appuyée sur la terminologie grecque et sur les abstractions de sa sagesse, en laissant peu de place à la pensée concrète du judaïsme.

Toutefois, il apparaît que dans les Évangiles le mot « signe » a une importance et une « signification » semblables à celles de l’Ancien Testament.

Le « signe » n'est qu'un « signe », et n'a aucune puissance en lui-même. Il peut être incompris, rejeté, détourné. Parfois il semble avoir eu une action décisive sur des foules enthousiastes, mais le plus souvent il a été vite oublié.

Par contre, lorsqu'il est donné pour confirmer la foi de celui, ou celle, qui a mis toute son espérance en son Sauveur, le « signe » prend alors tout son sens et son efficacité.

On notera qu'à plusieurs reprises et dans des contextes différents, Jésus a rattaché ce mot de « signe » à sa mort et à sa résurrection.

« Moi, quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous à moi. Il disait cela pour « signifier » de quelle mort il devait mourir » (Jean 12, 32).

C'est pourquoi une Croix toute simple demeure, pour les Chrétiens, un « signe » fondamental pour leur foi.

Pour ceux qu'intéresse un certain symbolisme, on remarquera que la dernière lettre de l'alphabet hébreu est le TaV, c'est-à-dire « croix ». Dès l'origine elle est représentée par deux bâtons en forme de croix. Notre T majuscule en garde le souvenir. Symboliquement, dans la pensée juive, ce TaV a pour sens « signe, marque d'alliance », mais aussi « perfection, achèvement, fin d'un processus ».

Pour nous, la Croix, comme le TaV, peut donc ainsi être le « signe de la Nouvelle Alliance », mais aussi de l’achèvement parfait de toute écriture, de toute l'Écriture, puisqu'après elle, il n'y a plus d'autre lettre…

C- Regard sur le « signe » dans le Coran

Si l'on peut constater un désintérêt de la pensée chrétienne par rapport au Signe, il en va tout autrement pour le rédacteur du Coran. En effet, grâce à la traduction récente de D. Masson, on découvre environ 310 occurrences du mot « signe », alors qu'il n'apparaissait même pas dans la traduction de Savary datant du XIX° siècle !

Dans cette ancienne version, on peut relever une grande diversité d’interprétations du seul mot « signe ». Par exemple : « religion ; Islamisme ; Loi ; doctrine ; commandement ; exemple ; marque ; puissance ; prodige ; merveille ; miséricorde ; oracle » et bien évidemment « miracle » !

Si, dans la traduction Masson, le mot « signe » traduit bien toujours le mot arabe AyA, alors cette version nous permet de découvrir une intuition d'une grande richesse et une profondeur de sens remarquable dans l’emploi de ce mot « signe ».

Même si des parallèles sont évidents entre certaines Sourates et des versets de la Bible, l'emploi du mot Ayah peut enrichir notre réflexion. Ce mot Ayah est en fait bien connu aujourd'hui puisqu’on le trouve dans le mot « Ayatollah », titre le plus élevé dans la hiérarchie des Ulémas et qui se traduit par « Signe d'Allah ».

L’Islam reprend donc à son compte cette image de l’Ancien Testament où certains hommes étaient reconnus comme « Signe de Yahvé » (Ésaïe 8, 18).

Le mot signe s'applique, dans le Coran, à tout ce qui touche la Création : la succession des jours et des nuits, liée aux significations symboliques concernant la Lumière et les Ténèbres ; l’eau qui rend la Vie à une Terre devenue comme morte par suite de la sécheresse, reliée à l'idée de résurrection ; l’observation des bateaux qui flottent sur la mer ou du vol des oiseaux ; les différentes couleurs ; les abeilles dont le miel sert à la guérison : autant de signes visibles offerts au regard et qui deviennent comme autant de paraboles, de réalités spirituelles, que ceux qui discernent ces « signes » sont seuls à même de « saisir » en tant que donnés par Dieu aux hommes, comme des « avertisseurs ».

De l'histoire biblique, le Coran reprend de nombreux « signes » attachés, soit à des personnes, soit à des choses ou à des événements. Par exemple : les histoires de Noé, d'Abraham ou d'Isaac ; le cri de Sodome ; la vie de Moïse avec tout ce qui se rattache à la libération de l’esclavage en Égypte, ou bien celles de Joseph, Daniel, David et des Prophètes. Tous furent des « signes » donnés au Peuple d'Israël, tout comme le premier Temple, la Torah, « le Livre des Livres », sont autant de « signes » offerts à ce peuple.

Une place importante est faite à Zacharie et à son fils Jean, à Marie vers laquelle l'Esprit est envoyé pour lui donner un Fils, alors qu’aucun mortel ne s'est approché d'elle : « Ton Seigneur a dit : Cela m’est facile, Nous ferons de Lui un Signe pour les hommes, une miséricorde venue de Nous. Le décret est irrévocable » (Sourate XIX, 21 ; Cf. III, 45-49 et XIII, 50)

A plusieurs reprises le Coran rappelle que tous ces signes furent rejetés par bien des hommes auxquels, pourtant, ils étaient destinés : « Ils les traitèrent d'actes de magie, de mensonges, ou les troquèrent à vil prix ».

Et pourtant ces signes de Dieu sont mis en évidence par Lui dans l'Univers et dans le coeur des hommes.

« II a mis à notre service tout ce qui se trouve dans le Ciel et sur la Terre. Tout vient de Lui. Il y a vraiment là des signes pour un Peuple, des signes évidents dans le coeur de ceux qui réfléchissent, la crainte révérencielle de leur Seigneur devenant elle-même le meilleur signe pour le Monde » (VII, 26).

II- Analyse des notions de « Sacrement, Sacré, Sacrifice » :

- Un sacré mystère

En général les Églises Chrétiennes reconnaissent que ce qu'elles nomment « Sacrements » sont effectivement des « Signes ». Pour l'Église Romaine, « le terme sacramentum exprime davantage le signe visible de la réalité cachée du Salut indiquée par mysterium » (Saint Augustin). « Le sacrement est un signe visible de chose sacrée » ou « une forme visible de la grâce invisible ». Pour l'Église Orthodoxe, « le sacrement est une action sainte en laquelle, sous le signe visible, l'invisible grâce de Dieu est communiquée au croyant ».

Pour Luther, « il faut savoir ce que le baptême signifie et pourquoi Dieu, en l'instituant, a fait précisément d'un tel signe, le sacrement par lequel nous sommes reçus dans la chrétienté ». « Si, dans la Cène, Christ m'ordonne de manger et de boire, c'est pour que ce trésor devienne mien et me soit utile comme un gage et un signe certain. Quand la Parole se joint à l'élément, l'élément devient sacrement, c'est-à-dire chose sainte et signe divin ».

Pour Calvin, « le sacrement est une marque extérieure de la grâce de Dieu qui, par un signe visible, nous représente les choses spirituelles. Comment se peut-il qu'un signe visible ait vertu d'assurer la conscience ? Il ne l'a pas en lui-même, mais en tant qu'il est établi de Dieu pour cette fin ». « Le sacrement est un signe extérieur par lequel Dieu scelle en nos consciences les promesses de sa volonté bonne envers nous et pour confirmer l'imbécillité de notre foi ».

Que dire de ce mot de « sacrement » si l'on compare la fréquence et le sens de ce terme dans l'Écriture à l'importance considérable qu'il occupe dans la réflexion, la « théologie » et la pratique des Églises ? Le constat est troublant !

En effet, dans l'Ancien Testament, on ne trouve le mot latin sacramentum qu' à 4 reprises, dans la partie araméenne du Livre de Daniel. Il sert à traduire le nom grec mustêrion qui a le même sens que l'araméen RaZ.

-2, 30 : « Ce n'est pas par ma sagesse que ce mystère m'a été découvert ».

-2, 47 : « Le roi dit à Daniel : Votre Dieu est en vérité, le découvreur des mystères (mysteria) puisque tu as pu découvrir ce mystère ».

-4, 16 : « Nul mystère n'est trop lourd pour Toi ».

-2, 18-19 : Daniel demande la compassion de Dieu au sujet de ce « mystère » (sacramentum). « Alors le mystère (mysterium) est révélé à Daniel ».

On constate que pour Jérôme, mysterium et sacramentum ont la même signification.

4 autres emplois de sacramentum se trouvent dans les Apocryphes pour traduire le grec mustêrion.

Dans le Nouveau Testament, on ne relève que 8 occurrences de sacramentum :

-Colossiens 1, 27 : « Richesse et gloire de ce mystère parmi les nations ».

-Éphésiens 1, 9 : « II nous a fait connaître le mystère de sa volonté ».

-3, 3 : « C'est par révélation que ce mystère a été porté à notre connaissance ».

-3, 9 : « Mettre en lumière la réalisation des mystères cachés de tout temps en Dieu ».

-5, 32 : « Les deux sont une seule chair : ce mystère est grand, je le dis de Christ et de l'Église ».

-I Timothée 3, 16 : « Grand est le mystère de la piété ».

-Apocalypse 1, 20 : « Le mystère des sept étoiles... »

-17, 7 : « Je te dirai le mystère de la femme et de la bête qui la porte ».

Ainsi, tant dans l'Ancien Testament que dans le Nouveau, le nom de « sacrement » ne correspond en rien avec tout ce que les Églises ont développé à partir de ce concept.

Or ce mot est toujours à la base de nos divisions les plus profondes…

L'Ancien Testament utilise le mot araméen RaZ signifiant « mystère » uniquement dans le livre de Daniel. Comme nous l'avons vu, la LXX le traduit par mustêrion dans les deux versions de ce livre ; la Vulgate 5 fois par mysterium et 4 fois par sacramentum.

A. Chouraqui a jugé bon d’employer le mot « sacrement » pour désigner « les choses mises à part » pour le service de Dieu. Par exemple : « Ainsi s’achève tout le travail pour la Maison de Yahvé. Puis Salomon fait venir les "sacrements" de son père : l'argent, l'or, les objets. Il les donne aux trésors de la Maison de Yahvé » (I Rois 7, 51 cf. II Samuel 8, 11).

En français, le mot « sacrement » vient du latin « sacramentum » issu de la racine indo-européenne SaK- d'une part le mot « sacré » : « caractère donné à une personne ou à une chose « consacrées » au service de la divinité », mot dont sont issus une trentaine de mots français (y compris quelques interjections !).

-d'autre part le mot « sainteté » : « état de ce qui a été sanctifié », mot auquel se rattache une douzaine de mots.

- Retour à l’origine du « sacré »

Malgré certaines réticences, il semble nécessaire de revenir à l’étymologie afin de retrouver le sens originel de mots qui se sont chargés de tant de significations contradictoires au cours de l'Histoire.

A l'origine, on trouve en Hébreu le verbe QâDaCh qui signifie « qui sort du commun, ce qui s'élève au-dessus de l'ordinaire ».

La première mention de ce verbe se trouve dans Genèse 2, 3 et concerne le septième jour.

La traduction Bayard reprend, enfin, le sens premier : « Dieu le bénit et le mit à part », alors que l'on peut lire dans d'autres versions : « Dieu le rendit sacré » (Tour de Garde), « en fit un jour sacré » (Nlle Segond), « l’a proclamé saint » (Trad. Juive), « un jour qui Lui est réservé » (Français Courant).

Si ce Septième Jour est tellement Saint, de quel droit certaines Églises ont-elles déplacé le Sabbat au Dimanche ? Ce jour est mis à part pour que l'homme se repose de toute l'oeuvre qu'il a dû accomplir en six jours, et d'autre part pour qu'il offre ce temps qui lui est donné pour le service de son Seigneur et de son prochain.

Ce n'est pas le septième jour qui serait, en lui-même, « sacré » : « Heureux l'homme qui observe le sabbat sans le profaner » (Ésaïe 56, 2).

Le 7° jour n'est pas « saint », c'est nous qui le mettons à part des autres jours de la semaine, dans la reconnaissance pour ce don qui nous est fait.

Lorsqu'on lit les interminables prescriptions contenues dans les textes rabbiniques concernant la sanctification du Sabbat, on comprend mieux ce qu’est pour eux ce Jour Saint ! Reconnaissons que nos Églises n'ont pas toujours fait mieux !

Or cette « mise à part » était pour le monde un « signe » de la fidélité et de l’amour du peuple de Dieu pour son Seigneur ! (Exode 31, 12 à 17).

Ainsi est-on passé de la grâce, du don d'un jour offert, à tout un ensemble de règles et d'interdits auxquels le fidèle doit se soumettre. C'est pourquoi Jésus, bien souvent, transgressera ces règles afin de nous faire comprendre que « le sabbat a été fait POUR l’homme et non pas l'homme POUR le Sabbat » (Marc 2, 27).

Ce sens fondamental de « mise à part » est bien illustré par ce qui est dit de ce Juif pieux qui « sanctifie » un de ses champs pour Yahvé (Lévitique 27, 16). Ce morceau de sa terre n'est pas plus « saint » que les autres. Toutefois il va le cultiver avec un soin particulier. Il mettra autour une clôture avec cette inscription : « Sanctifié pour Yahvé ». Il est évident qu'aucun juif pieux n'aurait osé pénétrer dans un tel champ et encore moins y arracher quelques épis, car il aurait piétiné et dérobé ce qui appartenait à Dieu.

On peut comprendre, par cet exemple, comment on a pu passer de l'idée de « mis à part » à celle de « sacré », de « tabou » ou « d'intouchable »…

Or on peut entendre aujourd'hui certains Rabbins dire publiquement qu' « il n’y a pas de choses saintes en soi, au sens où nous l'entendons ; il n'y a pas même de Terre Sainte ».

C'est donc cette image de « mis à part » que nous devrions avoir à l'esprit lorsque nous employons des termes issus de la racine SaK-.

L’hébreu utilise la racine QDSh pour désigner Dieu Lui-même, son Nom, son Souffle, son bras, sa Parole ou son Alliance, mais également tout ce qui est mis à part pour Lui : la Terre, son Peuple, son Sanctuaire, le Sabbat, les Sacrifices, l’Huile ou tout ustensile utilisé pour son seul service…

Dieu est déclaré Saint, ou bien son Nom (Nom et Personne se confondent en hébreu).

Comment l’homme pourrait-il le rendre saint ou bien le « sanctifier » ? Cela n’a guère de sens ! Sauf si nous comprenons qu’il nous appartient de mettre notre Dieu totalement « à part » de toutes ces divinités que nous nous fabriquons et auxquelles nous nous asservissons.

Ceci est tellement important que, pour un Juif fidèle, le nom même de Yahvé, (qui en réalité est une forme verbale : Il a été, Il sera) ne peut pas être prononcé par la bouche de l’homme. Il était proclamé, une fois par an, par le Grand Prêtre, dans le Saint des Saints, le jour de la fête de Yom Kippour.

Les chrétiens prient en disant « Soit sanctifié Ton Nom, par moi, en cet aujourd’hui », c’est à dire : « que je ne profane pas ton Nom de Père en ce jour qui m’est donné, Toi qui as tant aimé le Monde ».

On peut constater que l’hébreu utilise cette racine QDSh pour désigner un ou une prostituée, ce qui montre bien qu’il ne s’agit pas de « petits saints » ! (Genèse 38, 15, 21, 22). « Il ne sera pas de prostitué parmi les fils et les filles d’Israël » (Deutéronome 23, 18).

Dans la LXX, le mot Hagios sert à traduire une vingtaine de termes hébreux, les plus fréquents étant ceux issus de la racine QDSh (573 occurrences).

Il faut ajouter en grec les mots de la famille de Hiereus, traduisant la racine hébraïque KHN qui concerne principalement le sacerdoce et les prêtres, ainsi que ceux de la racine Thu-, traduisant celle de l’hébreu ZBH, désignant les sacrificateurs et les sacrifices.

Ces différents mots hébreux et grecs sont le plus souvent rendus, en latin, par des mots construits sur cette racine SaK-, en particulier celui de sacramentum, que l’on rattache spontanément à un acte « sacré ». De façon unanime, les spécialistes rappellent qu’en latin, ce mot désignait à l’origine le dépôt fait par chacun des plaignants entre les mains du pontife. Celui du perdant servait au service des dieux. Le mot désignait aussi le serment prononcé par un militaire s’engageant au service d’un consul. Comme il a été montré précédemment, Jérôme l’emploie uniquement pour traduire l’idée de « mystère ».

Ce que l’Église a construit à partir de ce mot sacramentum ne se fonde donc, en aucun cas, sur ce que nous dit l’Écriture.

Cette réflexion doit s’étendre à tous les termes issus de cette même racine et que nous avons multipliés dans nos Églises. Ainsi pour les « saints »…

La prière « sacerdotale » de Jésus est parfaitement explicite à ce sujet lorsqu’il dit : « Je leur ai donné Ta Parole et le Monde les a haïs parce qu’ils ne sont pas du Monde, comme moi je ne suis pas du Monde. Mets-les à part par la Vérité : Ta Parole est la Vérité. Comme Tu m’as envoyé dans le Monde, de même moi, je les envoie dans le Monde. Je me mets moi-même à part pour qu’eux aussi soient mis à part par la Vérité » (Jean 17, 14-19).

Ainsi, parce que nous recevons la Parole, celle-ci nous met à part dans ce Monde, et elle nous sort de l’ordinaire, afin que nous soyons dans le Monde les témoins de l’amour de son Sauveur : « En cela tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jean 13, 35).

Nous sommes DANS le Monde, mais nous ne sommes plus DU Monde :

« Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous tenez de Dieu et que vous n’êtes plus à vous-mêmes ! (I Cor. 6,19).

Tel est le « Saint », « sanctifié » par une Parole qui est la Vérité !

- De l’inutilité des sacrifices

Lorsqu'en 1976 est paru « Le Nouveau Livre de la Foi », ceux qui œuvraient avec au cœur l'espoir de l'Unité de l'Église s'étaient réjouis en le lisant.

Par exemple ceci : « ce que Luther attaquait, c'était les représentations selon lesquelles la Messe est un NOUVEAU SACRIFICE dans lequel la mort de Christ est répétée pour nous et qu'il en résulte des effets automatiques et irrésistibles ».

De tout cela, il ne subsiste aujourd'hui absolument rien, puisque, quinze ans plus tard, le Catéchisme de l'Église Catholique a confirmé toute l’importance qu’elle accorde en fait à ce mot, dans de nombreux textes concernant en particulier l’Eucharistie.

Par exemple, « Notre Sauveur, la nuit où il fut livré, institua le sacrifice eucharistique de son corps et de son sang pour perpétuer le sacrifice de la Croix au long des siècles, jusqu'à ce qu'il vienne ». « Saint Sacrifice : parce qu'il actualise l'unique sacrifice du Christ Sauveur et qu'il inclut l'offrande de l'Église ».

La seule question est alors la suivante : pourquoi l'Église Catholique maintient-elle, jusque dans les formules liturgiques, le mot « sacrifice », alors que ce qu'elle veut dire : le don de l'Église à Dieu, pourrait s'expliquer autrement ?

Le grec thusia (environ 350 occurrences dans la LXX) a été choisi pour traduire 7 termes hébreux qui précisent, chacun, l'une des formes rituelles des sacrifices.

Il est traduit dans la Vulgate par Sacrificium, parfois par Hostia ou Holocaustum.

Dans le N.T., le mot Thusia est présent 5 fois dans les Synoptiques, 2 fois dans les Actes, 6 fois dans les Épîtres et 15 fois dans celle aux Hébreux.

Aucune occurrence chez Jean.

Ces quelques emplois sont particulièrement significatifs :

-Matthieu 9, 13 et 12, 7 : « Je veux la miséricorde et non le sacrifice ».

-Marc 12, 33 : « Aimer le prochain comme soi-même est bien plus que tous les holocaustes et les sacrifices ».

Rappelons aussi le « sacrifice » offert par Marie lors de la Présentation de Jésus au Temple et « le sang des Galiléens que Pilate mêle à celui de leurs sacrifices » (Luc 13, 1).

-Actes 7, 42 : « M'avez-vous offert des sacrifices au désert ? »

-Romains 12, 1 : « Je vous exhorte à offrir vos corps en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu ».

Mais en vérité, « que pouvons-nous Lui donner, Lui sacrifier ? Tout Lui appartient »

(I Chroniques 29, 14).

L'Épître aux Hébreux est essentielle pour essayer de comprendre la mutation spirituelle que les Juifs fidèles devenus chrétiens ont dû opérer en eux-mêmes, particulièrement au sujet des « sacrifices » dont la tradition millénaire se perpétuait encore sous leurs yeux !

En effet, la rédaction de cette Épître précède nécessairement la chute de Jérusalem et la destruction du Temple, et par conséquent la fin de tous les sacrifices offerts sur l'Autel !

L'auteur de l'Épître met ses lecteurs en garde : « malgré les mêmes sacrifices offerts chaque année, la Loi ne peut rendre parfaits ceux qui les présentent » (10, 1 ; cf. 9, 9), ou « offrant des sacrifices qui ne peuvent jamais enlever les péchés » (10, 11).

Puis il ajoute : « Il est impossible que du sang de taureaux ou de boucs ôte les péchés.

C'est pourquoi, en entrant dans le monde, il dit : Tu n'as voulu ni sacrifice, ni offrande, mais tu m'as formé un corps ; tu n'as agréé ni holocaustes ni sacrifices pour le péché. Alors j'ai dit :

Je viens - dans le livre-rouleau c'est écrit à mon sujet - pour faire, ô Dieu, ta volonté » (10, 4-8).

Certes, l’auteur ne se dégage pas de cette idée d’une offrande ou d’un sacrifice en compensation des fautes commises, mais il ajoute : « c’est dans cette volonté que nous avons été mis à part, par l’offrande du corps du Christ, une fois pour toutes…par un seul sacrifice, …par une seule offrande » (10, 10-14) !

Il est évident qu’au Vendredi Saint aucun des acteurs n’offre un « sacrifice » à Dieu ! Ni Pilate, ni le Grand-Prêtre, ni la foule qui crie : « Crucifie ! Crucifie ! Nous n’avons pas de roi, sinon César ! »

Il s’agit d’un crime politico-religieux, et non pas d’un sacrifice…

Si le Seigneur n’a rien à faire de la multitude des sacrifices, s’il est rassasié des holocaustes, s’il ne prend aucun plaisir au sang des victimes, comment pourrait-il agréer ce meurtre insoutenable de son Fils ? (Ésaïe 1, 10-15)

Mais ce Fils, au lieu d’anéantir ceux qui le rejettent, prie son Père en disant : « Père, pardonne- leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23, 34).

C’est ainsi qu’il accomplit la volonté de son Père, car cette volonté n’est pas qu’il anéantisse les hommes, mais qu’il sauve ces êtres qu’il aime d’un Amour que nous ne pouvons comprendre (Luc 9, 55).

Assurément, on peut dire que Jésus nous donne sa vie parce qu’il accepte la Croix, au lieu de se sauver lui-même en nous perdant à jamais !

Notre Salut tient donc bien dans cette seule Parole : « Père, pardonne-leur », car c’est là que s’épuise, une fois pour toutes, ce que nous nommons « sacrifice ».

La Croix reste, pour nous, le « Signe » parfait de ce Salut qui nous est donné par Amour.

La Croix n’est pas un gri-gri ayant en lui-même quelque vertu, mais elle demeure le « signe » qui nous rappelle toujours combien nous sommes aimés par notre Sauveur.

III- Ouvertures :

-De l’efficacité du « signe »

Il est évident que le problème de l'efficacité de ce que les Églises nomment « sacrements » demeure au coeur de notre réflexion commune. Certes, si les différentes confessions chrétiennes les reconnaissent bien comme étant des « signes », leurs textes fondamentaux développent essentiellement la notion de « sacrement », dont nous venons de voir qu'elle n'a aucun fondement biblique, au détriment de celle de « signe » pourtant bien présente, dès l'origine, dans l'Écriture.

Si le Baptême et la Cène ne sont pas formellement définis comme étant des « signes » dans le Nouveau Testament, toutefois la Circoncision a bien été donnée comme « signe de l'Alliance entre Dieu et son Peuple » (Genèse 17, 11).

Paul précise même qu'Abraham « reçut le signe de la circoncision, sceau de la justice obtenue par la foi, celle qu'il eut étant incirconcis » (Romains 17, 11). Cette circoncision sera mise en parallèle avec le baptême, « signe » de la Nouvelle Alliance (Colossiens 2, 11 et ss).

De même pour le Repas de la Pâque : le pain azyme était, pour les juifs, un « signe » rappelant leur libération de l'esclavage en Égypte (Exode 13, 9). Certaines communautés juives ont conservé le sacrifice de l'agneau Pascal, par exemple les Samaritains qui chaque année célèbrent la Pâque pendant huit jours sur le Mont Garizim, sur le grand rocher, semblable à celui de Jérusalem, et sur lequel était édifié le Temple de Yahvé.

« Le sang de l'agneau sera pour vous en signe. Je verrai le sang, Je passerai au-dessus de vous » (Exode 12, 13).

Au cours du repas Pascal, Jésus reprend ces signes et leur donne une signification nouvelle : « Ceci, mon corps ; ceci, mon sang répandu pour beaucoup ».

Paul nous rappelle cette conclusion liturgique : « Toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, c'est la mort du Seigneur que vous annoncez jusqu'à ce qu'il vienne » (I Cor. 11, 26).

Baptême et Cène ont donc un lien profond avec les « signes » donnés par Dieu à son Peuple.

Les Églises déclarent généralement « fonder leur enseignement uniquement sur l'Écriture ». Elles exhortent leurs fidèles à « ne pas négliger les « sacrements » que le Seigneur a Lui-même institués et ordonnés comme en témoignent les Évangiles ».

Mais si nous lisons simplement ce que Jésus a ordonné à ses disciples de faire au sujet du baptême, on voit qu'il leur dit :

- « Allez. »

-« Faites de toutes les Nations des disciples » …

-« les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » …

- « et leur enseignant à garder tout ce que je vous ai enseigné » (Matthieu 28, 19-20).

D'après cette parole, c'est la prédication de l'Évangile qui amène à la foi et à la décision de suivre son Sauveur. Elle sera suivie du baptême, et ensuite viendra l'enseignement.

Marc ne dit rien d'autre dans une conclusion contestée de son Évangile, lorsqu'il écrit : « L'ayant foi, étant baptisé, sera sauvé. Par contre celui qui n'a pas la foi sera condamné » (Marc 16, 16).

Les Actes des Apôtres et les Épîtres montrent bien que les Apôtres ont suivi la parole de leur Maître. Dès le jour de Pentecôte, ceux qui ont été touchés par la prédication de Pierre demandent aux apôtres : « Frères, que ferons-nous ? » II leur est répondu : « Changez radicalement, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour la remise de ses fautes, et vous recevrez le don de l’Esprit saint » (Actes 2, 37-38).

Ceci est confirmé par la Didachè, ce petit vade-mecum destiné aux premiers évangélistes.

Il y est prescrit : « Après avoir enseigné tout ce qui précède, baptisez dans de l'eau courante, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. S'il n'y a pas d'eau courante, qu'on verse trois fois de l'eau sur la tête ».

On peut également considérer les Baptistères médiévaux, tels ceux de Florence ou de Pise, construits aux XIII° et XIV° siècles. Ce sont de grandes constructions, 35 mètres de diamètre pour celle de Pise, édifiées face au portail des cathédrales. Les catéchumènes venaient des paroisses de la ville dans la nuit de Pâques vers cet édifice où ils étaient immergés nus dans l'eau. Ensuite ils repartaient vers l'Église, revêtus d'une robe blanche, et ils participaient à la veillée Pascale avant de recevoir l'eucharistie au matin de Pâques dans la Lumière de la Résurrection.

Vraisemblablement il n'y avait pas là de nourrissons…

Cependant la définition du « péché originel » comme « étant un véritable péché chez les petits enfants » -décrets des Conciles de Carthage (418) puis d'Orange (529)- a dû plonger dans une grande détresse les parents d'un enfant mort sans baptême puisqu'il n'avait pas la foi.

L'élaboration du concept de « sacrement » au cours du Moyen Age a finalement abouti aux déclarations du Concile de Trente (1545-1563) dans lesquelles il est affirmé : « Si quelqu'un dit que les sacrements de la Loi Nouvelle ne contiennent pas la grâce qu'ils signifient, ou qu'ils ne confèrent pas cette grâce à ceux qui n'y mettent pas d'obstacles, comme s'ils étaient seulement des signes extérieurs de la grâce ou de la justice reçue par la foi, qu'il soit anathème » (DS 849).

« Les sacrements de la Loi Nouvelle effectuant ce qu'ils figurent, ils contiennent et confèrent la grâce du Christ. Ils le font ex opere operato » (DS 1668).

Ainsi toute la richesse spirituelle des « signes » a disparu pour faire place à des « sacrements qui sont efficaces en eux-mêmes par le seul fait de leur administration », ceci étant dit à l’époque pour « combattre les affirmations de la Réforme ».

Toutefois on peut estimer qu'il y a erreur lorsqu'on écrit que « pour la doctrine protestante, tout salut et toute grâce ne peuvent venir à l'homme que par la foi seulement ; de même les actes sacramentels dans l'Église du Christ ne sont efficaces que par la foi seule ».

C'est ce qu'on peut penser de nous, mais pour nous, ce n'est pas « la foi qui nous sauve », car notre salut serait alors oeuvre humaine !

Seul, notre Sauveur nous sauve par pure grâce.

Ce salut parvient au plus profond de nous-mêmes, uniquement à travers la foi, la confiance, en la Parole de notre Sauveur.

L'auteur de l'Épître aux Éphésiens l'a remarquablement exprimé lorsqu'il écrit : « Par la grâce vous avez été sauvés à travers la foi. Cela ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu » (2, 8 ; Traduction La Pléiade). Il emploie la préposition grecque Dia avec le génitif. Elle indique un mouvement et peut se traduire par « au travers », « en passant par », « par l'entremise de… ». On la traduit souvent par « au moyen de », mais il faut la comprendre comme un intermédiaire et non comme un instrument.

Par suite de notre faiblesse, notre foi a besoin de signes, tout comme l'amour, ou l'annonce d'une bonne nouvelle !

La grâce de Dieu, et son Amour pour sa création, sont proclamés à tous avec nos « moyens » humains.

Pour celui qui perçoit et entend cet Évangile et met sa confiance dans le Seigneur, alors les « signes » du baptême et de la Cène lui « signifient » que cette Parole lui est bien personnellement adressée. Ils sont comme le sceau qui scelle une alliance nouvelle.

« Je t’ai aimé, toi, jusqu'à donner ma vie pour toi. Tu es passé de la mort à la vie. Je ne te condamne pas, va et ne faute plus ».

Paul ne pouvait écrire lui-même ses lettres, mais il tenait à les « signer » : « la salutation est de ma main, c'est un signe dans chaque lettre : j'écris ainsi » (II Thessaloniciens 3, 17). Sans doute avec de grosses lettres, comme il le dit aux Galates ! (6, 11).

Une lettre peut nous parvenir signée ou non signée. Le contenu serait exactement le même et pourtant l'une sera reçue et l’autre rejetée.

Ainsi, le « signe » ou le « sceau » authentifie la Parole qui m'a été adressée à moi, personnellement.

-Une question substantielle

En ce qui concerne l'Eucharistie, les Églises emploient de grands mots : Transsubstantiation, (Romaine et Orthodoxe) ; Consubstantiation (Luthérienne) ; Présence réelle (Réformée) ; Mémorial, pour d'autres.

Des mots nouveaux apparaissent comme « transfinalisation » ou « transsignification »…

L'étude du mot « substance » est particulièrement complexe. Il vient du latin substantia qui a traduit très exactement le mot grec upostasis, qui donne « hypostase » en français.

Upostasis n'a que 5 occurrences dans le Nouveau Testament, le texte le plus connu étant celui d'Hébreux 11, 1 : « La foi est l'hypostase de ce qu'on espère ».

Ce mot est traduit dans les plus anciennes des 25 versions consultées par « fondement » (Olivétan), « devantmise » (Castellion), ou « soustènement » (Louvain).

Par la suite on trouve : « assurance » (dans 5 versions) ; « substance » (4) ; « garantie » (3) ; « manière de posséder » (3) ; « rend présentes » (2) ; « ferme attente » ; « vive représentation » ; « être sûr de ce qu’ on espère » ; « consiste à réaliser » ; « la réalité » ; « solide confiance »

(1 version seulement).

Etymologiquement « substance » signifie « ce qui est dessous ». Ce n'est que tardivement, vers le XV° siècle, que ce mot désignera « une matière ou un corps matériel ».

Si tous les grands développements « théologiques » concernant les éléments des sacrements : eau, pain, vin, sont souvent remarquables d'un point de vue conceptuel, ils divergent malheureusement selon les différentes confessions et ont finalement emmuré chacune des Églises dans sa propre « Vérité ».

Or toutes ces formulations humaines apparaissent comme infiniment éloignées de l'extrême simplicité des Paroles que Jésus nous a laissées : « Ceci : mon corps. Ceci : mon sang. ».

Au cours de son dernier repas de la Pâque, Jésus a certainement dit le rituel en hébreu : « Voici le pain de misère que nos ancêtres mangèrent en Égypte ». « Sois béni, Yahvé notre Dieu qui nous as sanctifiés par tes commandements et nous as ordonné de manger le pain azyme ». « Sois loué, Yahvé notre Dieu, qui as créé le fruit de la vigne ».

A ces paroles Jésus ajoute : « Ceci, mon corps ».

Il n'a pas pu dire : « Ceci est mon corps » comme le rapportent, en grec, Matthieu, Marc, Luc et Paul dans I Corinthiens 11, 24.

De même, au sujet de la coupe, Jésus dit, d'après Matthieu et Marc : « Ceci est mon sang ». D'après Paul : « Cette coupe est la Nouvelle Alliance en mon sang ».

Mais d'après Luc : « Cette coupe, la Nouvelle Alliance en mon sang », sans verbe être, conformément à l'hébreu.

On peut remarquer que la traduction de ces textes en hébreu n'emploie pas le verbe « être ». Jésus n'a pas pu dire : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang » de manière ontologique, comme certains le comprennent, c'est-à-dire « l'Être en soi », verbe réservé à Dieu seul et qu'on ne prononce jamais.

Aujourd'hui certains auteurs pensent que l'on peut comprendre ainsi les paroles de Jésus :

« Ce pain « signifie » mon corps. Ce vin « signifie » mon sang ».

-Pour poursuivre

En redécouvrant la valeur des « signes » intimement liés à la Parole ainsi que leur profonde efficacité spirituelle, l'Église pourrait permettre à tous ceux qui mettent leur confiance et leur espérance en Christ de se retrouver d'un même coeur, autour d'une même Table, pour recevoir le Signe et le Sceau de la Grâce qui les fait vivre…

Nous avons essayé de comprendre que l'efficacité des « signes » ne réside pas dans leur matérialité, mais bien dans la Parole qu'ils nous signifient.

Lorsqu'une créature perçoit ainsi avec confiance la Parole d'amour et de vie que son Créateur lui adresse personnellement, alors il peut être reconnaissant pour tous ces « signes » placés sur son chemin afin de lui DIRE et de lui REDIRE la PAROLE de Vie.

Il appartient à chacun, avec le secours de l'Esprit, d’entendre et d’écouter cette Parole !

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