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Théodore Monod : la foi et le respect

"Si l'on devait trouver quelques termes pour définir la personnalité de Théodore Monod, sans doute seraient-ils "curiosité", "convictions", ou "fidélité", et encore "foi et respect".

Dès l'enfance, Théodore Monod ne se lasse pas de chercher questions et réponses sur l'univers, Dieu, le monde, etc.Réponses d'abord suggérées ou données par ses parents, Dorina et Wilfred Monod, pasteur dans la "tribu" des Monod comme se plaît à dire Théodore.

L'abondante correspondance, que Théodore entretient avec ses "parents bien-aimés", comme son "journal" témoignent de cette curiosité.Car Théodore écrit et dessine. Beaucoup. Dans ce "journal", ses lettres, ses poèmes, ses prières, ses recherches scientifiques, il expose régulièrement et clairement ses interrogations ou ses certitudes.Le bel esprit du chercheur, à la fois d'analyse et de synthèse, est tout entier dans ses textes.

A 15 ans l'adolescent a créé une Société d'histoire naturelle ; à 24 ans le jeune homme a soutenu sa thèse de sciences ; à 25 ans, il a rédigé un livre de prières pour le "Tiers ordre des Veilleurs" créé par son père.

Sa correspondance, d'une écriture élégante, parfois pleine d'humour, relate avec minutie ses innombrables traversées du désert, ses rencontres aussi diverses que celles d'André Gide, Albert Schweitzer ou Amadou Hampaté Bâ, ses attentes spirituelles et ses découvertes scientifiques.

Rien n'entamera d'ailleurs son goût et sa rigueur pour ces deux domaines, essentiels pour lui, du spirituel et du scientifique. En effet si Théodore Monod doit faire, à 20 ans, le choix difficile de la profession, entre le pastorat et la science, il saura tout au long de sa vie concilier ces deux recherches. En attestent les longs et riches débats avec Teilhard de Chardin, ou le déroulement de sa propre existence où se répondent et s'entrecroisent la foi et la recherche, l'existence de "l'apprenti enfant du Ciel et l'enfant de la terre" tel qu'il se définit lui-même.

Nicole Vray
Auteur de "Monsieur Monod, scientifique, voyageur et protestant"
Ed. Actes Sud

Chrétien social et libéral

L'homme des déserts où il retrouve dans la solitude ses "sources", était aussi un passionné des questions sociales et du "vivre ensemble".Il a toujours appartenu au mouvement du christianisme libéral et social. Son père, le pasteur Wilfred Monod stigmatisait déjà les scléroses ecclésiastiques: "Le christianisme s'est blotti paresseusement dans la coquille de la religion sacramentelle". C'est pour un christianisme dynamique et ouvert sur le monde que Théodore Monod s'est aventuré toute sa vie d'homme de foi.

Jusqu'à ses dernières forces Théodore Monod a été un "battant". Dans ses écrits, ses conférences, ses interviews et sa présence sur les lieux de manifestations publiques, il a cru avec Gandhi et Martin Luther King à la puissance de la non-violence active. En particulier, comme scientifique, il était opposé à l'arme atomique à cause de ses destructions monstrueuses et de ses conséquences incontrôlables pour notre planète.

Pour lui l'homme est encore "en devenir" et l'humanité en voie d' "homminisation". L'homme doit évoluer de la violence barbare à la paix du coeur et la solidarité sociale.

On lui objectait un jour, en public, que la méthode non-violente était un processus à long terme et exigeait beaucoup de temps. Il répondit immédiatement : "Raison de plus de commencer tout de suite".

En disciple reconnaissant de François d'Assise, Théodore Monod a lutté pour le respect de la création. Il a combattu avec zèle pour supprimer les souffrances des animaux (Vivisections, chasse, mauvais traitements). L'unité de la vie sur la Terre impose des solidarités et des attentions spéciales aux vivants, créatures du Dieu d'amour, famille du Père.

Comme chrétien convaincu, Théodore Monod s'affichait "pré-nicéen".Sa foi se rattachait à celle des croyants d'avant les Conciles qui par la promulgation de "dogmes" ont jugé, condamné, exclu, anathémisé et divisé. Le premier concile doctrinaire fut celui de Nicée (325) où l'Empereur païen a imposé sa volonté aux Eglises.Son christianisme était sans exclusive. "Pour moi, il y a une montagne, la même pour tous, que nous gravissons les uns et les autres par des sentiers différents.Les uns montent par ici, d'autres par là, mais nous avons tous les uns et les autres, l'ambition ou l'espoir de nous retrouver au sommet, dans la lumière, au-dessus des nuages".

Dans ses déplacements dans les déserts (du Sahara à l'Asie), il vivait une existence très "spartiate" qu'il raconte avec humour, toujours, pince-sans-rire, dans ses ouvrages. Il plaisantait à propos de lui-même avec beaucoup d'esprit et d'humilité.

Mais cette discipline personnelle de vie, il l'appliquait avec une grande discrétion dans sa conduite quotidienne.

Dans la simplicité, il vivait l'abstinence complète d'alcool et de tabac, la marche à pied, la recherche des moindres traces de vie végétale et animale (les éponges sous les ponts de Paris, la botanique des voies aériennes du Métro...) qui le faisait s'émerveiller de la beauté de la nature. Il se récitait chaque jour pour lui-même les Béatitudes en grec néo-testamentaire, selon l'habitude du "Tiers Ordre protestant des Veilleurs" auquel il appartenait.En communion avec les musulmans, et en particulier avec ses amis les Souffis, il jeûnait le vendredi. Mais d'une manière générale il pratiquait le végétarisme, sans rigorisme ou casuistique. Il savait s'adapter et vivre les contraintes avec une bonne humeur conviviale.

Christian Mazel

Savant et croyant

CHR.M. : Est-ce qu'un scientifique a une manière particulière de lire la Bible ?

TH. M. : Je ne sais pas, cela dépend de bien des choses, cela dépend de quelle partie de la Bible, il s'agit. Cela pose tout le problème de l'adéquation des récits bibliques aux problèmes scientifiques. C'est un problème extrêmement général.

Tout esprit qui veut avoir un contact avec la Bible de façon précise et efficace, doit opérer un certain nombre de distinctions entre les parties de cette bibliothèque. Il doit également s'informer autant que possible de l'histoire de cette bibliothèque et replacer les textes dans une perspective historique. Ces textes ont été écrits à des époques différentes, dans des milieux parfois différents. Pour les comprendre utilement et en tirer la partie religieuse qui nous intéresse, il faut évidemment replacer ces différents textes dans leur milieu d'origine, c'est-à-dire en un temps où les auteurs de ces textes partageaient les connaissances de leur temps. Cela est manifestement évident et explique que les auteurs bibliques n'aient pas pu rédiger de manuels de paléontologie ou de géologie.

Ils ont fait beaucoup plus : ils nous ont apporté des éléments d'édification morale et religieuse et non pas des éléments directement utilisables pour l'histoire scientifique.

CHR.M. : Dans votre vie de savant, y a-t-il conflit entre les sciences et leur "doute méthodique", et la foi chrétienne ?

TH.M. : Question considérable.Il faudrait beaucoup de temps pour y répondre.De façon générale la réponse est non. Il n'y a pas de conflit pour moi entre la foi chrétienne et les données scientifiques dont je m'occupe.Je ne vois pas très bien sous quelle forme ce conflit pourrait naître, sauf si nous en venions à attribuer aux récits bibliques une compétence qu'ils n'ont pas et qu'ils ne cherchent pas à avoir. Les récits de la Genèse, poèmes de l'origine, ne sont pas uniques : il y en a plusieurs.Il y a au moins deux versions, peut-être une troisième, mais ces récits sont destinés à nous donner des commentaires religieux sur ce que l'homme peut deviner ou interpréter quant aux origines de la terre, du Monde et des êtres vivants.Mais ils ne prétendent pas avoir, dans ce domaine là, une compétence scientifique que manifestement les auteurs de ces textes ne pouvaient pas avoir à l'époque où ils écrivaient.Ce sont des poèmes qui ont une grande importance au point de vue religieux, mais ils ne peuvent pas être, et ils ne sont pas des traités de l'histoire de la terre ou de la paléontologie qui était totalement ignorée jusqu'à une époque extrêmement tardive.

Dans les premiers siècles de l'ère chrétienne encore, les Pères de l'Eglise avaient imaginé que les animaux n'avaient été créés que pour l'utilité ou le plaisir de l'homme : ils ignoraient bien entendu, et on ne leur en veut pas, les distances temporelles des Dinosauriens, des trilobites et des ammonites. Aujourd'hui nous connaissons les distances de ces énormes groupes animaux qui nous ont précédés de très loin et qui nous succéderont peut-être, le jour où l'homme aura disparu.

Le Sahara

Cet affreux Sahara oriental, interdit désormais même au chameau et au bédouin, n'a pas toujours été cette image de désolation et de mort : l'homme préhistorique a pu y vivre, chassant la girafe et élevant des vaches, et puis le climat a changé, et il changera encore, comme ailleurs : les rennes ont quitté la France, ils y reviendront avec la prochaine période glaciaire.

La permanence des choses n'est qu'une illusion : à notre échelle d'êtres éphémères on ne voit pas naître et disparaître la montagne, les continents s'écarter ou se rejoindre, les climats passer du sec à l'humide ou du froid au chaud...

Comme on l'a dit, de mémoire de rose on n'a jamais vu mourir un jardinier.Et pourtant ceux-ci, comme la fleur, retourneront un jour à la poussière.

Tout s'écoule, tout passe, tout se transforme dans le domaine des choses visibles : ce sont seules les spirituelles, les invisibles qui elles sont éternelles.L'expression "réalités spirituelles" n'est au fond qu'un pléonasme...

Th. Monod
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