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Le Credo, un champ de ruines?
Lettre ouverte de M. Louis Hansoul à Mgr André Mutien Léonard

Dans un article paru sur le site Internet «Christycity.com» vous avez cru bon, Monseigneur, d’écrire quelques lignes pour réconforter, dites-vous, ceux que la publicité du livre de Albert Jacquard «Dieu?» aurait pu troubler inutilement.

Albert Jacquard, qui se voit qualifié par vous d’excellent biologiste, mais de piètre philosophe (sic), n’est pas le seul à trouver le Credo poussiéreux.

Ainsi l’évêque épiscopalien John Shelby Spong qui, à un de ses paroissiens qui lui disait : «Lors qu'à l'église on dit le credo de Nicée, ma conscience me dit que je suis malhonnête car je n'y crois pas vraiment.» lui répondit : «Comme bien d'autres, vous êtes victime des affirmations de l'Église. Elle voudrait faire croire que les credo sont divinement inspirés et qu'ils expriment si parfaitement la foi chrétienne qu'on ne peut pas les mettre en doute. Mais ce n'est pas du tout vrai.

C'est au 3e siècle que les credo sont nés. Ils variaient d'une communauté à l'autre et n'ont que lentement évolué vers la forme qu'ils ont maintenant. Par exemple le symbole de «Nicée-Constantinople», a été fixé précisément par les conciles de Nicée en 325 et de Constantinople en 381. Mais les votes y ont été acquis dans une telle ambiance de marchandages et de compromis et les débats ont connu tant de retournements de situation, que les délégués auraient été les premiers surpris d'apprendre que leur texte serait considéré dans la suite comme divinement inspiré !

Le fait que dans la suite l'Église ait persécuté et même brûlé vif ceux qui se permettaient de discuter certains de ces articles montre à quel point les sentiments d'insécurité de la vie et d'incertitude de la foi peuvent rendre les hommes méchants, démoniaques et meurtriers. Les credo représentent de simples jalons de l'état de la doctrine à une certaine époque de la vie de l'Église. Ils sont révélateurs des idées que l'on avait alors.

Une naissance miraculeuse était, par exemple, traditionnellement attribuée à un homme important. D'autant plus que l'on ignorait à l'époque les processus de la reproduction. Il ne viendrait aujourd'hui à personne l'idée d'y voir une vérité scientifique. En disant que le Christ est «descendu du ciel» et «monté au ciel», le credo assume naturellement la conception de son époque où l'on croyait que la terre était au centre de l'univers et que le ciel était au-dessus. Nous savons, depuis Copernic, qu'il n'en est rien.

Les credo sont des hymnes d'amour que nous chantons à notre Dieu ; nous laissons leurs paroles nous toucher mais nous ne les prenons pas à la lettre. L'Église, un jour, les réécrira. Mais cette nouvelle version deviendra vite, elle aussi, obsolète et source d'erreur, car tel est le sort de toutes les oeuvres humaines.

La raison d'être des credo, au-delà de leur formulation, est de nous conduire au Dieu dont ils veulent témoigner. Si nous les comprenons ainsi, ils nous aideront. Si nous les prenons à la lettre, si nous en faisons les gardiens de la foi et de l'orthodoxie, ils nous détourneront de Dieu. En fait nous devrions les chanter plutôt que les réciter !»

De même, Hilary Wakeman, Prêtre anglicane, Présidente du Réseau des Églises ouvertes d'Irlande dans un article «For God's Sake: reasonable Religion» Pour l'amour du ciel une religion raisonnable ! écrit : Le texte du Credo fut adopté en l'an 325 au Concile de Nicée convoqué par l'empereur Constantin pour régler l'hérésie arienne.

La question que l'on peut se poser est pourquoi l'Église utilise-t-elle encore de nos jours ce langage et cette problématique tellement périmés au lieu de les mettre à jour.

On ne cherche pas dans les textes du 4e siècle comment développer la médecine ou la biologie ou gérer une entreprise. Pourquoi y cherche-t-on Dieu? Pense-t-on que les évêques de Nicée étaient divinement inspirés? Mais on connaît les oppositions entre eux et leur rivalité personnelle, leur désir de pouvoir. L'ambiance à Nicée n'était pas différente de celle qui règne aujourd'hui dans nos conseils d'Église dont personne n'aurait l'idée de dire qu'ils sont divinement inspirés !

En attendant, dans les Églises où cet ancien credo est encore en vigueur, bien des fidèles croisent moralement les doigts derrière leur dos pendant sa récitation, ce qui n'est pas sans provoquer un complexe de dissimulation, mal justifié par le sentiment qu'il s'agit de protéger la foi. De plus en plus les gens intelligents et cultivés se détournent du christianisme dans la mesure où ils ne peuvent plus en conscience adhérer à la liturgie du culte et en chanter les cantiques.

Il n'est évidemment pas bon pour l'Église de demeurer dans une situation aussi malsaine. Les Églises conservatrices, plus ou moins fondamentalistes, s'y sentent certainement à l'aise mais le christianisme le plus ouvert, le plus libéral, en est victime et a tendance à disparaître progressivement.

Le moment arrive où la foi chrétienne sera uniquement représentée le fondamentalisme qui affirme que la Bible entière est divinement inspirée et ne peut contenir d'erreur et qui en même temps rejette le monde moderne, la science, l'éthique et la théologie. Si l'on veut éviter cette catastrophe, il faut repenser d'urgence notre foi et notre manière de l'exprimer.

La difficulté est que l'on ne se rend pas compte de la gravité de la situation. Les pasteurs et les prêtres ne se permettent en général pas de mentionner dans leurs sermons ces questions qui semblent aberrantes aux gens du dehors, car ils craignent de scandaliser leurs paroissiens qui viennent encore, alors que c'est justement ce silence qui les décourage et eux-mêmes craignent de choquer en l'avouant.

La distance s'accroît entre les fondamentalistes autoritaires qui sont en train de prendre le pouvoir dans les Églises et les libéraux qui ne veulent plus venir.

Il nous faut vraiment repenser la doctrine chrétienne : quel est sa finalité, quelle est son origine, pourquoi est-elle si détaillée? Est-il vrai qu'elle soutienne la foi de certains fidèles et en détourne d'autres de la foi? Est-ce bien elle qui est responsable de la crise actuelle de l'Église? Il faudrait maintenant proposer de nouvelles expressions de la foi sans pour autant récuser les formulations traditionnelles auxquelles bien des fidèles sont encore attachés et qu'ils ont parfaitement le droit de conserver.

La religion n'est pas une science fondée sur une série de faits indiscutables qui ont été utilisés autrefois dans une conception du monde que nous n'avons plus de nos jours. On ne doit plus obliger les fidèles d'aujourd'hui à admettre la réalité historique de la naissance miraculeuse d'un enfant, la résurrection physique d'un homme sortant vivant de sa tombe après trois jours, sa possibilité d'accomplir des prodiges, qu'il soit «d'une même substance» que l'indéfinissable Etre-Esprit-Force que nous appelons «Dieu».

Les gens ont tendance à prendre le Credo pour une présentation complète de la véritable foi chrétienne, alors qu'il a été rédigé au 4e siècle dans le but de résister aux idées d'Arius concernant la personne du Christ. Et en réalité beaucoup des doctrines actuellement en cours dans les Églises, ne sont que des interprétations de l'Écriture parmi d'autres qui proviennent de la tradition. Ainsi pour les interprétations données de la mort de Jésus, de son oeuvre, de la doctrines du péché, du paradis et de l'enfer, de Marie, de la prière, des sacrements, et de la conception de Dieu qui en découle.

Mais l'interprétation de tous ces points et la conception même de Dieu a considérablement évolué au cours des siècles et la tradition aussi a changé, ajoutant ici et supprimant là...

Tony Windross, pasteur de la paroisse anglicane de Saint Peter Sheringham, Angleterre, dans «Pourquoi dire le credo?» précise lui aussi : «Le Credo fut composé au concile de Nicée en l'an 325, par un groupe de théologiens et d'hommes politiques, dont les discussions ne cessèrent d'ailleurs pas à la fin du concile. Ce n'est qu'au concile de Constantinople, en 381 que son texte fut définitivement fixé. Il entend donner aux fidèles un résumé de la foi chrétienne. Il se trouve cependant être parfaitement inutilisable dans la mesure où quantités de ses affirmations sont absolument non crédibles pour la plupart des gens. Nombre de fidèles demeurent silencieux lorsqu'il est récité, omettent d'en dire certaines parties ou ne le font qu'avec la mauvaise conscience d'un sentiment d'hypocrisie.

Que peut-on en penser? L'Église n'est en rien obligée de le dire et le plus simple serait naturellement qu'elle s'en abstienne. Le credo a été imaginé par des hommes et il peut être abandonné (ou ignoré) par les hommes s'ils (nous !) le souhaitent. On pourrait d'ailleurs se demande si nous avons vraiment besoin d'un credo.

Tout credo est un produit de son temps, comme par exemple une poterie ancienne. Il faut être conscient du fait que le réciter aujourd'hui ne signifie pas que nous avons les mêmes conceptions que ceux qui l'ont jadis rédigé. Ce serait impossible et d'ailleurs anormal car en 1700 ans le monde a beaucoup changé ainsi évidemment que notre manière de penser.

On a dit que le credo était comme l' «hymne national» de l'Église. Le proclamer signifie que l'on s'en reconnaît membre, sans s'attacher forcément au sens de chacune de ses phrases. Ce serait sans doute plus clair si on le chantait au lieu de le parler : après tout on chante quantité de cantiques dont les paroles sont tout à fait bizarres, mais qui ne nous gênent pas car nous aimons leur mélodie.

Les croyants des siècles passés nous tendent, il est vrai, une main que nous trouvons moite. Mais nous devons être capables de la saisir sans qu'elle nous détourne du Dieu vivant.

La foi chrétienne est contenue (fossilisée?) dans les mots d'autrefois. La formulation du credo est certainement importante mais elle n'est pas définitive. En théologie, rien n'est jamais définitif. Le danger des credo est qu'ils font croire que tout est dit et qu'il n'y a plus qu'à répéter indéfiniment les mêmes choses dans les mêmes mots.

En réalité à chaque génération la question est posée de la manière dont elle présentera la foi aux hommes de son temps dans le langage qui est le leur. Les «Vérités éternelles» sont peu nombreuses et leur contexte historique en cache le sens profond.

Exiger qu'au 21e siècle on prenne à la lettre les affirmations de l'ancien credo, revient à laisser la poussière du temps passé recouvrir la foi chrétienne. Il nous revient de proclamer l'Évangile au monde qui vient.»

Me permettrez-vous, Monseigneur, de vous dire je n’ai pas du tout apprécié, le paragraphe commençant par "Une perle pour terminer" s’achevant par "Faut-il un doctorat en théologie pour comprendre cela?" Qu’en terme poli, raffiné et chrétien, on dit «Jacquard, t’es con ou non?» Ce paragraphe, le voici dans son intégralité : «Une perle pour terminer: l’auteur (Albert Jacquard) voit une contradiction entre la foi en la sainteté de l’Eglise et son histoire faite de grandeurs, mais aussi de misères et de trahisons. Mais qui donc s’imagine que la sainteté de l’Eglise signifie la sainteté de tous ses membres dans l’histoire? L’Eglise est sainte par l’Ecriture Sainte et le Saint-Sacrement de l’Eucharistie qui lui sont confiés, elle est sainte par l’Esprit Saint qui, par la Sainte Tradition des Apôtres, la maintient fidèle à la Révélation au cours de l’histoire en dépit de toutes nos infidélités, elle est sainte dans la Vierge Marie et dans tous les saints et saintes qui sont la signature vivante de sa vérité, mais pour le reste, elle est composée de pêcheurs, à savoir vous et moi! Faut-il un doctorat en théologie pour comprendre cela?» (les soulignements sont de moi)

Quand vous écrivez, Monseigneur, «tous les saints» je suppose que vous y incorporez aussi :

  • Saint Augustin, (354-430) évêque de Carthage, l’inventeur du «Péché originel», Docteur de l'Eglise, qui est considéré comme le plus grand penseur de l'église antique, et sa Théorie de la guerre juste servira plus tard à justifier les croisades. Saint Augustin, le saint patron des talibans, qui a lancé : "A Rome, les temples sont fermés, les idoles détruites ! Comme à Rome, ainsi à Carthage". Avec comme conséquence que des bandes de catholiques enragés se lancent alors à l'assaut des statues et temples encore debout en ville et les détruisent.
  • Saint Cyrille (Docteur de l'Eglise), évêque d'Alexandrie en 412. Celui qui excite les sentiments antisémites diffus parmi les chrétiens de la ville, et, à la tète d'une foule de chrétiens, incendie les synagogues de la ville et fait fuir les juifs. Celui qui encourage ensuite les chrétiens à se saisir des biens que les juifs ont dû laisser derrière eux. Hypathia, la dernière grande mathématicienne de l'école d'Alexandrie, par ailleurs fille de Théon d'Alexandrie, directeur de la bibliothèque, est tuée par une foule de moines chrétiens inspirés par Cyrille, patriarche d'Alexandrie, Saint Cyrillle.
  • Saint Grégoire (540-604), le pape Grégoire I, dit Le Grand, considéré comme l'inventeur de la croisade. En effet, il envoie à Gennadius, gouverneur d'Afrique pour l'Empire Romain d'Orient, une longue lettre l'incitant à "engager de nombreuses guerres" ayant pour but de convertir de force au christianisme les populations des terre conquises. Ce saint homme est aussi un farouche adversaire des sciences et de la connaissance rationnelle. L'on connaît de lui une lettre à l'évêque de Vienne (France) où il écrit: "Nous avons eu voix d'une information dont je ne peux référer sans honte: il semble que dans ta congrégation l'on enseigne la grammaire". Outre la grammaire, il décourage ou interdit l'enseignement de la culture gréco-romaine en général, y compris les langues, la science, la philosophie et la mythologie.
  • Saint Bernard de Clairvaux (1090 – 1153) canonisé dès 1174, puis promu à Docteur de l'Eglise en 1830 avant d'être proclamé Doctor Mellifluus en 1953 par le pape Pie XII. Les prêches de Saint Bernard pour la 2è croisade convainquent maints jeunes européens d'aller exterminer les hérétiques en Orient. Après avoir, en 1146, prêché pour la 2è croisade ensemble avec le roi de France en personne, il va en Allemagne prêcher la bonne parole avec une formule simple: la participation à la croisade est une bonne affaire, car elle donne automatiquement l'indulgence plénière pour tous les péchés. Pour Saint Bernard, les armées des croisés doivent offrir à tous les païens rencontrés le choix suivant: "Extermination ou Conversion" (Vernichtung oder Bekehrung). Ensuite, la formule deviendra, pour des raisons de marketing & communication "La mort ou le baptême" (Tod oder Taufe).
  • Saint Tomas, (1225-1274) - Docteur de l'Eglise, théoricien de l'exterination des hérétiques et Docteur angélique. Saint Thomas est encore considéré aujourd'hui comme le grand philosophe catholique. En particuliers, sa Summa Teologica est l'oeuvre de référence de la scholastique catholique et est amplement et souvent cité par le pape Jean-Paul II dans ses encycliques. Saint Thomas justifie entres autres, dans la Summa Teologica, la nécessité de tuer les hérétiques. [Summa Teologica, Secunda Secundae Pars, Question 11, l'Hérésie, article 3]
  • Saint Pie IX, l’inventeur de l’«Immaculée Conception de Marie» en 1854, l’auteur en 1864 du Syllabus (recueil des principales erreurs de notre temps), lequel est ratifié par le concile du Vatican. Ce catalogue condamnait la liberté de religion, de conscience, de la parole, de la presse écrite, et des découvertes scientifiques qui sont désapprouvées par l’Église romaine ; il défendait l’autorité temporelle du pape sur tous les dirigeants civils. Saint Pie IX, le premier homme a oser se proclamer infaillible !!! sur les questions de la foi et de la morale.

Et je terminerai, Monseigneur, en paraphrasant une de vos phrases dans votre texte: «Personnellement, moi, je ne découvre pas le pouvoir éclairant de la foi chrétienne, telle qu’elle est résumée dans le Credo».

Avec toutes mes salutations,

Louis Hansoul (Belgique)
un chrétien déboussolé

 


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