Pâques
Pâques signifie que le rocher de Sisyphe, celui
de labsurde et de ses fatalités, des résignations,
du mal mortifère, est maintenant définitivement défait.
LÉvangile raconte cette véritable révolution
en convoquant lunivers entier.
La fête des Rameaux révèle cette dimension
cosmique à travers la mention dun séisme que lon
retrouvera à lheure de la crucifixion et de la résurrection.
Jérusalem fut bouleversée, nous disent les textes, cest-à-dire,
daprès le grec original, saisie dun tremblement de
terre (Mt 21,11). Les rameaux, eux, associent le monde végétal
à la fête qui porte leur nom. Mais ces branchages, dont
Luc ne parle pas, seront bien vite relayés par le bois mort de
la Croix. Le monde animal est représenté par lânon
qui ajoute à cette perspective universelle.
Un autre animal apparaîtra au moment de la Passion
: le coq du triple reniement de Pierre ; son chant nannonce-t-il
pas une aube nouvelle, comme le dit un cantique ?
Lunivers humain est pris en compte à travers
sa versatilité et ses trahisons meurtrières. Ici retentit
un « hosanna » unanime et là un « quil
soit crucifié » que « tous » (Mt 27,22) prononceront
en chur.
Et le monde minéral ? Lui aussi est mystérieusement
présent dans cet accomplissement universel. Daprès
Luc (19,40), en effet, Jésus déclare aux Pharisiens indignés
par les cris de joie des disciples : « Si eux se taisent, les
pierres crieront. » Étrange et merveilleuse parole qui
inscrit le minéral au cur de ce récit pour ainsi
dire écologique. On ne peut alors sempêcher de penser
à cette pierre roulée du tombeau vaincu, comme le proclame
le traditionnel cantique de Pâques. Le rocher de Sisyphe est à
jamais culbuté.
Pâques : une résistance cosmique à
la désespérance des recommencements sans espoirs.
Laurent
Gagnebin