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Numéro 205
Janvier 2007
( sommaire )

Débattre

À l’occasion de la parution récente de deux publications, André Gounelle précise l’état des divergences et convergences de vue, théoriques et pratiques, des catholiques et des protestants sur la cène.

La cène : avancées œcuméniques

La cène ou eucharistie a toujours opposé catholiques et protestants. Au dix-septième siècle, en France, 97 % des livres de controverse entre les deux confessions en traitent, et il ne reste que 3 % pour les autres sujets de désaccord (la Bible, la grâce, Marie, le pape). La querelle se centre sur la doctrine de la transsubstantiation (changement de la réalité du pain et du vin en corps et sang du Christ) affirmée par le Concile de Trente (convoqué dans la ville italienne de Trento par le pape Paul III en 1545), catégoriquement rejetée par les réformés qui y voient une idolâtrie puisqu’elle entraîne la divinisation de l’hostie consacrée.

Aujourd’hui encore, dans les relations œcuméniques, la cène reste une pomme majeure de discorde et malgré de nombreux efforts, on n’arrive pas à rapprocher les points de vue. Le débat porte principalement sur l’hospitalité eucharistique : une Église peut-elle inviter les fidèles d’une autre Église à sa table de communion, sans leur demander, pour cela, de renier leurs convictions propres ? Beaucoup d’Églises protestantes (ainsi l’Église Réformée de France) le font. Le catholicisme romain s’y refuse ; il n’accepte des protestants qu’à des conditions qui équivalent à une abjuration. Mais cette rigidité est plus affirmée que pratiquée : dans les faits, jamais aucun contrôle ne s’exerce et beaucoup de prêtres, Dieu merci, enfreignent une règle qu’ils jugent excessive. Il n’en demeure pas moins que cette règle, même si elle est plus théorique qu’effective, entraîne quantité de frictions, de tensions ou d’affrontements entre les Églises. Ce que nous appelons communion est toujours un des facteurs majeurs de division.

Deux publications récentes (elles datent de 2005) montrent que des évolutions intéressantes se produisent et laissent espérer des changements sur ce point.

1. Trois centres d’études universitaires œcuméniques (Strasbourg, Tübingen, Bensheim), qui réunissent théologiens catholiques et protestants, viennent de publier une brochure commune intitulée Le partage eucharistique entre les Églises est possible (Academic Press, Fribourg). Elle est malheureusement rédigée dans le style indigeste habituel des documents interreligieux (des thèses suivies de commentaires), mais elle a le mérite de souligner que le refus de l’hospitalité eucharistique contredit les principes mêmes du catholicisme ; suffisamment de choses rapprochent les chrétiens de diverses confessions pour que cette interdiction soit illégitime. L’ouverture reste cependant limitée ; je n’ai pas eu le sentiment qu’elle s’étend jusqu’aux protestants qui, comme moi, se situent dans la ligne de Zwingli, et ce document n’amorce nullement la révision de la conception du sacrement qui me paraît nécessaire.

2. Avec une liberté, une vigueur, une humanité et un sens pastoral qui m’ont impressionné, un prêtre breton non conformiste (Jean-Pierre Bagot, Propos intempestifs sur l’Eucharistie, Cerf, Paris) va plus loin. À partir d’analyses fines, claires et bien informées, il voit avant tout dans l’eucharistie un repas communautaire. Il écarte les notions de sacrifice et de présence réelle (si elles ont eu de la pertinence autrefois, elles n’ont plus grand sens dans notre culture) et il insiste sur le partage fraternel qu’il juge central et déterminant. Il affirme qu’il croit ce que le Pape croit et veut que les catholiques croient, mais qu’il le dit dans un langage différent. Je le souhaite, sans en être convaincu. En tout cas, son livre indique la voie de ce dépassement des doctrines et de relativisation des rites qui me manquait dans le texte des instituts œcuméniques.

Il ne faut pas exagérer l’importance de ces deux écrits. Il paraît peu probable qu’ils conduisent l’Église romaine à modifier ses positions et déclarations officielles. Je me réjouis cependant de tout cœur que des théologiens catholiques, des prêtres prennent des initiatives et proposent des thèses peut-être risquées qui témoignent d’un changement positif de climat et d’une ouverture fraternelle aux autres. feuille

André Gounelle

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