logo d'Évangile et Liberté

Numéro 197 - Mars 2006
( sommaire )

Éditorial

La terre est ronde

Dans son Projet de Paix Perpétuelle, le philosophe Emmanuel Kant (1724-1804) explique que, la Terre étant ronde, l’autre n’est jamais totalement un étranger. Puisque la Terre est sphérique, les hommes ne peuvent se disperser à l’infini et doivent se supporter mutuellement. La relation aux autres n’est pas motivée par une règle morale mais par cette situation à laquelle personne ne peut se soustraire, celle d’être terrien, de partager une Terre toute ronde, sans marge où exclure et sans recoin où se perdre... L’autre est donc sur la Terre celui avec qui je partage ce qui nous est le plus immédiat et le plus nécessaire : un habitat commun où chacun peut déployer son existence, faire valoir son « droit de visite et se présenter à la société », comme le disait le même Kant.

Puisque la Terre est ronde, nous sommes tous placés à équidistance de son centre ; celui-ci se dérobant toujours à celui qui souhaite le détenir et l’occuper. Les implications théologiques de ce constat si banal d’apparence sont considérables. La rotondité de la Terre décentre tous les discours sur Dieu. Certains peuvent nous sembler plus logiques, plus utiles, plus stimulants que d’autres, mais aucun ne peut occuper, pour tous, ce même centre qui nous échappe. La rondeur de la Terre brise de fait les prétentions à l’universel d’une religion ou d’une révélation. C’est à travers la seule multiplicité des signes, des voix et des images, mises à notre disposition pour le dire, que Dieu se révèle à nous.

Dieu se laisse ainsi déloger du centre de la Terre pour féconder la pluralité des langues, des religions, des cultures, des sagesses, et donner à chacune d’elles de quoi dire l’inépuisable de l’infini. Ce Dieu révélé dans le multiple nous conduit tout autant vers l’autre que vers nos propres limites. Car décentré que je suis, je ne peux à moi seul circonscrire le tout de Dieu. Seuls ceux qui me sont autres peuvent alors me livrer ce qui de Dieu m’est encore caché, incompréhensible. Habitants d’une Terre toute ronde, sans marges ni recoins, nous sommes prédestinés à faire avec l’autre, et recueillir en lui ce qui, de Dieu et de la vie, nous échappe encore. feuille

Raphaël Picon

haut

Merci de soutenir Évangile & liberté
en vous abonnant :)

 


Accueil

Pour s'abonner

Rédaction

Soumettre un article

Évangile & liberté

Courrier des lecteurs

Ouverture et actualité

Vos questions

Événements

Liens sur le www

Liste des numéros

Index des auteurs


Sommaire

Article Suivant


Vous pouvez nous écrire vos remarques, vos encouragements, vos questions