Le théologien
zurichois G. Ebeling aurait dit, un jour : « On ne devrait pas
dire jai la foi, mais je crois. »
Ne croyez pas quil sagisse là darguties dintellectuels
et quutiliser un substantif ou un verbe revient au même.
Le nom convient mal parce quil favorise un malentendu.
En principe, les substantifs désignent des objets. Or ce quon
a lhabitude dappeler « foi » nest pas
une chose quon détient, quon perd, quon retrouve,
quon transmet, comme un trousseau de clefs ou un porte-monnaie.
La foi est une quête, une démarche, un mouvement,
une relation vivante (avec ses hauts et ses bas). Elle se développe
ou régresse, elle se modifie, elle évolue, elle passe
par des périodes heureuses et des moments de crise. Elle nous
travaille, nous change, comme lamour ; mais justement on dit «
jaime » et non « jai lamour ». Pour
parler de ce qui est mouvement et activité, on emploie de préférence
des verbes.
Malheureusement, croire nest pas un très
bon verbe. Il favorise également des méprises. Il évoque
la croyance et la crédulité dont la foi se distingue fondamentalement.
Néanmoins, souligner quavoir la foi signifie « je
crois » présente deux avantages.
Dabord, on détourne ainsi de voir dans la
foi un ensemble de doctrines à accepter. Je nentends nullement
éliminer les doctrines, elles sont tantôt utiles tantôt
encombrantes. Quand elles sont bonnes, elles aident à penser
la foi. Pourtant, la foi nest pas faite de dogmes, de croyances
ou dopinions. Elle est mouvement et relation.
Ensuite, on souligne son caractère foncièrement
personnel. Certes, elle nisole pas ni ne sépare ; elle
crée des communautés avec des liens forts et profonds
(et aussi parfois étouffants). Mais ces liens découlent
de ce que chacun de nous est, et vit. Le « je crois » ne
répète pas un « nous croyons »; le «
nous croyons » de la communauté se balbutie et sesquisse
à partir de plusieurs « je crois » individuels qui
à un certain moment ont su converger.
André
Gounelle