La force dune
identité, dun groupe ou dun individu, tient à
sa capacité à se raconter. Cette idée de Ricur
mériterait dêtre mise en valeur dans notre société.
Se raconter aujourdhui dans certains quartiers, cest exprimer
une haine sans but, un mai 68 de labsurde.
Revenons en arrière. En 1459, Cosme de Médicis
fonde lacadémie platonicienne de Florence. Un vent de liberté
souffle sur la cité de lArno. « uvrons ensemble
», semblent se dire tous les penseurs, les artistes et les politiques
de la ville. Cet élan est une véritable refondation. Le
décor de la pensée comme celui des tableaux retrouve ses
racines puisées dans lAntiquité et construit un
avenir plus ouvert. Désormais, la philosophie, la théologie
et lart vont uvrer dans une formidable dynamique douverture
et de recherche. La liberté fait son entrée dans lexpression.
La Réforme protestante héritera de cet esprit de la Renaissance.
Peut-on faire de la théologie sans étudier la philosophie
? Comment percevoir la peinture sans comprendre le monde des idées
? Bref, pourquoi rester enfermé dans son carcan culturel ou doctrinal
? La ségrégation des corps commence avec celle des idées.
Peut-on faire du rap et écouter Bach ?
Nombre dinterventions aujourdhui commencent
par : « En tant que
» Suivent ensuite une kyrielle
de titres, de fonctions, de sciences, de spécialités et
de prétendues compétences. Peut-on encore se payer le
luxe de lhyper-spécialisation ? Nos langages sont parfois
les barreaux dune prison ou dun apartheid qui, loin de nous
protéger, risque de nous exploser en pleine figure. Les cocktails
Molotov ont remplacé les mots. La rage a remplacé lespoir.
Où est lesprit de Florence ? Dans quelle oubliette avons-nous
jeté notre capacité humaine à « uvrer
ensemble » ?
Qui seront les Médicis daujourdhui,
nous sortant de la gangrène des misères en élevant
nos âmes par toutes les formes de pensée ? Qui seront les
mécènes des tentatives de liberté ? Qui nous fera
passer du désarroi des cocktails Molotov à la splendeur
des Médicis ?
Jean-Marie
de Bourqueney