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Numéro 192 - octobre 2005
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Questionner

Les Églises sont-elles en crise ? Si oui, ce n’est pas tellement à cause des bancs qui restent vides, ni d’une crise des croyances, ni d’un mode de vie qui ne favorise pas une pratique régulière ; c’est surtout parce que nous manquons du sens de la communauté et de l’engagement dans le monde.

Lettre ouverte aux chrétiens occasionnels

Nos Églises se vident-elles vraiment ?Pourquoi certains ne vont-ils au culte qu’une seule fois par an ? En Alsace-Moselle où j’officie, le vendredi saint voit une affluence exceptionnelle et unique dans toute l’année. Pourquoi ou, plutôt, pour qui viennent ces « chrétiens occasionnels » ?

Se rendent-ils au culte pour eux-mêmes, afin de se donner bonne conscience et de réaliser leur bonne action de l’année en pensant se mettre en règle avec Dieu ? Sacrifient-ils au rite catholique de « faire ses Pâques » et viennent-ils pour vénérer un mort ?

Je ne peux m’empêcher d’entendre Jésus s’écrier du haut de la croix : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font… » Savons-nous vraiment ce que nous faisons quand, à l’appel de Dieu, nous nous rassemblons pour vivre la célébration du culte ?

Ne faut-il pas appeler ces paroissiens occasionnels à venir s’engager au service du Christ vivant et à en témoigner activement dans son Église et hors de ses murs pour le monde ?

L’Église : y entrer… ou en sortir ?

Quelle image de l’Église sous-tend cette pratique épisodique ? Une Église doit-elle attirer à elle des fidèles, de préférence en grand nombre, ou est-elle « appelée à témoigner hors de ses murs » selon le sens étymologique du mot Église : appelée à sortir ? Les bancs apparemment vides du dimanche sont-ils vraiment le signe d’une Église moribonde ? Je remarque que les quinze ou trente paroissiens dominicaux sont rarement les mêmes. Il y a un roulement dans les présents. Autrefois, l’Église offrait, le dimanche matin, le seul lieu de rassemblement. De multiples associations et rencontres assurent maintenant cette fonction de regroupement.

Le travail s’accompagne d’un stress immense ; il exige une mobilité et une disponibilité qui créent de nombreux célibataires géographiques. La cohésion familiale en souffre, les deux parents travaillent, on n’a pas d’autres moments que les week-ends pour souffler un peu. De plus, quel but poursuit l’Église : remplir des bancs ou appeler les gens à s’engager au service des plus fragiles à la suite du Christ ressuscité et lui prêter leurs mains ?

Une analyse commode prétend que s’il n’y a plus personne aux cultes et messes, la faute en incombe aux permanents de service ! Logique du nombre de notre société où rendement, profit et bénéfices sont les maîtres mots d’un bon fonctionnement. La chasse aux sorcières s’ouvre à nouveau avec son corollaire indispensable : la quête inlassable d’un bouc émissaire. Cette démarche est alimentée par la culture télévisuelle des reality shows et autres émissions de déballages intimes devant un peuple passif de voyeurs, nouvelle version des jeux du cirque, où seul compte l’audimat réalisé.

Nostalgie du temple plein.

Certaines fêtes chrétiennes et les rites de passages importants de nos vies (baptêmes, mariages et enterrements) rassemblent du monde. On constate que pour Noël, Pâques et Pentecôte, ainsi que pour certains actes d’Église, les temples se remplissent.

Pour les fêtes, peut-être la nostalgie idéalisée d’autrefois favorise-t-elle le rassemblement dans les lieux de culte ? Réentendre les textes bibliques fondateurs de notre foi enfouie, rechanter les cantiques qui ont bercé notre enfance, rassembler la famille pour partager un bon repas et surtout revoir le temple presque plein à ces occasions emplit notre cœur de fierté et fait vibrer notre fibre protestante. La société a bien compris le profit à tirer de ces fêtes et de ces événements rituels. La place de l’enfant roi alimente rites et traditions en poussant à la consommation : à Noël, échange de cadeaux sous le sapin ; à Pâques, recherche des œufs, des poules, cloches et lapins en chocolat ; à Pentecôte, fête des confirmations où, là également, les cadeaux jouent un rôle non négligeable et étonnent les confirmants eux-mêmes !

Ces fêtes et ces rites de passage demeurent encore des événements marquants dans notre existence et incitent les personnes à rejoindre les communautés pour partager joies et peines à la recherche de racines fondatrices qui donnent un sens à leur vie.

Église : abri ou témoignage risqué

Chaque dimanche, le temple abrite au mieux 30 personnes sur 280 familles inscrites sur le fichier paroissial. J’ai écrit « abrite » ! Vivons-nous notre foi comme un refuge ? L’Église devient une pompe à essence où nous faisons le plein ponctuellement. Nous sommes spectateurs et consommateurs sans nous impliquer concrètement pour que l’Église vive et témoigne hors les murs, suivant le risque de sa vocation.

« Fais que je cesse de blâmer l’Église pour me dispenser moi-même d’y travailler », comme le dit André Dumas dans Cent prières possibles. Je reviens d’un échange de pasteurs en Zambie où j’ai constaté l’effort, la fidélité et la participation active dans l’Église et pas seulement au culte ! Certains paroissiens marchent 10 heures à l’aller et autant au retour pour partager le culte en communauté.

Alors peut-être en France nous moquons-nous de Dieu ? Et, du même coup, nous nous égarons nous-mêmes, nous perdons l’essentiel de notre existence, le sens de notre vie qui est le partage de notre foi et de notre vie avec les autres.

Individualisme et solidarité

Comment répondre à l’appel de Dieu, en solitaires… ou en solidaires ?

Les personnes rencontrées lors des préparations des actes d’Église confessent spontanément : « Je suis croyant, pas pratiquant ». Peut-on croire seul dans son coin, sans faire circuler autour de nous cette Parole qui nous fait vivre ? La foi se réduit-elle à une affaire privée entre Dieu et nous ? C’est souvent l’alibi qu’on fournit : « Je ne viens pas au temple, mais je crois en Dieu, je prie, je suis engagé dans des associations humanitaires. » Je : sacré individualisme ! La dimension communautaire du partage – le nous – ne manque-t-elle pas ? Nous cédons à l’inertie et la passivité. Il est beaucoup plus confortable de demeurer chez soi que de faire l’effort de sortir pour participer à un culte ou à une étude biblique.

Certes, notre société n’a pas la même notion du temps qu’en Afrique. Posons-nous, cependant, la question : qu’est-ce qui nous fait vivre ? Ou, plutôt, qui nous fait vivre ? Et que sommes-nous prêts à offrir à l’Église, argent, énergie, forces, imagination, idées ?

Simplicité de la prière à retrouver.

En Zambie, la prière est vivante ; elle se partage dans tous les groupes d’Église. Les paroissiens, à la demande du pasteur le matin même, prient spontanément pour une louange, un pardon, une intercession. Qu’est-ce qui nous retient de prier à haute voix ? La peur de ne pas trouver les mots, la crainte du jugement des autres ? La prière devient alors affaire de spécialistes. Retrouvons la faim du partage de la Parole et de la prière communautaire. Arrêtons de compter et de nous lamenter en ressassant notre passé protestant idéalisé ; retrouvons plutôt l’audace des tutoyeurs de Dieu qu’ils étaient. Le monde attend de nous une parole forte. L’Église n’est-elle pas le rassemblement des chercheurs de Dieu, témoins actifs de l’amour du Christ « large, long, haut et profond » (Eph 3,14-21) ?

« Gémir ou agir » (Abbé Pierre).

Demeurerons-nous des chrétiens gémissants ou serons-nous des chrétiens agissants ?

Si nous voulons être fidèles au Christ ressuscité, il nous faut bouger, nous lever, nous réveiller ! C’est-à-dire : ressusciter. L’apôtre Paul le disait aux chrétiens d’Éphèse (5,14) : « Réveille-toi, toi qui dors, relève-toi d’entre les morts et le Christ t’éclairera ! » feuille

Anne-Lise Salque

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