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Numéro 186 - Févier 2005
( sommaire )

Combattre

Le début de l’année nous a plongés dans « l’horreur ». Deux cent mille victimes et disparus. Un nombre hors de toutes proportions. On a tout dit, tout vu. La catastrophe de l’océan indien est internationale, historique. Quelques semaines après l’événement, quelques réflexions s’imposent.

À propos de la catastrophe du 26 décembre

En dehors du séisme lui-même, sur lequel nous n’avons pas de prise, nous pouvons dégager une responsabilité qui nous incombe. Le système économique qui domine le monde n’a de respect ni pour la nature, ni pour les êtres vivants. Le développement du tourisme, l’exploitation des forêts, des mangroves en particulier, la croissance urbaine incon-trôlée et l’absence de toute forme de prévention sont en partie à l’origine du nombre des victimes particulièrement élevé. La recherche d’un bénéfice immédiat, la pauvreté des pays concernés font aussi que les équipements utiles en cas de catastrophe naturelle n’existent pas. L’inconséquence des gouvernements locaux va de pair avec l’indifférence internationale jusqu’au moment où…

SRI LANKA. Kalutara. Enfant Sri lankais au milieu des ruines de la ville dévastée par Tsunami. 31/12/2004. Fédération/MAYER, Till

Les choses ont, semble-t-il, changé : les dons et promesses de dons sont considérables ; l’émotion très forte et une couverture médiatique sans précédent ont fait prendre conscience au monde de la nature de l’événement. Visiblement le raz-de-marée a permis aux hommes de réaliser qu’ils sont ensemble et solidaires les uns des autres ; peut-être aussi parce que le tourisme a plongé beaucoup de pays riches dans le deuil. Réjouissons-nous donc de cet élan de générosité et des bonnes décisions qui y font suite, en ,particulier au niveau international.

Hélas, bien des questions demeurent. La société spectacle a fonctionné comme jamais, avec une violence et un réalisme sans précédent : La mort – obscène, horrible, pornographique – s’est étalée avec complaisance sur nos écrans et dans nos journaux. Elle a attisé notre morbidité. Elle nous renvoie à la violence de nos sociétés, à notre propre mort à laquelle on échappe pour l’instant. C’est la mort de l’autre dans la télé-réalité qui, là, n’est pas un jeu. On s’apitoie d’autant plus que cette mort étrangère nous a quand même touchés, quelques centaines des nô-tres ne sont pas revenus. Pour les autres, le coup n’est pas passé loin.

SRI LANKA. Colombo, dans un collège hindou face à la délégation. Volontaires aidant le CICR à mettre des produits non alimentaires dans des sacs et à les embarquer dans des camions pour Batticaloa. 05/01/2005. ” CICR/BARRY, Jessica

Comme souvent en pareil cas, la mort conduit à des formes d’exubérance dans les comportements. On l’a vu autrefois au moment des pestes et des grandes épidémies. La danse macabre – on l’a sur nos écrans –, et la course à l’entraide internationale nous entraînent tous dans une sorte de grande kermesse de la charité. Cette charité internationale, si elle reste nécessaire, n’en pose pas moins le problème de notre déculpabilisation et de la perception de notre salut. Nous sommes parmi les plus généreux, voyez nos voisins, constate-t-on non sans satisfaction. Cette générosité très ciblée risque d’affaiblir nos au-tres engagements. Problèmes du quart-monde, des exclus, guerres et souffrances en Afrique, dans tout le tiers-monde. La mort de l’autre cache souvent la mort chez nous. À l’heure où ces lignes sont écrites, quinze jours après la catastrophe, s’est-on demandé comment les SDF de nos sociétés ont passé l’hiver. Les banques alimentaires et autres restos du cœur ont-ils ce qui est nécessaire pour secourir les plus démunis parmi nous ? Avons-nous conscience de ce qui se passe dans les bidonvilles du Brésil ? Qu’en est-il du génocide du Darfour à peine évoqué, et du Congo, à feu et à sang une nouvelle fois ? Tous ces morts médiatisés du tsunami ne doivent pas occulter tous les problèmes de fond, tant de souffrances auxquelles nous devons être toujours vigilants.

Espérons ! Espérons que l’élan de sympathie et de générosité, que ce malheur de l’Océan Indien a réveillé au cœur de chacun d’entre nous, ne reste pas sans lendemain et qu’il soit le signe d’un réveil d’une humanité nouvelle, plus attentive aux autres, que ceux-ci soient proches ou lointains. Espérons que le philosophe Michel Serres ait raison de dire que nous assistons à l’émergence d’une nouvelle conscience planétaire. feuille

Vincens Hubac

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